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28 novembre 1946 : Réfugiés en France
Dédicace du dictionnaire de la guerre d'Espagne
A Angèle

68 ans en arrière, par une nuit douce à Barcelone en 1946, ma mère Angèle, ma grand -mère Carmen , ma tante Isabelle et mon oncle Joseph,( après avoir vendu les quelques meubles qu'ils avaient ,et après avoir passé quelques heures à dormir à même le sol dans l' appartement qu'ils avaient "passé"), tous les quatre donc, prirent le chemin de la France, aidé par un guide : un passeur.

Ils prirent de très bon matin ce 28 novembre 1946, le train pour le Pas de la Case. Arrivés à la frontière, à quelques kilomètres d' Andorre, ils durent attendre la nuit. Des galops de chevaux se firent entendre.

"Vite cachez- vous ! Ordonna le guide, Juan !

Toute la famille se terra dans les buissons. Mon oncle Joseph, très nerveux ne pouvait s'empêcher de tousser !

"Arrêtez dit le guide ! Si non on va tous se faire prendre !

Joseph faillit s'étouffer ...

La guardia civile passa à quelques mètres de la petite troupe. La famille attendit des heures puis le guide proposa d'emmener ma mère jusqu'au village voisin pour récuperer du cognac pour la route.

Le jeune couple partit donc. Juan le guide était connu pour contrebande et passeur au village. Il invita Angèle à déjeuner au restaurant...puis il acheta le cognac et autres victuailles ,et il ramena Angèle auprès de sa famille.

La soeur d'Angèle, Isabelle, était hors d'elle :

-Mais qu'avez vous fait toutes ces heures ? On a eu peur ! On craignait que vous vous soyiez fait prendre ....

Le guide les conduisit par un chemin sans péril....puis au bout d'une heure de marche ,il leur dit : voilà nous sommes arrivés, dévalez cette colline et en bas le village que vous voyez, c'est la France !

La mère d'Angèle, ma grand mère , s'assit et se laissa aller de tout son corps en chantant et dévala allégrement la colline enneigée. Ses filles et son fils la suivirent...

Arrivés au village ils se présentèrent aux autorités pensant être en France !

- Non Mademoisielle vous n'êtes pas en France, vous êtes à Andorre !

Alors Isabelle éclata en pleurs, ainsi que sa mère et Angèle. Jospeh se mit à tousser bruyamment. Les gendarmes émus leur dirent :

Mais ne pleuraient pas mesdames nos n'allons pas vous refouler ! ....

Dictionnaire de la guerre d'Espagne
A ma mère Angèle

adolescente à Barcelone en 1936,

elle qui a connu l'avant guerre, et la pauvreté du peuple en 1932, ,les différences sociales, les grands

bourgeois avec leur train de vie arrogant, et la misère des ouvriers et des chômeurs. Elle qui allait voir, enfant, tous les dimanches, danser la sardane par les adultes et les enfants sur « la plaza de Catalogna'. Elle qui a connu la révolution sociale, les barricades, l'autogestion dans les cafés de la Garza », los « comedores del pueblo » : restaurants populaires. Elle qui a perdu sa belle soeur : Elisa » lors d'un bombardement allemand ; elle qui a vu l'enterrement de Buenaventura Durruti,( l'âme de la révolution espagnole) : le peuple criait :

« Durruti est mort ! Nous sommes perdus ! L'Espagne est perdue ! »

Elle qui a assisté au défilé des brigades internationales,elle se souvenait des russes avec leurs immense barbes, des canadiens avec leur musique. Elle qui était témoin civil de la fin de la république, qui a vu en 1939, pénétrer par las Ramblas, les troupes marocaines de Franco, « les maures ennemi ; elle qui a lu les grandes banderoles installés dans la capitale catalane : « Ici on ne blasphème pas, on parle le castillan ! » elle qui regretta que la sardane soit interdite car danse rebelle, évoquant l'idée séparatiste des catalans. Elle qui a connu la dictature, et la répression contre les Rouges. Elle qui sait comment Franco punit le peuple ordonna une chasse aux sorcières sans merci tuant femmes, hommes et enfants. Elle qui a vu comment Franco organisait la charité : pour manger, il fallait aller à l'église et on te donnait un ticket pour la soupe populaire. Elle qui suivit un guide une nuit de novembre pour se réfugier en France.L'arrivée à la tour de Caroll, en Andorre, et l'accueil en France, chez son frère MICHEL À Perpignan.

Elle qui fut ma mémoire, mon témoin, elle dont je détiens tous ces précieux renseignements qui alimentent le dictionnaire présent.

A elle ,je lui dis merci, :

« Merci, Maman tu as été mon inspiration, ma plume, ma source d'écriture.

Le hasard ou le destin a voulu que tu disparaisses voilà seulement quelques jours , cet après-midi du 7 octobre 2009 par une journée radieuse, chaude comme on n'en avait jamais eu pour un mois d'octobre ! A toi, je dédie ce dictionnaire, livre de tes souvenirs !Puisse la « divine providence » comme tu l'invoquais, t'apporter là où tu reposes, la sérénité que tu mérites.

Puisse cet ouvrage être le porte parole de ton histoire et de l'histoire de milliers d'Espagnols acteurs de la plus grande guerre idéaliste de tous les temps ! A tous ceux qui sont tombés, à tous ceux qui se sont réfugiés en France, ailleurs, à ceux qui sont les derniers survivants, de la Retirada,

Merci !

Carmen Orensanz

28 novembre 1946 : Réfugiés en France !Dédicace du dictionnaire de la guerre d'Espagne : A Angèle
Tag(s) : #réfugiée à Ma mère, #dictionnaire guerre d'Espagne
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