Suite des camps de la honte en Afrique du Nord
1940-1943 extraits du livre de Jean Paul Fhima
« De rares témoins et chercheurs ont apporté sur cet aspect peu connu du régime de Vichy un éclairage saisissant et rare. Aujourd’hui, dans ces lointaines bourgades écrasées de soleil, plus personne ne se souvient de rien. »
Durant l’été 1942, une mission de la Croix-Rouge internationale (CRI), dirigée par le docteur Wyss-Denant, a visité les camps de Boudnib, Berguent et Bou Arfa. Les rapports décrivent avec précision les conditions de vie et de travail, l’hygiène, la nourriture, le traitement réservé aux ‘’résidents’’ (Jamaâ Baïda, Université de Rabat).
En tout, il y avait dans le protectorat français du Maroc, 14 camps de natures diverses regroupant 4000 hommes, dont un tiers de Juifs de nationalités variées. Tous étaient des camps d’hommes sauf celui de Sidi Al Ayachi, où il y avait des femmes et même des enfants. Certains camps étaient des centres de séjour surveillé, autrement dit de vraies prisons réservées aux opposants politiques du régime de Vichy. D’autres étaient dits de ‘’transit’’, destinés aux réfugiés. D’autres encore étaient exclusivement réservés aux travailleurs étrangers aux républicains espagnols , ou aux juifs.
A Bou Arfa, le camp était sous l’autorité de la compagnie de chemin de fer Méditerranée-Niger, appelée communément Mer-Niger (ou Merniger). Longtemps en suspens, ce vieux projet colonial fut repris en 1941 pour assurer l’approvisionnement de marchandises jusqu’à la métropole. Sous Vichy, le Transsaharien devenait un enjeu majeur de la collaboration avec le
IIIème Reich. Un besoin conséquent de main d’œuvre était donc nécessaire.
Des milliers de républicains espagnols qui fuyaient la répression franquiste y furent employés en groupements des travailleurs étrangers (GTE) chargés de la construction et de l’entretien des voies ferrées. Le rythme de travail, brutal et inhumain car il fallait accélérer la cadence, transforma ces travailleurs espagnols (694 sur 818, rapport CRI, juillet 1942) en véritables forçats. Des déportés juifs d’Europe centrale et des communistes français y furent transférés. Le quotidien y était épouvantable. Beaucoup sont morts de mauvais traitements, de torture, de maladie, de faim ou de soif, de piqûres de scorpions ou de serpents.
Les Juifs qui s’y trouvaient, surtout originaires d’Europe centrale, s’étaient préalablement réfugiés en France. Engagés volontaires dans la légion étrangère, ils furent démobilisés après la défaite de 1940 puis internés « par mesure administrative ». Ce fut le cas d’Albert Saul, citoyen turc arrivé en France en 1922 avec sa famille, prisonnier à Berguent d’où il n’est libéré qu’en mars 1943. Dans son journal, il raconte ... « 10 février (1941) : Cassé des cailloux toute la journée. ... 2 mars : Transféré au 5e groupe avec des juifs allemands. Je ne m’y plais pas du tout. Le travail n’est pas le même ; Il faut faire du ballast... 6 avril : Je n’en peux plus de cette vie, on travaille trop et on se fait engueuler. J’ai la fièvre, mal aux dents... 22 septembre : Rosch Hachana : personne n’a voulu travailler... 1er octobre : Pas mangé...»
Les alliés ont- ils libéré les camps africains de bagne après le débarquement du 8 novembre 1942 ?
