L'aide des antifascistes et des brigades internationales , Tito

La "Pasionaria" militante communiste) , les congédia lors d'un discours d'une grande émotion.
La Yougoslavie participa à la résistance républicaine. Tito se trouvait en Espagne. Tonin eut l'occasion de le rencontrer .
Les balles fusaient de tous côtés, l'ennemi était proche. Cela n'impressionnait pas le moins du monde Tito, qui trouvait matière à plaisanter :
- Oh lala ! Ces mouches, ces mouches ! (disait-il, en faisant mine de les chasser de sa main) Qu'elles sont collantes !
En guise de mouches, il s'agissait de balles chuintant de toutes parts.
Tonin avec Tito et bien d'autres des brigades ,organiseront des offensives contre les forces fascistes permettant un temps de retarder leur avance ".
"La vie "Al Frente" était difficile. Tonin partageait le commandement avec deux autres capitaines : Ramon d'une trentaine d'années et Vicente plus âgé. Tonin et Ramon étaient grands amis. Vicente semblait un peu spécial : une sorte de tête brûlée, violent parfois, solitaire d'un égoïsme insupportable.
Les Républicains eurent une confiance aveugle en leurs chefs spirituels : Durruti et Ascaso. Mais la réaction fasciste se chargea d'abattre un par un les meneurs d'hommes , les têtes révolutionnaires. Elle s'en prit également aux intellectuels, aux artistes, à ce que l'Espagne avait de plus grand : ses poètes. La Phalange, soutien de Franco , assassina lâchement Federico Garcia Lorca en août 1936 à Grenade. L'illustre auteur du Romancero Gitan fut fusillé pour délit politique pour "être, comme il l'avait dit à ses tortionnaires, du "parti des pauvres". L'éxécution du plus brillant écrivain de sa génération plongea ses amis et admirateurs dans une douleur immense. Tonin se recueillit à sa façon et rendit un dernier hommage à l'illustre poète. Dans sa tête résonnait encore les paroles de Garcia Lorca, du poème sur "La Guardia Civil" dans lequel il se moquait de cette institution militaire et identifiait ses serviteurs à "de noirs corbeaux": "Noirs corbeaux, messagers du mal, Vous déambulez par la campagne à la recherche d'une proie innocente."
La révolution dans la guerre

A la fin de la guerre, l'Espagne se vida de la quasi totalité de ses intellectuels qui prirent le chemin de l'exil. Cette hémorragie gagna tous les milieux : ouvriers, paysans, artistes, hommes femmes enfants, épris de liberté et de justice mais aussi d'un incroyable idéal : faire de l'Espagne un pays moderne , exemplaire, avec des institutions politiques révolutionnaires. Tous ceux là qui sans doute, eussent été les acteurs de la nouvelle Europe et qui se dispersèrent de par le monde emportant dans leur coeur, un peu de cette terre tant aimée !
Aux difficultés extérieures dues à l'aide fournie par Hitler et Mussolini, aux franquistes, se greffèrent des difficultés intérieures : les Républicains étaient divisés : les socialistes représentaient 1/3 de la gauche, les communistes minoritaires même pas un autre tiers, et les libertaires (anarcho-syndicalistes), la bonne partie. Ces derniers étaient très influents dans les grandes villes comme Barcelone. Après 1936, ils organisèrent l'économie sui-vant les principes de l'autogestion et la vie politique suivant la notion de "fédéralisme". Ainsi l'Andalousie , l'Extramadure, le Levant passèrent du "latifundio" (grande propriété terrienne au main d'un maître), à ('exploitation collective autogérée. Dans les villes, il en fut de même, et les usines furent dirigées ar des "Conseils d'ouvriers" élus et renouvelables. Les principes anarcho-syndicalistes étaient très bien accueillis dans la population qui trouva là une méthode originale, nouvelle efficace et stimulante de travailler et de vivre. La société ancienne de l'ordre et de la répression était remplacée par une société d'êtres responsables, libre : la basse étant : la liberté et la responsabilité dans l'engagement.Le partage égal des richesse et du travail .
Finie l'exploitation de l'homme par l'homme !
