Histoire de « L’hôtel brûlé » du Pilat
Légende de chez nous du Pilat
Il y avait au début du XXème siècle un grand hôtel de luxe, un palace situé dans le Pilat au lieu dit « La Chaux de l'Egallet », « chaux « signifiant dans le langage local »crêt dénudé. »
Commencé en 1896, il fut achevé en 1898. Il était destiné à rivaliser avec le célèbre établissement de Righi en Suisse.
A la belle époque, l'expansion économique fit la fortune de grandes familles industrielles,dans le tissage,la filature, la teinturerie, la passementerie , l'armement, la mine, la mécanique la sidérurgie,de notre région : Loire -Rhône. C'était aussi l'époque où la tuberculose gagnait du terrain et touchait de nombreuses personnes de tous les milieux. Ainsi de grands hôtels thermaux virent le jour avec les cures, et les bains de mer , devinrent à la mode. Le grand air , les montagnes et les sports d'hiver étaient en plein développement, et des « hôtels sanatorium « sortirent de terre « pour répondre à la demande du moment . Ces établissements à la mode ,attiraient une clientèle dorée, exigeante, qui venait en ces lieux se revivifier , se reposer ,mais aussi se distraire entre gens de qualité.
Ainsi un homme d'affaire et un médecin lyonnais eurent l'idée de créer un « sanatorium » où malades et touristes se retrouveraient dans un lieu champêtre et calme. Le Pilat leur parut le site idéal. C’est sur la « Chaux d'Egalette » à 1260 mètres ,que naquit le grand hôtel sanatorium du Mont Pilat, devenu peu après en 1904 « hôtel climatique ».
On construisit donc ce bâtiment exceptionnel haut de trois étages, se terminant par un toit pointu . Il avait une première utilité sanitaire : sanatorium, puis très vite, il devint l’hôtel à la mode où la « jet-set » de l'époque et de la région Lyonnaise et européenne aimait s'y retrouver ainsi que les membres des cours couronnées d'Europe. Cet établissement majestueux avait des chambres aussi luxueuses, les unes que les autres avec des suites concurrençant les plus beaux palaces. Il était équipé d'eau courante, d'électricité, de chauffage central, de téléphone de, sanitaires, de salle de bain moderne, de baignoire , de toilettes. En 1903 une seconde aile aussi grande que la première sera construite portant la capacité de l’hôtel à 120 lits. Il faut dire que le Pilat était un lieu de villégiature très prisé par les riches stéphanois et les riches lyonnais qui désiraient faire des sports d'hiver ou « prendre l'air pur » de nos montagnes, l'été quand la chaleur accablait les cités lyonnaise et stéphanoise . Les moyens de transport étant ce qu'ils étaient à cette époque,le massif des Alpes était trop éloigné, et dès lors notre région bénéficia d'une proximité géographique qui lui permit de développer son tourisme d'hiver et d'été et son économie avec la création de stations de sport mécaniques à la Jasserie, à Graix et au Bessat..
Notre hôtel possédait une immense esplanade où aimait se faire photographier la clientèle aisée et sportive. D’ailleurs l’hôtel possédait une chambre noire pour les photographes professionnels et amateurs, car la photographie était un loisir très en vogue . La belle salle à manger,décorée avec charme, rassemblait les convives pour des repas raffinés et gastronomiques. De belles cheminées ornaient les pièces des restaurants ,de salon de réception. Le grand escalier monumental, menait aux chambres.
Un terrain de tennis, permettait aux hotes de s'exercer à ce sport. Des billards, des salles de jeux,une salle de concert et de bal, des salons privés, une salle de cinéma et conférence , un garage,et une chapelle ,agrémentaient le séjour .Tous les jours il y avait une animation. Les bals étaient fréquents, mais aussi la projection de films car le cinéma qui faisait ses premiers pas était très apprécié.
. Les distractions de pleine nature attiraient les apprentis alpinistes et les amoureux de la randonnée , l'été : escalades , randonnées , sentiers pour les herboristes; l'hiver, ski de descente, glissade, patinage, étaient au programme.
A coté de l’hôtel ,une ferme fournissait lait, pain ,victuailles pour la clientèle exigeante. Sur les tables il y avait toujours des produits locaux : le saucisson le jambon de la ferme, les rigottes de vaches et de chèvres , les airelles et les mûres de l'Oeillon de la Perdrix ...Quant au vin ,on buvait celui des côtes du Rhône .
Pour se rendre à l’hôtel du Mont Pilat , on pouvait soit : venir en train :
* de Lyon en prenant le train qui s’arrêtait à la gare de Chavanay, puis en voiture à cheval il fallait compter trois heures à travers bois ;
*de Saint-Etienne jusqu'à Pélussin avec le « Tacot » ou la Galoche » le petit train du Pilat
-en automobile en parcourant les routes du Pilat
-en voitures à chevaux.
Le restaurant de la Croix du Collet au début du XXème siècle était un lieu fort fréquenté par les calèches et autres équipages qui se rendaient au Grand hôtel du Mont Pilat. Aujourd'hui, ce restaurant attire toujours des visiteurs venus marcher, pique-niquer ,déjeuner, se promener car c'est le carrefour des routes menant au Crêt de l'Oeillon, à Pélussin à Maclas, à Malleval au Bessat, à Doizieu à la terrasse sur Dorlay : c'est le carrefour du Pilat !
Revenons à notre Hôtel climatique .De 1898 à 1914 il vécut ses heures de grandeur et de gloire.
