Chapitre VII
Rencontre inédite
Le lendemain 27 mars , l'Italie annonçait sur ses ondes la mort de presque 1000 personnes. Lucia en fut toute bouleversée . Maria dans la salle d'eau n'entendit pas cette terrible nouvelle ! C'était le pire bilan depuis le début de l'épidémie. Le journaliste expliqua :
«Nous comptons 8000 morts en Italie : le nombre le plus élevé du monde. Hélas l'épidémie de coronavirus n'a pas encore atteint son pic .Notre pays est le plus lourdement touché par la maladie .Il était «inévitable» que le confinement soit prolongé au-delà de son échéance actuelle fixée au 3 avril.
Néanmoins, des «signes d'un ralentissement» sont observables dans le nombre des néo-contaminations et le pic pourrait ne plus être loin. «
Lucia éteint la télévision : sa mère venait de sortir de la salle de bain.
-Que disent les informations ? Demanda Maria.
-Toujours la même chose : des morts encore des guérisons, des signes de ralentissement . Nous devons rester confinés.
-Encore et combien de temps ?
-Au moins deux semaines encore , mais je pense qu'il faudra rester un mois entier ?
-
Et les commerces toujours fermés ? Je voulais aller chez la coiffeuse ! Regarde un peu les cheveux que j'ai ?
-Je peux te les laver et te mettre des bigoudis !
-Bonne idée ! Allons -y !
La matinée fila. Lucia sortit acheter le pain à Maria et à ses voisins .Les rues désertes de la capitale semblaient lugubres.Pourtant le printemps avait sonné à la porte de la ville éternelle.Mais le printemps ignorait qu'un méchant virus obligeait les romaines et les romaines à se parquer chez eux et à ne pas se féliciter de sa venue !
Tous les arbres de la piazza étaient en fleurs , les oiseaux chantaient comme si de rien n'était ! Les fontaines étaient désertes et carillonnaient pour les quelques pigeons qui venaient s' y abreuver..
Lucia chercha des légumes frais .Les rares magasins ouverts avaient été dévalisés. Elle se hasarda à quitter son quartier. Elle rejoignit un petit commerce qu'elle connaissait toujours bien approvisionné. Par bonheur elle put y trouver des oranges, des salades des tomates, des kiwis et des prunes , après avoir fait la queue une bonne demi heure . Elle reprit la route du retour.
.Au détour d'un pâté de maisons , elle entendit une musique qui venait d'une fenêtre grande ouverte : c'était Vivaldi : le printemps . Elle s’arrêta. Le musicien qui jouait devait être un virtuose : un violoniste exceptionnel .Le temps s'était soudain figé.Tout à coup la réalité sembla si loin à Lucia. Elle s'assit sur un banc non loin de la fenêtre posa son sac à coté d'elle et s'octroya une pause , une pause paradisiaque dans cette ville endormie , paralysée, irréelle, dans ce quartier où elle était la seule à déambuler ,la seule âme qui vive ! La musique venait de réveiller ses sens et la nature qui plongée dans un long sommeil tel un engourdissement morbide , s'éveillait à chaque note qui s'échappait de là-haut .Les arbres se mirent à frissonner encore plus fort , les oiseaux redoublèrent leur piaillement et la brise caressa de son souffle rafraichissant le visage en sueur de Lucia.
Lorsque le musicien cessa de jouer ,Lucia applaudit longuement...Une silhouette apparut à la fenêtre.
-Grazie mille ! Senora !
C'était un personnage tout en couleurs avec de longs cheveux noirs grisonnants , une petite barbe , et une chemise blanche brodée .
-Vous êtes musicien ?
-Si à la Scala de Milan et de Rome ! Mais avec l'épidémie bah on ne peut plus se regrouper pour jouer !
-Vous ne jouez pas le soir pour les hospitaliers et les malades ?
-Si tous les soirs !
-Magnifique !
-Venez ce soir je jouerai encore Vivaldi , enfin si vous pouvez car on interdit les rassemblements …
-Je vais essayer de venir …
-Grazie ! Quel est votre nom ?
-Lucia !
-Lucia , lumière ! Quel beau nom ! Moi c'est Francisco !
Lucia lui sourit, le salua et prit le chemin de retour, le cœur si léger !