Quand Jean Jacques Rousseau arpentait nos terres du Pilat
« Quand Jean Jacques Rousseau herborisait sur nos
hautes terres du Pilat »
ou « Le voyage raté de Jean Jacques Rousseau »
Nous sommes en août 1769.Jean Jacques Rousseau a 57 ans , diminué par
une vue qui a beaucoup baissée,il va entreprendre sa dernière herborisation
sur nos terres du Haut Pilat, à la Jasserie. Il ne va pas garder un bon
souvenir de cette expédition, ni les habitants qu'il côtoya d'ailleurs .
Jean Jacques Rousseau est très connu en France et très controversé. Ses
ennemis ne manquent pas. Son contrat social est publié tout comme
l'Emile. Rousseau défend dans le contrat social : la liberté, l'égalité et
l'autodétermination des peuples ce qui lui attirent autant d'adeptes que
l'autodétermination des peuples ce qui lui attirent autant d'adeptes que
d'ennemis .Dans l'Emile, il présente des concepts modernes d'éducation .
Il s'attirera l'hostilité et perdra beaucoup de crédibilité, ayant
abandonné tous ses enfants à l'assistance publique, les cinq .Bien que
justifiant son abandon renouvelé cinq fois par la misère dans laquelle il se
trouvait, le pain qu'il ne gagne pas tous les jours, et l'impossibilité de
nourrir d'autres bouches, beaucoup n'admettront pas qu'il puisse écrire un
ouvrage sur l'enfance n'en connaissant rien : ni son développement, ni
ses crises, ni ses émotions ses désirs, ses fantasmes ! Que vaut la théorie
s'il n'y a pas de pratique ? Que valent des conseils s'ils ne sont pas issus de
l'expérience ? « Il y a des livres qui n'auraient jamais du être écrits et qui
nuisent toujours à leur auteur. »Nous approuvons .
Revenons à notre « marcheur solitaire » et à sa randonnée botanique.
Rousseau a été très controversé comme nous l'avons dit plus haut, et a le sentiment d’être persécuté.Il recherche une sorte de thérapie générale. « La botanique me fait oublier les hommes leur haine, leur mépris et leurs outrages » Ecrira t- il.
Ce fut sa dernière herborisationen altitude. Il arriva à Condrieu en août
1769, puis prit un sentier menant au Pilat. Il est accompagné par trois
nobles dont un médecin. Il n’apprécie pas leur compagnie car il les trouve
« hypocrites, et peu intéressés par les plantes ».Il dira : « ils font semblant
d'aimer la botanique mais ils n'y connaissent rien ».
Ce fut pour Rousseau un voyage très éprouvant. Une longue marche de
29,5 kilomètres dans la brume et le brouillard et sous la pluie tous les
jours. Un de ses accompagnateurs se fera mordre par un chien. Arrivés à
1302 mètres à la Jasserie le philosophe qui ignorait tout du climat de nos
montagnes ,dut être surpris par la fraîcheur en plein été. Il n’apprécia pas
le gîte et écrivit :
« Mon lit est comme du foin ressuant et tout mouillé et le matelas est
rembourré de puces ».Parlant de notre rivière Gier, il l' évoquera en ces
termes : »Cette eau est si froide qu'elle vous glace le palais et fait enfler
la bouche. Le puits où prend cette source naissance, est inquiétant et
dangereux . On m'a rapporté la disparition d'un petit berger nommé
Fleury englouti dans ce puits avec toutes ses brebis. C'est un lieu peu
avenant... ).
Les aubergistes sont déçus et voient partir avec soulagement ce client
célèbre mais si peu aimable. Rousseau se plaint de n'avoir pas de bons
guides experts pour l'aider dans ses recherches. Ni bons en botanique, ni en
géographie ni en orientation,ses accompagnateurs ne l'aident en rien et le
retardent. Quand il décrira son voyage il dira : « Ce ne fut pas une
réussite , le voyage fut assez triste ,toujours sous la pluie et peu de plantes
en vue. ».Nous n'avons rien trouvé étant allés trop tard pour les fleurs et
trop tôt pour les graines. Nous avons cependant rapporté quelques
pousses de arnica digitale, de myrtille (airelle dit- on ici) de doronique
bistorte et prénanthes et de mélisse à grande fleur mais ni gentiane ni
astrantica ni pirola ni soldnelle ni légumeuse....
En chemin Rousseau de blesse à la main et fait une halte à Doizieux. Le
maire du village est un homme érudit et philosophe. Il a lu les ouvrages du
philosophe et est ravi de d'accueillir un tel hôte sur ses terres. Il a préparé
un long discours sur le contrat social mais Rousseau n'a que faire de son
discours, de ses flatteries : il ne s'inquiète que de son chien qui a disparu !
Les villageois sont amers , et déçus par celui qui leur avait été présenté
comme l' « homme des lumières « !
Lors des derniers jours de l'expédition, Rousseau perdit tous ses papiers,
ses dessins de plantes, les feuilles étaient mouillées et il ne put restitué
l’herbier. Tout était saccagé . De retour sur Lyon, il fit sécher les graines
sauvées , mais les fourmis et les rats les dévorèrent. Il ne lui restait rien de
ses recherches et plantes du Pilat. Voici ce que Jean Jacques Rousseau
écrivait dans sa lettre à Monsieur de la Tourette :
le 17 décembre 1769 :
« J'y allais dans le Pila par une mauvaise saison et un temps mauvais avec
de mauvais yeux et des compagnons de voyage encore plus ignorants que
moi ...L'herborisation du Pila me parut pauvre et peu abondante.. Nous
étions sans guide et sans savoir où chercher ; je ne suis pas étonné
qu'avec les avantages qui me manquaient , je n'ai pas trouvé grand chose
dans cette triste et vilaine montagne. La pluie et ma maladresse m'ont fait
perdre tout ce que j'avais recueilli et le reste s'est trouvé gâté et pourri à
mon arrivée ».Etait-ce la réponse de la montagne à celui qui lui témoigne
hostilité et mépris ? A celui qui vient pour prendre et rien donner ?
Jean Jacques Rousseau n'eut pas de chance : pendant plus de huit jours il plut sans cesse ! Cette région en été, sous un soleil radieux, est remarquable de beauté , et un haut lieu
touristique ! La nature riche en fleurs et plantes ne manque pas de nous
surprendre .Rien à voir avec la description calamiteuse de notre parc
naturel Pilat que Rousseau a faite dans « Les confessions du promeneur
solitaire « !
Rousseau n'aima pas le Pilat : « Ces vilaines montagnes « comme il disait
mais le Pilat ne l'aima pas aussi et ne lui permit pas de conserver aucun
souvenirs de ses terres : ni fleurs ni graines ni dessins !
Plus tard , la Révolution rendra hommage à Jean -Jacques Rousseau et s'
inspirera de ses idées : liberté, égalité, citoyenneté, patriotisme, république,
justice , respect de la nature.. .Rousseau sera enterré au Parthénon en
en 1794.
La Convention rebaptisera « Saint-Chamond, » la capitale du Gier, la
porte du Pilat : « Vallée Rousseau « en l'honneur de son « philosophe
préféré ».
Jean-Jacques Rousseau aurait-il approuvé ce choix sachant que tous les
Saint- Chamonais portent dans leur coeur : « ces vilaines montagnes du
Pilat « ?