La guerre de 14-18 sonnera le glas de l’hôtel. La clientèle avait d'autres préoccupations (comme on peut l'imaginer), et le tourisme n'était plus d'actualité.Après la guerre l''automobile transforma la vie, et de nouvelles destinations sportives et de loisirs attireront les gens beaucoup plus loin que notre Pialt : les Alpes par exemple... En 1920 l'établissement fut repris par un stéphanois, directeur de transports. Il eut une éphémère résurrection en ces années là mais cela ne dura pas. En 1930 son propriétaire décida de s'en séparer. Il essaya de le vendre en vain.Alors il le ferma définitivement avant l'été 1931. Le 16 novembre 1931 dans la nuit, à quatre heures du matin ,un mystérieux incendie ravagea le bâtiment dont il ne restera que des ruines rasées par sécurité en 1999.
Le 17 novembre 1931 ,le journal « Le Moniteur de Vienne » écrivait : « L’hôtel était fermé. Trop luxueux ! Il n'avait pas trouvé d’acquéreur l' été dernier. On voyait son brasier depuis Vienne. L'incendie énorme était visible de toute la vallée du Rhone. Il embrasa les pentes de l'Oeillon. »
Ainsi cet hôtel était né avec le XXème et disparaîtra avec lui.
Les causes de l'incendie restent à ce jour mystérieuses ou secrètes .Les versions les plus extravagantes virent le jour : n'oublions pas que le Pilat se situe dans un site imprégné d'Histoire et de mystère. Les forces telluriques des eaux et du ciel se combinant, en ces lieux particuliers, l'imaginaire peut prendre le pas sur le réel. D'autant plus que les pierres nombreuses et messagères , ont des pouvoirs que l'homme a toujours reconnus et dont il s'est toujours méfié .Des légendes multiples parlent de sites sacrés, de l'Olympe perdue des gaulois. Alors rien d'étonnant que des faits irrationnels et étranges s'y soient déroulés .
Pour être plus pragmatique, nos soupçons pourraient nous conduire au propriétaire . Celui-ci aurait eu intérêt à se débarrasser d'un bien qui l'encombrait, qu'il n'arrivait pas à vendre et qui lui coûtait cher, fermé comme ouvert ! Et si cet l'homme avait été victime du « jeudi noir « : du crack boursier, et s'il avait du trouver très vite de l'argent frais ? Cependant rien n'accusa le propriétaire. Aucune preuve pouvant accréditer cette hypothèse ! Les assurances durent bien faire leur travail et la piste du propriétaire incendiaire fut écartée.
Alors comment le feu a t-il pris dans un bâtiment inoccupé ? C'est qu' il ne devait pas être...inoccupé ! ? Qui l'occupait alors ?Des « squatters ! « dirions nous aujourd'hui. Quelques clochards, des sans abris ayant trouvé refuge pour l'hiver dans ce luxueux hôtel ? A moins que ce ne soit quelques fuyards, recherchés ou encore quelques jeunes de cette bourgeoisie dorée venus en ces lieux passer quelques soirées très spéciales ? Cet hôtel n'était plus entretenu . Ses cheminées étaient encrassées et voulant se réchauffer ce soir de novembre glacial nos « mystérieux occupants » ont pu mettre le feu par mégarde !
A moins qu’il ne s'agisse d'une vengeance ! Quelqu'un qui aurait fait disparaître ce monument après y avoir séjourné , après y avoir souffert ? Personnel ? Artistes ? Malades ? Clients ? Médecins ?A ce jour ,aucune certitude : le feu était-il d'origine criminelle, ou accidentelle ?Le mystère reste entier . Comment le feu a t -il pu se propager si vite ? Pourquoi ?
Voilà de quoi écrire de belles nouvelles sur la fin mystérieuse du grand palace du Mont Pilat. Amis à vos plumes ! Mais avant, rendez -vous sur les lieux , au lieu dit : » la Chaux d'Egalette à 1260 mètres, » non loin du Crêt de l'Oeillon ? Inspirez -vous du paysage . Vous ne trouverez plus aucune ruine, aucun vestige, aucune poterie ou reste de vaisselle ! Une plaque uniquement évoque ce grand hôtel !
Mais fermez les yeux un instant ! Imaginez ce géant de pierres , ce titanesque palace caché par les sapins.
Ses salles à manger remarquablement décorées où les dîners raffinés étaient servis dans de la délicate porcelaine .Imaginez le hall d'entrée illuminé de dizaine de lustres de verres et un escalier monumental digne d'un paquebot ,grimpant aux étages grandioses .Imaginez- vous accoudé au bar de marbre un verre de champagne à la main et discutant avec la fine société de l'époque en tenue de soirée ! Amis vous êtes dans l’hôtel du Mont Pilat !
Voyageurs, difficile d'imaginer qu'en cet endroit désetique où la nature a repris ses droits se dressait le plus bel établissement gastronomique du Lyonnais, du forez, du Jarez du Pilat , de la vallée du Rhone, de Vienne et au delà ! Il ne reste qu'une plaque et de magnifiques photos que nous vous invitons à découvrir . Ce monde perdu fastueux de la belle époque , les dernières années d'une aristocratie arrogante et d'une bourgeoisie opulente entourée d'une horde de domestiques ,sombra dans l'oubli !
Quelle étrangeté de destin entre cet hôtel grandiose titanesque qui naquit avec le siècle et le fabuleux paquebot de croisière le Titanic . Le Titanic sombra dans l'eau , alors que le palace du Pilat sombrait dans les flammes quelques années plus tard !Quelles furent les dernières heures du Grand hôtel du Pilat ? Quel secret garda-t- il dans ses ruines et dans ses pierres ?
Ah si les pierres pouvaient parler !
Nous vous proposerons bientôt une « version » romancée de l'histoire du Grand Hôtel du Pilat et sa fin tragique avec « Coralie et le prince ».