Les Hautes Chaumes chapitre 3 Margot et la comtesse

Les hautes chaumes

chapitre 3

Margot et la Comtesse

Quelques temps après, Chataigne vint annoncer froidement la mort de Simon à Margot, averti par le notaire et le juge de Montbrison.

Les « soldats « s'étaient bien gardé de dire toute la vérité aux autorités quant à la disparition de Simon et ses amis pour éviter les ennuis.Ils avaient assuré que les condamnés s'étaient enfuis , qu'ils les avaient poursuivis mais que des loups les avaient attrapés et déchiquetés. D'ailleurs, on avait retrouvé dans les forets près de la route de la diligence, des corps disloqué méconnaissables  . 

La jeune femme fit mine de s'effondrer et pleura son défunt époux des jours. On simula un enterrement au village pour saluer l'homme bon qu'était Simon mais le prêtre refusa de donner une messe en sa mémoire. Chataigne jubilait.

Peu importait : l'essentiel était que tous croient Simon mort .IL s'était caché dans les Hautes Chaumes. Seuls la mère de Simon veuve , sa sœur et son jeune frère furent avertis de sa fuite et de sa cachette.Il ne fallait pas éveiller les soupçons. Chataigne paradait dans ce village devenu silencieux et muet. Beaucoup lui reprochaient ses fausses accusations et sa hargne vis à vis des jeunes hommes bien plus instruits et intelligents que lui .Mais lui, avait gagné sur ces «  lettrés, rebelles » hostiles au pouvoir seigneurial et à ses serviteurs.

L'hiver passa ...Vint le printemps , puis l'été.

Simon qui s'était laissé poussé la barbe et s'était assombri ses cheveux clairs, se présenta au village, comme un cousin de Margot .Il portait un uniforme de l'armée .Ce déguisement il l'avait obtenu auprès d'un soldat qui avait fini son contrat et qui se rendait dans les terres du Pilat toutes proches.Simon lui avait acheté ces habits en échange d'une belle montre qu'il possédait.

Affublé de la sorte, boitant, avec un bandeau sur un œil , des cheveux longs sombres tombant sur les épaules avec une barbe fournie qui le vieillissait , il était impossible de reconnaître Simon .

Il demeura au village durant le mois de juin.

Chataigne fut intrigué par ce nouvel arrivé et même jaloux. il avait des vues sur Margot à qui il avait fait des avances.Margot l'avait repoussé et menaçait de tout dire à sa femme et au curé.... Chataigne se moquait de cette menace... Il continua à surveiller la maison de la « jeune fausse veuve » , dans l'espoir qu'elle lui céderait un jour.

Il prit ombrage de ce soldat estropié revenu de guerre mais qui avait la sympathie de la belle Margot .Il décida de trouver un stratagème pour l'éloigner de sa belle.

Un événement inattendu permit d'écarter ce danger.

Un jour Chataigne fut prévenu de la venue prochaine de la fille du chatelain de Chalmazel avec ses enfants , leurs gouvernantes et leurs domestiques. Les raisons de cette venue inopinée étaient charitables : il fallait une nourrice au dernier né de la Comtesse, un petit garçon devenu chétif à cause de sa nourrice qui n'avait plus de lait, à cause également de l'air néfaste de la capitale, et de l'absence de verdure  . La sœur ainée du bébé Jeanne  âgée de six ans souffrait elle aussi d'une santé précaire avec des poumons délicats .Les médecins de Paris pensèrent que l'air de la campagne et de la montagne leur serait d'un grand secours à tous deux . Ainsi la comtesse fit le voyage jusqu'à Chalmazel. 

Jeanne

Chataigne en toute hâte fit aménager quelques pièces du château et décorer sommairement les lieux.

La Comtesse n'apprécia guère le château et ordonna mille choses pour donner à la bâtisse de ses aïeux l'apparence d'une demeure « confortable » et agréable. 

Elle demanda à Chataigne de lui trouver une jeune femme mère d' un nourrisson qui pourrait être la nourrice de son bébé .La Comtesse payerait bien . Chataigne pensa à Margot. D'abord elle refusa mais Simon alias Serge Reboule le cousin soldat ,la fit changer d'avis :

-C'est une chance pour toi, pour nous trois  ! Chataigne n'osera plus te molester ! Attends un mois et demande à la comtesse de nous marier ! Ainsi s'en sera fait et de Chataigne et de ma clandestinité !

Les choses se déroulèrent ainsi : Margot fut bien accueillie par la jeune Comtesse. Elle s'occupa fort bien du bébé Louis , elle le garda avec le sien, les nuits au château...L'ainée des fillettes Jeanne se prit d'affection pour Margot .Toutes deux faisaient de longues promenades en foret accompagnées des bébés et de « Simon-Serge ».

C'est la comtesse qui en septembre, força la main à Margot pour qu'elle épousât son cousin et ainsi couper court aux rumeurs..Ce fut une belle noce.

Simon s'était un peu taillé la barbe mais il devait dissimuler son visage...Chataigne avait cet air renfrogné.Il renonça à Margot .Il se consola en chahutant  une lavandière du hameau voisin .

Et puis la jeune comtesse voyant l'hiver venir, décida de retourner à Paris mais de laisser à Chalmazel ses deux enfants à la santé fragile. 

Afin que Margot ne manque de rien, elle lui verserait une large rente mensuelle destinée aux besoins des enfants .De plus, elle venait de faire de Simon-Serge le nouveau garde forestier pour remplacer le dernier blessé sévèrement par un sanglier.

Tout semblait couler de source.Sous sa fausse identité Simon pouvait partager la vie de son amour de toujours et voir grandir son fils. Il fallait bien sur travailler et la jeune femme avait beaucoup à faire avec les trois enfants. Bientôt Margot fut enceinte et mis au monde une petite fille. Guillaume son fils et maintenant Aliénor étaient pour elle des cadeaux de Dieu, sans oublier Simon revenu miraculeusement auprès d'elle.

L'année passa. La comtesse ne vint pas l' été dans le forez : elle avait eu un autre bébé qui était mort né et l'accouchement c'était très mal passé : elle ne pourrait plus avoir d'enfant. Epuisée , elle préféra économiser ses forces plutôt que de tenter un voyage éprouvant et périlleux pour sa santé. Elle était certaine que Louis et Jeanne étaient en bonne santé et dans de très bonnes mains.