L'opération Torch (flambeau) est le nom de code donné au débarquement des Alliés le 8 novembre 1942 en Afrique française du Nord (protectorat du Maroc et départements français d'Algérie). Ce débarquement marque le tournant de la Seconde Guerre mondiale sur le front occidental, conjointement avec les victoires britanniques d'El Alamein et soviétique de Stalingrad. La prise d'Alger se fait en un jour grâce à la Résistance française, alors qu'à Oran et au Maroc, les généraux du régime de Vichy accueillent les Alliés à coups de canon, tout en livrant la Tunisie (alors sous protectorat) aux Allemands sans aucune résistance, déclenchant ainsi la campagne de Tunisie. La reddition des troupes françaises vichystes au Maroc eut lieu le 11 novembre. Des sous- marins allemands, arrivés sur les lieux le jour du cessez-le-feu, menèrent ensuite des attaques devant Casablanca jusqu'au 16 novembre.
L’opération Torch s'étendit dans les territoires français d’Afrique du Nord (Maroc et Algérie). Ce débarquement a été une « bissectrice de la guerre », c’est-à-dire un premier revers stratégique majeur de l’Allemagne hitlérienne.
Les troupes américaines (et anglaises), parties de leurs bases de Gibraltar, débarquaient à Alger, à Oran et à Casablanca, dans une Afrique du Nord entièrement entre les mains des représentants du gouvernement de Vichy. Ce débarquement (opération Torch) a permis d’envisager l’ouverture d’un premier « second front » au sud de la machine de guerre nazie dans une Europe entièrement entre les mains de Hitler et de ses valets. Il a contribué au succès de la contre-offensive victorieuse contre les troupes de Rommel en Égypte à partir de la fin de 1942. Il a préparé les débarquements en Sicile (juillet 1943) puis dans le sud de l’Italie et en Corse (septembre 1943). En ce sens, il a été, trois mois avant la capitulation allemande à Stalingrad, une « bissectrice de la guerre », c’est-à-dire un premier revers stratégique majeur de l’Allemagne hitlérienne.
Ce débarquement s’est fait au travers de violents combats, à Oran et au Maroc, ayant entraîné des milliers de morts. Les Alliés s’y sont heurtés à une résistance opiniâtre des troupes vichystes, très nombreuses (plus de 100 000 hommes) et bien équipées en Afrique du Nord, et qui avaient reçu de Vichy l’ordre impératif de résister aux Alliés.
À Alger, au contraire, une opération audacieuse menée par de jeunes patriotes a permis la neutralisation, dans la nuit du 8 novembre 1942, de l’essentiel du dispositif militaire vichyste, le mettant ainsi hors d’état de résister en temps utile aux troupes alliées. Une poignée de 400 jeunes résistants algérois a ainsi tenu la ville sous son contrôle pendant l’essentiel de cette nuit. Quand le matin est arrivé, les troupes de Vichy ont pu difficilement reprendre le contrôle de la situation, mais les premiers contingents américains avaient déjà pris pied sur le port et la ville était, à la fin de la journée, sous contrôle allié, pratiquement sans effusion de sang.
Les plus hauts responsables vichystes, comme le général Juin (futur maréchal
de France mais alors fidèle exécutant des ordres de Pétain) et l’amiral Darlan, présent par hasard à A Alger (il était allé voir son fils malade), qui n’était pas moins que le deuxième personnage du régime de Pétain, se virent contraints de faire cesser à Alger toute résistance militaire (12 000 soldats) au débarquement allié et, quelques jours plus tard, de donner l’ordre de faire de même à Oran et Casablanca, au terme de combats aussi sanglants qu’inutiles.
Tandis que les autorités vichyssoises locales s’empressaient de remettre la Tunisie aux mains des troupes allemandes (qui n’en furent chassées qu’en mai 1943, juste assez pour déporter un bon nombre de juifs tunisiens), l’essentiel de l’Afrique du Nord échappait ainsi au contrôle indirect du nazisme. Contrainte et forcée par le nouveau rapport des forces, l’« Armée d’Afrique » dut se rallier aux Alliés, non sans arrière-pensées pour certains.