-"Tant qu'il n'y aura pas d'égalité politique, l'égalité économique sera un mensonge." "La liberté sans l'égalité c'est la domination d'une minorité sur la majorité : l'égalité économique sans la liberté politique, c'est l'oppression d'un appareil d'état sur l'ensemble des consciences ces deux concepts sont inséparables et complémentaires : ils déterminent la nécessité vitale et parfait pour l'épanouissement de notre Humaine Société (Paroles plus que d'actualité ,aujourd'hui !)
Tels étaient grossièrement tracés les grands principes de l'anarcho-syndicalisme. Les Républicains gagnèrent du terrain notamment en Aragon où Durruti battit les franquistes et distribua les terres aux paysans pauvres. Puis au fur et à mesure que le temps passa, l'aide étrangère fasciste et nazie, favorisa la percée franquiste. Un problème capital demeurait : la mésentente des Rouges entre eux. Après avoir libéré villages et villes, les républicains laissaient sur place des institutions nouvelles (partage des terres) cependant il restait toujours en arrière, certains antifascistes : les communistes qui profitant des circonstances et de l'absence cohérente de structure, imposaient les concepts du marxisme et ainsi détruisaient l'oeuvre libertaire engagée !

Tonin racontera combien de fois il dut rebrousser chemin pour arrêter leurs agissements :
-"Ce sont eux qui nous ont le plus gênés ! Il fallait sans cesse s'assurer de leur loyauté. Ils travaillaient pour le communisme de Staline, pour Moscou et non pour l'Espagne Républicaine !"
L'heure n'était pas à la politique, mais à la guerre ! L'antagonisme entre communistes et anarcho-syndicalistes était grand. Tonin dira même :
-"S'il n'y avait eu que Franco et ses compères, nous aurions gagné la guerre. Mais il y avait plus grave qu'eux : l'ennemi caché dans nos rangs, qui attendait que l'on gagne une bataille pour la récupérer et instaurer des principes autoritaires aussi détestables et antidémocratiques que ceux de Franco, Hitler et Mussolini.
Ainsi fallait-il aux républicains lutter sur deux fronts : le front extérieur et le front intérieur. Comment gagner une guerre civile fratricide dans de telles conditions. ?
Tout le monde sait que ce qui fait la force d'un mouvement c'est son unité, sa cohésion.La division d'un parti, d'un groupe entraîne sa perte inéluctablement.
Un village libéré par les républicains
Franco ne connaissait pas ces problèmes, même si au début la phalange dut lui imposer quelques contrariétés. Elle se rallia vite à son chef suprême. Pour les Républicains, il n'en fut pas de même socialistes communistes et anarchistes, se livrèrent une bataille d'influence sans merci. Tonin n'aimera guère raconter la guerre et ses cruautés.Cependant certaines scènes le marquèrent profondément. Un jour il était proche de Hécho : les franquistes étaient encerclés. Ils s'étaient retranchés dans l'église. Les républicains étaient à l'extérieur. On tirait du haut du clocher sur tout ce qui bougeait.Tonin distingua au soleil de midi, une silhouette noire et un canon qui brillait :
-C'est le curé qui nous tire dessus ! dit-il à Ramon et à Vicente .
-Je vais le déloger, moi et lui en dire une messe ! hurla Vicente;
- Tu vas surtout lui fournir du travail : ton enterrement ! Railla Tonin.
Ramon éclata de rire, les hommes aussi.
- Attendons la nuit ! Proposa Tonin. Nous pourrons plus facilement approcher l'église.
Quand le dernier quartier de lune se montra, à pas feutrés, un groupe de cinq personnes : les trois capitaines et deux jeunes sergents : Jorge et Eduardo, s'avancèrent près de l'édifice religieux.Tonin brandit sa hache et attaqua le porche de bois. Les coups résonnaient lugubrement...Quelques secondes plus tard, les balles sifflèrent autour d'eux.
- Vite Tonin ! cria Ramon.
A cet instant, Eduardo s'écroula touché en plein coeur.Une seconde balle tua sur le coup, Jorge, puis la troisième effleura Tonin et se logea dans la porte de l'église. Enfin , la porte céda.
- A l'asalto ! crièrent les capitaines Une seconde bataille s'engagea : les franquistes s'étaient enfermes avec la population civile.
- Libérez les femmes et les enfants ! Clama Tonin. Il ne leur sera fait aucun mal. Je vous donne ma parole d'officier.
- Ta parole ne vaut rien ! Chien de rouge ! Plutôt mourir ici !
- Vous n'allez tout de même pas faire mourir des innocents ?
