A tous ceux qui libérèrent Paris le 24 aout 1944
Histoire d’un oubli
Ces Espagnols qui ont libéré Paris
Le 25 août 1944, à 16 heures, le général Dietrich von Choltitz, gouverneur allemand de Paris, qui s’était rendu, deux heures auparavant, au soldat espagnol Antonio González, signait la capitulation nazie devant le général Leclerc et le colonel Rol-Tanguy. Paris était libéré. Le rôle qu’y jouèrent les résistants étrangers, et en particulier les républicains espagnols, sera-t-il oublié au cours de la commémoration de cet événement ?
En Angleterre, début 1944, les républicains espagnols vont baptiser leurs half-tracks de noms espagnols. Les anarchistes de la Nueve veulent en appeler un "Durruti", les communistes militent pour "La Pasionaria". Pour éviter les affrontements, les officiers espagnols tranchent pour les noms des batailles de la guerre d'Espagne : Teruel, Belchite, Guadalajara...
En été 1943 seize mille soldats dont vingt pour cent d'Espagnols sont regroupés en Afrique pour formée la 2ème division blindée (2èDB) française commandée par le général Philippe Leclerc. Equipée par les Américains la division dispose d'un armement ultra-moderne. Des Espagnols sont disséminés dans toute la 2eDB mais ils prédominent surtout dans le régiment d'infanterie du Tchad dans la 9 compagnie. »La compagnie inspirait de la méfiance à tout le monde et personne ne voulait en prendre le commandement ». Si le capitaine Dronne est finalement choisi c'est parce qu'il parle couramment l'espagnol , a passé beaucoup de temps en Espagne avant la guerre et facteur capital il est entré dans la Résistance dès le début. La plupart des Espagnols sont anarchistes un certain nombre socialistes et modérés.
Quand la 9ème compagnie débarque en Normandie au début du moi d'aout 1944 elle compte cent quarante quatre Espagnols. Seulement seize d'entre eux survivront à la traversée de la France puis à celle de l'Allemagne dont Rafael.
Quand la 9ème compagnie débarque en Normandie au début du moi d'aout 1944 elle compte cent quarante quatre Espagnols. Seulement seize d'entre eux survivront à la traversée de la France puis à celle de l'Allemagne.
Raymond Dronne trouve les Espagnols à la fois difficiles et faciles à commander :
- »Ils restent sur leurs gardes jusqu'à ce que leur officier ait fait ses preuves mais une fois qu'ils accordent leur confiance celle-ci est totale et complète. Ils veulent absolument connaître les raisons des tâches qu'on leur demande d'accomplir mais dès qu 'on les leur a expliqués et qu'ils approuvent, ils les exécutent avec une résolution inébranlable».Il n'avaient pas l'esprit militaire écrit Dronne, ils étaient tous antimilitaristes mais c'étaient de magnifiques soldats vaillants et expérimentés. S'ils avaient embrassé spontanément et volontairement notre cause c'était parce que c'était la cause de la Liberté. Oui en vérité, c'étaient des champions de la liberté ».
Le 4 avril 1944 la 2ème DB embarque à Casablanca pour l'Angleterre et débarque en Normandie en aout. Elle engage le combat. La 2ème Db qui est rattachée au coup d'armée commandé par le général américain Gerow commence à monter sur Paris, le général de Gaulle ayant reçu du général Omar Bradley l'asurance qu'on laisserait à la division l'honneur d'entrer la prelière dans la capitale. Mais les américains tardent à donner le feu vert aux français. Leur stratégie préconise des mouvements enveloppants par le nord et le sud de Paris. Menacés d'encerclement les Allemands seraient alors forcés d'évacuer la ville sans combat. Pour le général Eisenhower, la prise de la capitale était prévue pour les premiers jours de septembre. Impatient Leclerc ne cesse de demander qu'on lui permette de foncer. Le 21 aout alors qu'il se trouve devant Argentan, il est informé que la Résistance qui s'est soulevée à Paris le 18 aout, livre de violents combats dans toute la ville. Paris est en armes. Paris se bat. Paris a besoin de secours, car la trêve a été rompue pour que les Allemands n’en tirent pas un profit stratégique. Le colonel Rol-Tanguy envoie le commandant Gallois informer les troupes alliées de la situation et convainc le général Leclerc d’accélérer la progression de sa 2e division blindée –la célèbre «2eDB»– vers Paris. De sa propre initiative ,Leclerc envoie sur Paris un fort détachement de reconnaissance mais ce mouvement est stoppé par le général Gerow. Le 2 aout la 2ème DB atteint Rambouillet à 50 kilomètres de Paris. Selon Dronne le 24 aout à 19 H30 le général Leclerc vient lui demander pourquoi son unité s'est arrêtée. Quand Dronne lui explique que le général Gerow veut qu'il garde sa place dans la ligne, Leclerc répond :
- « On n'est pas obligé d'obéir à des ordres stupides » !
