
Justice pour la mémoire !
Les barbelés de la Honte !
Les universités des sables
Pour les maitriser le gouvernement radical du président Daladier ouvre les « camps de concentration »sur les plages Catalanes et languedociennes. Le camp de concentration est un lieu où l'on groupe en temps de guerre ou de trouble les suspects ou les étrangers ennemis. Les familles qui franchissent la frontière demandent l'asile à la France puis les soldats qui se replient mais regroupés entassés dans ces espaces clos, les réfugiés sont en fait relégués au rang de parias, traités comme des prisonniers de droit commun. » On transforme ainsi un fait politique en un délit. »
Les conditions de vie réservées aux réfugiés Espagnols dans les camps de concentration français plus particulièrement lors de la première année d'exil sont sordides : l'homme y est systématiquement rabaissé au rang d'animal ».
Après le passage de la frontière les réfugiés sont dirigés et regroupés dans des centres de contrôle et de triage provisoire : le Boulou, Prats de Mollo, ensuite ils sont évacués vers les départements français Argelès le premier camp, puis Saint Cyprien, Barcarès Bourg-Madame. Une semaine après leur ouverture Argelès et Saint-Cyprien comptent entre 72 000 et 95 000 internés. Dès la seconde semaine de février de nouveaux camps sont installés en catastrophe pour décongestionner les premiers : Bram et Montolieu dans l'Aude, Agde dans l'Hérault, le Vernet Mazère et Rieucros dans l'Ariège, Setfonds dans le Tarn et Garonne Ogeu et
Gurs dans les Basses Pyrénées Saint Vincent de Tyrosse dans les Landes, Talence en Gironde.
On distinguait trois sortes de camps :
-les camps d'hébergement Gurs, Argelès..
-les camps d'embarquement ou les gens attendaient leur émigration vers un autre pays ami ( le Mexique, les pays d'Amérique du Sud) : les Mille près d'Aix pour les hommes et pour les femmes deux hôtels lugubres de Marseille,
-enfin les camps dits de répression à Rieucros pour les femmes et le Vernet et le fort de Collioure pour les hommes. On y enfermait « les politiquement dangereux : les chefs ,les propagandistes, les activistes, les commissaires du peuple..
.Des familles séparées : les femmes et les enfants d'un côté, et les hommes, d'un autre .De grands enclos entourés de barbelés dont on ne sort pas gardés par des soldats sénégalais et marocains à la carabine facile sur les plages du Roussillon transformées en grande prison, tels sont les centres soit disant « d'accueil » pour toute une population cherchant à survivre à la répression à la guerre et à l'hiver.
Seuls les blessés ont droit à l'abri tout relatif dans une baraque et l'immense majorité n'a pour tout confort que le ciel étoilé et le sable. Les réfugiés pour se protéger du froid et de la tramontane creusent des trous dans le sable et s'enroulent dans leurs oripeaux vieille capote militaire et couverture . Nous sommes en France en 1939 ! Rapidement les trous individualisés deviennent collectifs. Les hommes se regroupent par affinité, entre officiers, anciens d'une même unité, gens d'un même parti, syndicat ,d'une même nationalité : Catalans, Basques .
A Argelès, un jour, la mer s'est déchainée et a arraché à la plage des baraques dans lesquelles dormaient des enfants et des femmes, les entrainant dans l'eau glacée sous le regard des soldats sénégalais qui regardaient sans rien faire. Les hommes se sont jetés à la mer pour les sauver; C 'est alors que les sénégalais ont réagi en tirant sur eux : hommes, enfants, vieillards, femmes trouvant ainsi une fin atroce ! Nulle trace dans les journaux et les livres d'histoire !
Argelès à une vingtaine de kilomètres de Perpignan, en bordure de mer, vaste étendue de sable frangée de marécages délimitée sur trois cotés, la quatrième barrière c'est la mer. La plage est constamment balayée par la terrible tramontane qui renverse et détruit tout : nous sommes en février 1939 ! Le vent empêche de dormir et de respirer. Rivesaltes est moins sinistre : il y a des baraques en ciment..