- Pourquoi pas ? Ici ils sont dans la maison de Dieu, et ils mourront pour Dieu et pour l'Espagne avant de devenir les prisonniers de sanguinaires qui violent nos filles, tuent nos hommes et maltraitent nos enfants.
- Tout ceci ne sont que mensonge ! Villageois n'écoutez pas votre prêtre, fanatique. Les Républicains veulent vous libérer et vous donner ce que des siècles de misère vous ont ôtés, la dignité.
- Non ! hurla encore le curé ! Nous n'avons que faire de vos discours, de vos promesses !
- Nous avons suffisamment perdu de temps comme ça ! Ragea Vicente.
-Je sais ! Répliqua sèchement Tonin. Mais nous ne chargerons pas parmi les femmes et les enfants : ce serait un massacre. A cet instant une voix féminine se fit entendre :
- Nous mourrons aux côtés de nos défenseurs. Nous n'avons aucune envie de tomber entre vos mains. Si vous êtes vraiment ce que vous dites de braves gens, respectueux des autres, alors allez-vous -en et laissez-nous en paix !"
Toute de blanc vêtue, elle s'était montrée vaillamment tenant dans ses mains une torche. Les autres ajoutèrent :
- Oui ! Allez-vous -en !
Tonin réfléchit : ce n'est pas bête du tout !
- Oui nous allons nous en aller ! Leur lança t-il ; prenant de court ses compagnons de combat.
- Quoi ! Abandonnez le siège ! Maugréait Vicente . Jamais ! Tu entends, jamais je n'obéirai à ton ordre !
- Laisse le s'expliquer ! Calma Ramon, je suis sûr qu'il nous prépare une ruse à sa façon Ce n'est pas le genre de Tonin de lâcher prise aussi facilement .Il a quelque chose dans la tête !
-Parle alors ! Ragea encore Vicente.
- Nous avons deux possibilités : charger et causer un carnage, et nous l'aurons sur la conscience toute notre vie durant, ou alors, comme nous le proposait la charmante jeune fille, partir.
- Partir ? Sursauta Vicente
- Oui ! Ombre ! Partir pour REVENIR !
- JE NE COMPRENDS RIEN A TON DISCOURS !
Tonin s'expliqua enfin :
- Nous allons simuler notre retraitent en dissimulant dans les bois voisins notre armement lourds, les chars et le reste..... Nous laisserons quelques hommes là-bas chargés de la sécurité du matériel. Les autres, les trois régiments reviendront dans le village le plus discrètement possible et prendront possession des maisons dans le plus grand silence. Ils devront s'y cacher et attendre.
-Ramon tu occuperas l'aile est du village.! Toi Vicente, l'aile nord, et moi l'aile sud. Pas de danger pour l'aile Ouest, elle donne sur la rivière qui sera tenue par les hommes cachés dans les bois. Nous attendrons le temps qu'il faudra. Les gens finiront bien par sortir pour manger, ou prendre l'air et c'est là que nous agirons !
Le plan plut à Ramon et finalement Vicente, se rallia à eux. Les événements se déroulèrent comme prévu. Il fallut attendre deux jours et deux nuits dans le silence. Puis l'on vit sortir de l'église un homme qui pénétra dans sa maison et en sortit un chorizo à la main.
- Il n'y a personne ! leur lança t-il ! Le village est désert ! Ils sont partis !
Un autre sortit à son tour, puis deux, trois, cinq, dix :
- Hourra ! Ils sont partis ! Ils n'ont pas osé charger !
- Ils ne sont pas aussi sauvages que vous disiez ! Père Cristobal.
- C'est qu'ils ont eu peur de Dieu !
- Je ne crois pas ! La vraie raison c'est qu'ils ont respecté les femmes et les enfants !
- Assez parlé petite pie ! Trancha l'homme en noir. Tu viendras te confesser ce soir pour tes idées subversives !
La jeune fille stupéfaite, rejoignit sa maison, accompagnée de son jeune frère, Daniel. Ne restait dans l'église que le prêtre. Alors, comme prévu, les soldats sortirent de leur cachette et tinrent chaque "casa".Tonin se précipita pour arrêter le curé. Ce dernier se barricada, mais la porte cassée ne résista pas longtemps. Juché tout au haut de l'escalier qui menait au clocher le prêtre fusil au point, canardait Tonin et ses hommes. Il toucha en plein coeur un jeune caporal de dix huit ans à peine, et blessa très grièvement son compagnon. Alors prit d'une rage soudaine et fulgurante, Tonin épaula sa mitraillette et se mit à tirer. Il gravit les marches conduisant aux cloches, la haine et la douleur s'étaient emparées de son esprit. Une sorte de vengeance meurtrière guidait ses pas. Il tira, tira, et tira encore...