Il prend Dronne par le bras et pointe sa canne en direction de la capitale :
-« Filez directement à Paris et entrez-y » ordonne t-il.
-Si j'ai bien compris, réplique le capitaine, je dois éviter toute distraction , n'accorder aucune attention à ce que je pourrais rencontrer en chemin ?
Leclerc acquiesce.
- » Passez par n'importe quel moyen , il faut absolument entrer dans Paris.
Dronne a raison de supposer que le but de cette manoeuvre est plus psychologique que militaire; elle est destinée à remonter le moral de la Résistance dans la ville.
Petite parenthèse : les Américains ,De Gaulle et les Britanniques s'étaient arrangés pour que ce ne soient pas des «soldats noirs, ou des soldats arabes » qui soient les premiers à libérer Paris (voir sites internet ).
Il fallait que la population voie la seule armée française dans la région et sache qu'ils étaient les premiers alliés à pénétrer dans la capitale. Comme avant garde Dronne choisit les sections de half tracks espagnols commandées par le lieutenant Ellas et le sergent Campos. Son adjoint le lieutenant Amado Granell dit que l'unité est composée de 22 chars et 120 hommes. A 20 H20 elle entre dans Paris par la porte d'Italie ou le capitaine Dronne se place lui-même à la tête de la colonne. Ensuite celle-ci avance rapidement dans les rues et arrive à 21 h 33 à l'hôtel de Ville .Les premiers chars qui atteignent la place sont conduits par des Espagnols. Selon Granell ils s'appellent Guadalajara,Teruel, Madrid et Ebro. Dronne est reçu par Georges Bidault président du Comité national de la Résistance, et d 'autres membres. Dans leurs récits de la libération de Paris, Arlon un membre de la résistance cite un tank nommé » Romilly, Dansette en ajoute deux autres : Montmirail et Champaubert. Ecrivant en 1947 ,Dansette n'accorde aucun crédit aux nombreux rapports, audiovisuels photos, etc concernant les soldats espagnols qui ont libérés Paris, les premiers..Le capitaine Dronne est catégorique des half-tracks portant les noms espagnols et conduits par des Espagnols de la 9è compagnie furent les premiers à entrer dans Paris et à atteindre l'Hôtel de Ville. Léon Hamon qui s'est précipité dehors pour saluer l'arrivée des chars s'entretient avec leurs équipages : « Ils ne parlaient pas très bien le français rapporte -i-il. C'étaient des républicains espagnols engagés dans la division Leclerc. Le sergent-chef Jésus Abenza écrit qu'avant d'entrer dans Paris, le général Leclerc avait dit aux Espagnols qu'il les voulait à la tête de la colonne et que c'étaient eux qui conduiraient l'armée de libération. Il se souvient lorsque la foule les avait accueillis aux cris de « Vive la France ».Quand on leur dit que les tankistes sont espagnols alors ils crient : »Vive les Espagnols ». Les chars arborent les fanions républicains et Abenza met en place le premier canon nommé « El abuelo » : le grand-père.
L'insurrection de Paris a commencé le 18 aout, plus de 4 000 espagnols participent au soulèvement et jouent un rôle important dans les combats qui ont lieu de l'Opéra place de la Concorde place de la République, à l'Ecole Militaire et dans d'autres quartiers. Très souvent ils rejoignent la 2ème DB blindée et participent à l'assaut de nids de résistance allemands au Luxembourg et aux Invalides. Dans le quartier de l'Etoile un guérillero nommé Pachero fait prisonnier douze Allemands à l'hôtel Majestic. Charles Tillon note que les guérilleros se battent dans toute la ville .Un groupe mené par un ancien instituteur Julio Hernandez occupe l'ambassade espagnole et remplace le drapeau nationaliste par le drapeau républicain.