Après le débarquement des Américains le 8 novembre 1942, le Maroc se rangea du côté des Alliés. En janvier 1943, ces derniers se réunirent en conférence interalliée à Casablanca. Un accord stratégique et militaire fut signé. Peu après, le débarquement en Sicile (opération Husky, juillet 1943) sonna le commencement de la fin de l’Europe allemande.
Dès le lendemain des combats en Algérie et au Maroc, les « libérateurs » américains s’empressaient d’adouber Darlan, le « dauphin » de Pétain, puis, après son assassinat, le général Giraud, comme les commandants en chef militaires et politiques de l’Afrique du Nord libérée.
« L'oeuvre » des américains la non libération des camps en 1942
La législation de Vichy fut maintenue, y compris les lois antisémites. Les communistes et les républicains espagnols réfugiés en Algérie furent maintenus dans les camps de déportés où ils avaient été enfermés. Un certain nombre des patriotes du 8 novembre (ceux qui avaient libéré Alger, majoritairement de jeunes étudiants) les y rejoignirent, jugés trop indépendants !!!
De Gaulle fut tenu à l’écart de ces premières terres « françaises » libérées. Il faudra attendre la fin de l’ère Giraud pour que ce « vichyste sans Vichy » prenne fin, à l’été 1943.
« L'opération Torch (flambeau) permit aux Alliés de prendre pied sur le sol africain et ainsi d'ouvrir un deuxième front. S'ensuivra la campagne de Tunisie contre l’Afrika Korps et l'armée italienne, chassées de Libye par la 8e armée britannique.
La prise de contrôle de l'Afrique du Nord entraîne le ralliement à la France libre de l'ensemble des colonies africaines. L'établissement d'une tête de pont alliée en Afrique permet de préparer le débarquement en Sicile et d'ouvrir en 1943 la campagne d'Italie.
Du côté français, après l'accord entre de Gaulle et Giraud, les Forces françaises libres finissent par fusionner avec l'Armée d'Afrique pour former l'Armée française de la Libération.En représailles, de ce débarquement, les Allemands occuperont la Zone Libre, l'armée d'armistice sera dissoute et la Flotte se sabordera (8-27 novembre 1942).
La principale conséquence de cette opération est de remettre la France dans la guerre aux côtés des Alliés, après la disparition de tous les attributs de souveraineté de Vichy, d'annuler l'armistice de juin 1940 sur le plan politique et « d'effacer » la collaboration entre Vichy et le Reich. »
Le ralliement des espagnols à Leclerc 1943
Désertant la légion, fraîchement, libérés des camps de concentration,fuyant dans des bateau de fortune le régime de Vichy et la France occupée , un nombre impressionnant de républicains espagnols vont reprendre le combat dans les armées de la France libre.
« L'anarchiste Miguel Campos (républicain espagnol) envoyé au Cameroun réussit à s'évader de la légion et à rallier Leclerc. Il entraîna bon nombre de légionnaires pour les engager dans les troupes de Leclerc. Il emmenait des camions entiers de compatriotes et les présentait sous de faux nom en tant que civils évacués des camps de concentration. Pendant la campagne de Normandie il obtint la médaille militaire « chef de section possédant des qualités de combattant extraordinaires ... » Un héros à découvrir « extrait de la Nueve »
En février 1943 des hommes soldats républicains espagnols venant des camps de concentration du Sahara, libérés par les troupes alliées, ainsi que de nombreux soldats français d'Oran d'origine espagnole, constituèrent le troisième bataillon des corps francs.
D'autres compagnie intégrant des espagnols libérés des camps de concentration en Afrique du Nord voient le jour. Ces compagnies firent la guerre en Tunisie mais refusèrent de rejoindre l'armée de Giraud le » général vichyste ».Ils désertèrent pour s'engager elles aussi dans les troupes de Leclerc.
Nous verrons comment ces hommes aguerris, combattants infatigables vont sous les ordres du général Leclerc, devenir les libérateurs de Paris.
Voir suite article « La Nueve »