Un bruit sourd, la chute d'un corps, le silence. C'était fini. Tout était fini : Castillo était libéré. La population fut rassemblée à l'Ayuntamiento (mairie).
Un village organisé par des anarcho-syndicalistes
- Qui est le maire de cette localité ? Demanda Ramon.
- Moi ! L'homme avait une soixantaine d'années.
- Quel est votre nom ? Demanda Tonin.
- Pablo Dural.
- Très bien ! Voici Ramon Villajora, capitaine, Vicente Lloret également capitaine et moi, Antonio ORENSANZ, capitaine également. Au nom du peuple nous prenons possession de ce village et nous vous libérons de toutes vos anciennes contraintes. A dater de ce jour, la vieille structure de la grande propriété est annulée et remplacée par l'exploitation collective et le partage des terres entre les paysans pauvres de Castillo.Tous les biens fonciers seront distribués aux habitants en fonction de leurs besoins . Y a t-il des indigents ou des sans-abris ?

Quelques uns, la plupart sont des étrangers.
-Qu'importe ! Ils ont droit à la dignité et au pain ! La mairie servira d'asile aux nécessiteux. Villageois retournez dans vos demeures la vie doit reprendre... Il faut rouvrir l'école . Pour vous, la guerre est finie !
- Mais vous ne nous faites rien ! Interrogea toujours la fille en blanc.
- Mais que voulez-vous que l'on vous fasse ? Répliqua Tonin .Peut-être un baiser ? Est-ce cela que vous nous demandez si adroitement ? Lança Tonin , amusé
Un silence, puis un brouhaha, un éclat de rire, une explosion de joie. Tous les gens se mirent à parler à la fois, à s'embrasser, et à entourer les soldats. Tonin leur demanda encore :
-Pourriez-vous préparer une bonne soupe, pour mes hommes ? Voilà des jours que nous ne mangeons que des oignons et du lard séché ?
Les jeunes filles acquiescèrent et s'enfuirent en riant, en dévisageant avec effronterie les jeunes militaires..
. Les Républicains purent à volonté se laver, se restaurer, sous le regard intéressé des jeunes demoiselles de Castillo.
- Ils ne sont pas si terribles que cela !
-Sûr, que non ! Répondit Carlita (la jeune fille en blanc) et en plus ils sont beaux !
- Oh oui ! Plus séduisants que ceux des armées nationalistes ! Te souviens tu Anna, ces affreux barbus qui voulaient sortir avec nous ?
- Oh Oui ! Dieu qu'ils étaient laids ! Et dire que le père Cristobal nous faisait leur éloge !
- Il voulait nous marier à eux pardi ! Ajouta Carlita. Mais je préfère encore mieux me marier à mon bouc, car sa barbe à lui, sent bon !
Les filles ne se tenaient plus de rire. Carlita semblait rayonner dans ce cercle de jeunesse, d'insouciance.
- Je vous trouve bien gaies ! Rugit une vieille dévote. Ayez un peu de pudeur ! Notre prêtre vient tout juste d'être assassiné et vous célébrez la prise de notre village !
-C'est sa faute ! Pourquoi a t-il tiré sur les soldats, sur des jeunes gens, dans l'église, la maison sacrée du christ ? Pourquoi ne s'est -il pas rendu tout simplement. Il serait parmi nous et nous serait plus utile vivant que mort. -
Ils l'auraient fusillé de toute façon .

- Mensonge ! Ils n'ont fusillé personne ! Ni le maire franquiste ni ses adjoints ! Le père Cristobal était prêt à nous sacrifier par fanatisme.
- C'est vrai ! Conclut Anna, Le père avait tord . Jusqu'à présent les Rouges ne nous ont fait aucun mal.
- Attendez un peu mes belles biches ! et vous verrez l'oeuvre du démon s'accomplir ! Ils fusillent tous les curés, violent les filles....