Comment s'est déroulée votre entrée dans Paris ? Luis : Par la porte d'Orléans, et toujours guidés par les FFI car nous ne disposions d'aucun plan et ne connaissions pas la route. Avec un premier objectif : l'école militaire. Là, nous avons été accueillis par des tirs nourris provenant des maisons entourant les Invalides. Ce n'étaient pas les Allemands mais la milice française. Une fois cette poche éliminée, nous avons reçu l'ordre de rejoindre l'Hôtel de Ville, toujours en compagnie des FFI. Il y avait beaucoup de monde. Le Half-Track Madrid a pris position devant la porte centrale. Imaginez notre joie et notre fierté. Pourtant, un événement nous a choqués. Plusieurs individus ont entraîné des femmes pour les tondre sur la place. Un spectacle insupportable, qui en rappelait d'autres : les troupes franquistes pratiquaient de la même manière en Espagne. Nous les avons dispersés en leur disant : Vous voulez en découdre ? Alors prenez les armes, partez sur le front, combattez les Allemands et laissez ces femmes tranquilles. Ils ont quitté les lieux. Je sais qu'ils ont continué un peu plus loin leur sinistre besogne. Nous avons demandé à nos officiers d'informer Leclerc
24 Aout 1944, Pierre Crénesse, le reporter radio envoyé par la radio clandestine du 37, rue de l'Université, radio de la Libération de Paris. Tout feu et flamme, il se met à interviewer, sur le parvis de l'Hôtel de Ville, ces Français bien de chez nous, venus de si loin pour libérer la "mère patrie" et s'entend répondre : Señor, soy español ("Monsieur, je suis espagnol"). La "UNE" du journal Libération du 25 août 1944 relate l'arrivée du capitaine "Dronne" mais affiche la photo de son adjoint, le lieutenant espagnol Granell, accueilli par deux représentants de la Résistance.
L'histoire a ses ironies. Elle a aussi des coïncidences heureuses. Le chef de l’insurrection parisienne, Henri Rol-Tanguy, était commissaire politique de la 14e Brigade internationale en Espagne... Les événements trouvent leur cohérence. Une passerelle est ainsi jetée entre les combattants antifascistes des deux pays. L’expérience militaire acquise en 1936-1939 se combine avec l’invention de la guerre des partisans, au maquis comme en
Avec la libération de la capitale, les anarchistes espagnols font leur entrée en scène. Là encore, il faut remonter à 1939, aux camps du sud-est de la France on l’on parque l’armée républicaine défaite. Tous les matins, les gendarmes sillonnent les baraquements, incitant les Espagnols à rejoindre la Légion étrangère : plusieurs milliers d’entre eux céderont. Pour continuer la lutte contre le nazisme. Ils seront affectés tantôt en Afrique du Nord, tantôt en Afrique noire (Tchad, Cameroun). Les seconds rallieront les Forces françaises libres dès l’année 1940. Ils rejoindront les colonnes du général Leclerc . Les premiers patienteront jusqu’au débarquement allié en Algérie. Tous –du moins les survivants– seront les premiers à entrer dans la capitale le 24août 1944.
Leclerc confie cette mission à la 9e compagnie de blindés, commandée par le capitaine Raymond Dronne. Elle est entièrement composée d’anarchistes espagnols. On y parle le castillan. Dans ses Carnets de route , le capitaine Dronne évoque le courage de ses compagnons d’armes auxquels le général Leclerc vouera une admiration constante.
Les premiers détachements de la 9e compagnie entrent dans Paris par la porte d’Italie à 20 h 41, ce 24 août. C’est le char Guadalajara qui franchit le premier les boulevards extérieurs – Guadalajara, du nom d’une victoire républicaine sur les volontaires mussoliniens, alliés de Franco. « Guadalajara no es Abisinia », disait une chanson de l’époque. A 21 h 22, chars et half-tracks se garent place de l’Hôtel-de-Ville. Cent vingt Espagnols et leurs vingt-deux véhicules blindés sont accueillis en libérateurs. Une foule en liesse les entoure. On leur demande s’ils sont américains. On se surprend de les entendre parler en espagnol. Leurs chars portent les noms de batailles de la guerre d’Espagne – Ebro, Teruel, Brunete, Madrid – mais également celui de Don Quijote ou de Durruti, le chef anarchiste.