Collioure camp de répression fait frémir cette ancienne forteresse des Templiers du XIII è siècle sert de prison aux « rouges ». Transformés en véritables bagnards, ils cassent des cailloux toute la journée. Le manque de moyen transforme ces camps en véritables « enfers » pour une population déracinée affaiblie
.Les conditions de vie dans les tout premiers camps est déplorable : après les trous dans le sable, ce sont des baraques construites en bois par les réfugiés eux-mêmes qui servent d'abri, mais il arrive qu'il n'y ait pas de paillasse, ni de paille. Ni eau ni électricité , ni sanitaire ! Les champs sont des déversoirs aux odeurs nauséabondes;Pour l'approvisionnement en eau, des camons citerne arrivent chaque matin mais la quantité est insuffisante alors les réfugiés utilisent l'eau de puits creusés dans le sable ce qui explique les grandes épidémies de dysenterie.
Dans les baraques de soixante à soixante quinze personnes y sont entassées. Dans le meilleur des cas les baraques disposent de poêle à charbon. Par la suite, les camps postérieurs où bon nombre de réfugiés sont transférés apparaissent comme un autre monde :eau potable et courante,sanitaires prévus, organisation du camp. Le camp est dirigé et gardé par des militaires français. Le chef est un officier supérieur placé sous l'autorité administrative du préfet de la région.
Les Camps : Argelès sur Mer
Barcarès est le camp vitrine le seul accessible à la presse et aux délégués d'organisme d'aide et de secours.
L'objectif des réfugiés : sortir de ces camps pour ne plus voir ces horribles barbelés sous les yeux ! Certains tentent de s'échapper et parfois y réussissent. D'autres gagnés par le désespoir et le mal du pays décident de rentrer en Espagne. Pour les français le problème essentiel est de parvenir à un retour massif des exilés en Espagne, mais comme ils ne se sentent pas le droit moral de les livrer de force, non seulement ils encouragent mais aident les nationalistes espagnols à faire du prosélytisme dans les camps. Dès mai 39 les officiers nationalistes venus récupérer du matériel de guerre visitent les camps du sud de la France et offrent des emplois aux ouvriers républicains les assurant qu'il n'y aura pas de représailles. De plus les hauts parleurs du camp transmettent tous les jours de la propagande franquiste pour le retour au pays. Les réfugiés se méfient évidemment. Le nombre d'Espagnols rapatriés en 1939 doit se situer entre 150 000 et 200 000. Des milliers d'espagnols qui n'ont pas envie de se battre pour la France surtout après l'accueil qu'on leur a réservé, décident de rentrer en Espagne et d'affronter la justice de Franco. Cependant la politique française de rapatriement en masse des réfugiés échoue puisque seulement 15 à 20 % des Espagnols prennent le chemin du retour.
Vie quotidienne : la nourriture n'est distribuée qu'en fois par jour .
Très vite les internés s'organisent :des groupes d'hommes se partagent les tâches :corvée, d'eau, repas : semoule marmelade. Dans tous les camps se crée un espèce de marché aux puces où on échange vêtement souliers, montres, lunettes et autres objets...bagues bijoux que l'on a pu emmener.
Le pire est la vermine qui devient le symbole vivant de la misère dans laquelle les réfugiés tentent de survivre. Des témoignages terribles sont à lire Journal d'exil de Ramon Moral y Querol; De sorte qu'après la guerre, la fuite dan s les montagnes, l'enfer continue en France dans de telles conditions d'hébergement. Beaucoup de républicains sont atteints d'angoisse morbide et beaucoup souhaitaient que la mort vienne les délivrer : « Pourquoi les bombes ne nous ont elles pas déchiquetés en Espagne? Pourquoi a t-il fallu que nous arrivions vivants ici en France ?