-Assez de mensonges ! Assez de haine ! Assez de paroles médisantes ! Hurla Tonin. Allez- vous- en, vieille femme ! Quittez le village votre présence ici devient insupportable.
Et il fit raccompagné la vieille dévote jusqu'au village voisin, tenu également par les Républicains.
Tonin ajouta :
- Les soldats de la République sont des hommes honnêtes, et dignes. Si un seul venait à manquer au règlement et vous manquait de respect, je me chargerai personnellement de son sort
. Il avait parlé très haut pour que tous puissent l'entendre : les civiles mais aussi les militaires si par hasard l'un d'entre eux dans l'euphorie de la victoire, avait oublié ses devoirs.
Quelques jours passèrent , le village trouva une autre organisation. Le maître était parti, laissant sur place tous ses biens. Les villageois pour la plupart, d'humbles paysans, travaillaient sur les terres du notable. La grande propriété fut divisée en parcelles égales entre les paysans. La scierie fut rouverte et gérée par un conseil d'ouvriers : en autogestion. La production fut écoulée et les bénéfices ne tardèrent pas à rentrer. Ils étaient partagés en parts égales entre les travailleurs. Un montant était réservé à l'investissement et au fond de solidarité. La municipalité s'occupa des sans-abris en les hébergeant et en leur procurant des repas chauds, en échange d'un travail. Mais pour la réouverture de l'école, il y eut des problèmes : il s'agissait d'une école catholique et les religieuses avaient fui avec les potentats de Castille. Le seul instituteur qui restait était un vieux réactionnaire qui refusa d'offrir ses services à la République du Peuple. Tonin pensa alors à Manuel et à son neveu José-Maria. Il les fit venir. Il avait besoin d'eux.
José-Maria n'avait que dix neuf ans . Il avait fini ses études et enseignait voilà déjà un an. Il accueillit la proposition de Tonin avec enthousiasme. Il logea non loin de Carlita. Bientôt les deux jeunes gens furent inséparables.
Chaque maison prit deux ou trois soldats. Le reste occupa la belle villa de Don Pascual...disparu. Le temps passa... Les Républicains durent rejoindre le Front.
Après le départ de Tonin et les troupes républicaines, la vie continua normalement à Castillo.José-Maria y resta afin de poursuivre son oeuvre d'enseignant.Un de ses meilleurs élèves était Daniel, le petit frère de Carlita. Jusqu'à présent il n'avait eu guère le loisir de s'instruire, car il était orphelin. Sa soeur aînée travaillait certes à la scierie, mais l'argent manquait à la maison aussi l'enfant avait-il proposé ses services à Don "Pascual , le seigneur du village .Il s'occupait des chevaux du châteaux, et du jardin.Il avait appris à lire très vite ,les quelques fois qu'il avait fréquenté l'école. A l'Hacienda de Don Pascual, il y avait une belle bibliothèque

.Daniel était impressionné en passant devant les beaux livres la couverture de cuir rouge et or. Les grandes encyclopédies l'attiraient avec leurs photos des continents, des étoiles, des hommes, des choses...Une fois il avait osé, à l'insu de son maître, prendre un de ces beaux ouvrages, rouvrir, parcourir ses lignes, s'extasier ...La cuisinière l'avait surpris et dénoncé à Don Pascual. Alors pour le punir ce dernier avait saisi une grande baguette en bois, celle que l'on utilisait pour les chevaux, et s'était mis à frapper l'enfant sur ses mains :
- Misérable, je te paye pour que tu t'occupes des chevaux et non pour que tu lises dans mon salon !
Pendant huit jours, Daniel n'avait pu se servir de ses mains.
- Je me vengerai ! S'était-il promis ! Je le jure et tous ces livres seront à moi ! Son voeu s'était exaucé avec l'installation des Rouges à Castillo : Daniel eut tout le loisir de découvrir les livres . José-Maria avait décidé de faire de cette collection d'ouvrages de valeur, la bibliothèque du village. Le grand salon de Don Pascual était devenu la salle de lecture ; le grand hall d'entrée : la salle de prêt, le petit salon, la salle des archives, la grande salle à manger , la salle de conférence et de réunion municipale. Quant aux chambres, elles avaient servi à loger les officiers du contingent Républicain pendant leur séjour à Castillo. Quelques mois après le départ de Tonin, José-Maria et Carlita se marièrent et ce fut pour le village , un jour d'allégresse.