Les défenseurs de l’Hôtel de Ville sont ainsi libérés. Depuis cinq jours, retranchés dans le bâtiment, ils résistaient aux assauts allemands. Les Espagnols installent un canon à l’intérieur de l’édifice : ils le baptisent Abuelo (grand-père). On se congratule en attendant les renforts. Amado Granell, lieutenant de la 9e compagnie, est reçu par des membres du Conseil national de la Résistance, présidé par Georges Bidault. Entre-temps, Leclerc avec le reste de sa 2e DB fonce sur Paris. Il n’y entrera que le matin du 25 août.
Les jours suivants, les combats s’accentuent. Charles Tillon affirmera que les Espagnols sont passés maîtres dans les combats de rue. Il songe aux partisans qui ont rejoint les Forces françaises de l’intérieur (FFI). Il surestime leur nombre à Paris. En 1946, préfaçant un livre sur le groupe Manouchian, Tillon évalue leurs effectifs à 4 000, chiffre qu’il reprendra dans Les FTP . Manuel Tuñon de Lara, historien espagnol, est plus prudent.
Les combats achevés à Paris, Rogelio Puerto, avec ses détachements espagnols des FTP, de l’Union nationale espagnole ou du PCE, rallie la caserne de Reuilly – où le responsable de la MOI, Boris Holban, fusionne les brigades d’étrangers au sein d’un bataillon dénommé « Liberté ». On y trouve des Italiens, des Polonais, des Arméniens et des évadés soviétiques. Les Espagnols constituent le plus fort contingent : on en dénombre 500 qui se sont battus dans les rues de Paris, à la Concorde et devant l’Assemblée nationale, place de l’Etoile, à l’hôtel Majestic, siège de la Gestapo, place Saint-Michel, rue des Archives, place de la République... Plusieurs dizaines d’entre eux mourront au cours des affrontements – José Baron, par exemple, organisateur des regroupements de guérilleros en 1944, tombe place de la Concorde.
Avec sa 9e compagnie, la 2e DB de Leclerc poursuivra son offensive vers l’Allemagne. Les Espagnols participeront à la libération de Strasbourg, où périt le lieutenant-colonel Putz, volontaire des Brigades internationales, « au milieu de ses républicains espagnols ». Ils pousseront jusqu’à Berchtesgaden, le quartier général de Hitler dans les Alpes de Bavière, où le Führer avait reçu Mussolini et Laval.
Combien d’Espagnols reste-t-il pour arpenter le nid d’aigle du dictateur nazi ? Ils ne sont plus qu’une poignée dont Rafael qui en rapportera un service de thé en argent et un appareil photo !.
Partis du Tchad trois ans auparavant, ils étaient des milliers de volontaires à vouloir combattre le Reich hitlérien, allié du fascisme espagnol. Ils avaient un rêve chevillé à l’esprit : revenir en vainqueurs en Espagne, avec l’appui des Alliés. Espoir trahi. Car Franco est demeuré au pouvoir jusqu’en 1975. Et la France, pour laquelle ils versèrent leur sang, les a oubliés.
Après la guerre civile de 1936-1939, de nombreux Espagnols rejoignirent les rangs de la Résistance ou les armées de la France libre, comme le rappelle un tableau de Picasso, accolé au fameux Guernica, au Musée Reina Sofia, à Madrid. Il s’intitule : Monument aux Espagnols morts pour la France. Les républicains d’outre-Pyrénées ont marqué de leur empreinte la Libération. Leur présence est reconnue dans le Sud, mais plus de 10 000 d’entre eux combattirent un peu partout, en Bretagne comme dans les Cévennes ou à Poitiers, Bordeaux, Angoulême, Avignon, Montélimar, Valence, Annecy.. Foix a été libérée par les seuls Espagnols, auxquels on a envoyé au dernier moment un certain Marcel Bigeard afin d’assurer une participation française aux combats.
Il y a 80 ans pur ne rien oublier !