« Paco Ibanez raconte que « chaque jour un réfugié faisait sa valise : quatre bouts de planche cloués et qu'il partait en Amérique. Il entrait dans l'eau...Les copains se réunissaient sur la plage pour lui dire au revoir et puis il est parti loin devant lui, dans la mer.. »
Les activités dans les camps : travaux manuels et artistiques, éducation, sport et musique. Les objets fabriqués dans un premier temps sont tous utilitaires : carafes, gobelets boîtes de conserve, assiettes et tasses dans l'argile, cannes, béquilles..puis apparaissent les bagues creusées dans des pièces de monnaie martelées entre deux galets, des figurines sculptées sur du bois, les sculpteurs réalisent des merveilles dan des matériaux rudimentaires : coquillages, fils barbelés , savon..Les peintres sur quelques pages blanches des morceaux de carton trouvés ou toiles emportées en exil fixent les scènes du camp de s portraits, au crayon ou à l'encre de chine faute de peinture en leur possession !!Les activités politique occupent une première place dans les camps et les conditions déplorables d'accueil n'ont en rien rapprochées les deux frères ennemis : la nécessite d'afficher une harmonie extérieure n'amortit plus l'antagonisme des :
-communistes, et de leurs alliés, les socialistes d'une part ,
-anarchistes, des partisans du Poum (trotskystes) et des partis républicains ,d'autre part !
Entre eux ce ne sont plus que disputes qu'intrigues pour dominer les camps. Les communistes montrent une remarquable capacité d'organisation s'appuyant sur la discipline du parti et le parti Communiste Français leur fournit en cachette des faux papiers des fonds pour la propagande. Leur succès repose sur la rapidité et la méthode avec laquelle ils organisent des cellules à tous les échelons de la vie du camp : baraque, ilot personnel dirigent.;Chaque fois qu'ils occupent des positions importantes (courrier, intendance, infirmerie) ils peuvent contrôler de nombreux aspects de la vie du camp. Ils censurent le courrier, bannissent les journaux en dehors des leurs : l'Humanité, la Voz de los espanoles, dominent le bulletin officiel des réfugiés persécutent leurs rivaux en diminuant leur ration de nourriture dénoncent les anarchistes à la police de Vichy qui les expédiera dans les camps d'Allemagne. Cette mainmise sur la plupart des organes du camp est vécue comme un véritable calvaire par les non-communistes. Les socialistes échouent dans leurs tentatives d'organisation, quant aux anarchistes bien organisés à l'extérieur, leurs activités n'atteignent pas les proportions qu'elles méritent car sabotées et brimées par les communistes qui les haïssent. Cependant ici et là dans certains ilots et camps, ils organisent sur des bases nouvelles et libertaires la vie dans les camps.
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Les activités intellectuelle se multiplient. Une véritable université populaire est créée par les réfugiés. Malgré le manque de matériel et des conditions déplorables, « l'Université des sables » fonctionnent tant bien que mal. Le premier enseignement dispensé est évidemment le français par les réfugiés connaissant cette langue mais o donne aussi des cours de géographie, d'histoire et de calcul et des conférences. Tous les jours, on lit et on traduit les articles de journaux qui font débat. Les activités sportives sont stimulées par l'administration française : combats de boxe, football. Par contre la musique n'a pour adeptes qu'une infime proportion de réfugiés : ceux qui avant l'exode étaient musiciens et ont pu emporter leur instrument. Malgré le petit nombre de musiciens, dans tous les camps il y a des orchestres qui donnent des concerts le soir et pour les fêtes de commémoration .
Dans ces lieux de réclusion malgré les contraintes de toutes sorte on assiste à une organisation sociale et à une production culturelle exceptionnelle. Des espaces de liberté crées par les internés eux-mêmes, permettent à ces hommes et ces femmes combattants de la Liberté, d'échapper à toute sorte de censure malgré ce régime carcéral. Ils recréent l'Espoir et échappent intellectuellement à leurs geôliers à l'histoire au présent pour construire un futur.
Bon nombre d'entre eux ont du travailler de force dans des chantiers surveillés avant la seconde guerre mondiale pour tracer la ligne maginot ,pour construire des voies de chemins de fer...
Après la défaite de la France en 1940 la débâcle, et l'occupation nazie, les camps serviront comme centre de détention pour les juifs, les prisonniers politiques et les activistes du maquis. Le sort des réfugiés après 1940 :
-la majorité a pris le maquis immédiatement,
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d'autres ayant trouvé du travail ( surtout les femmes) , se sont intégrés chez des paysans, dans de petites entreprises,..
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d'autres se sont engagés dans la légion étrangère
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d'autres ont du aller travailler de force en Allemagne
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sans compter tous ceux qui ont été exécutés par les miliciens français, et allemands.