Après l'espoir la défaite
Les jours et les mois passèrent. Novembre 1936.
Durruti chef des républicains venait d'être assassiné.

Plus d'un million d'Espagnols accompagnèrent son cerceuil à Barcelone !
Après les victoires, vint le temps des défaites. Après l'avancée, la retraite. 1939 : Tonin était sur le front de Sarragosse avec Ramon et Vicente.
Les franquistes assiégèrent Castillo. Ils enfermèrent pas mal de monde accusé de collaboration avec l'ennemi. D'autres furent fusillés sur le champ. Ce fut le cas de José-Maria, l'instituteur.
- Ainsi meurent les ennemis de l'Espagne ! Avait dit le chef phalangiste avant de donner l'ordre de tirer
. Folle de douleur, Carlita voulut venger son mari. Elle attendit que tout l'état-major soit réuni à la mairie, pour demander audience. Daniel l'avait suivi.
- Va t-en Daniel ! Je t'ordonne de t'en aller !
-NON ! Que vas -tu faire ?
-Rien ! Daniel regarda sa soeur, les larmes inondaient son visage :
- Moi aussi j'aimais beaucoup José-Maria !
-Va t-en Daniel, je t'en conjure !'
- Non hermanita ! Je ne te quitterai pas ! Je n'ai que toi ! Et je reste avec toi, jusqu'au bout.
- Que dis-tu ?
- Je sais pourquoi tu es ici. Ne me mens pas à moi ! Quoi que tu fasses je serai toujours à tes côtés !
A cet instant un homme apparut :
-Senorita ! Si vous voulez me suivre !
Carlita et Daniel furent introduits dans un grand salon. Quelqu'un s'approcha :
- Que voulez-vous me dire ?
-Ce que j'ai à dire est de la plus haute importance. Je ne parlerai qu'à l'officier le plus gradé !
- Bien ! Suivez-moi !
Elle pénétra dans un grand hall où discutaient des franquistes.
- Alors maintenant, allez vous parler ?
Carlita sortit de sa poche deux grenades qu'elle jeta dans la pièce. L'explosion fit de nombreuses victimes. La jeune femme prit son revolver pour protéger sa fuite, mais elle reçut une balle en plein coeur. Daniel voulut la secourir :
- Fuis Daniel ! Fuis !
L'enfant prit l'arme et se mit à tirer. Quelques secondes après il s'écroulait. Carlita avait vengé José-Maria : les bombes avaient causé la mort des huit officiers. Elle y avait laissé sa vie. Mais une vie sans José-Maria valait -elle la peine d'être vécue ? Elle s'était engagée à tout partager avec lui : sa vie mais aussi sa mort ; Daniel son petit frère l'avait suivi, il avait dix ans à peine.
Tonin apprit la fin tragique de José-Maria et de Carlita et Daniel par Manuel fou de douleur et de rage.

Les franquistes vainqueurs sur tous les fronts, encerclèrent sa compagnie.lls étaient à Térruel. Les républicains durent se rendre.
- Quels sont les officiers de ce régiment ?
- Nous autres ! Clamèrent en choeur, Ramon Vicente et Tonin.
- Trois capitaines ! Bravo ! Vous avez combattu courageusement ! L'Espagne peut être fière de ses fils ! Pour ma part , je tiens à vous féliciter personnellement ! S'était exclamé le général franquiste.

Il les avait salué et s'en était retourné sur son cheval, dans un brouillard de poussière. Les soldats furent emprisonnés dans un camp. Un commandant fasciste fit venir les trois capitaines républicains. Dans la cour, il se tenait là. Il passa devant eux et s'arrêta pour les épier : d'abord, Ramon, puis Vicente, puis enfin.Tonin.
L'homme avait un regard glacial. Ses yeux étaient d'un vert cristal sans pitié. Tonin ressentit une froideur terrible envahir son corps. L'officier l'observait depuis un moment. Tonin ne bougeait pas. Cet homme était redoutable. Tonin le savait. Il avait l'apparence du destin. Tonin le regardait. L'homme continuait à scruter son visage. Tonin le toisa. Dans cet instant effroyable ,Tonin fit face à ce qui avait pris l'apparence de la mort. Le commandant franquiste fit un signe et désigna Ramon et Vicente.Deux sergents entraînèrent Ramon et Vicente devant le peloton d'exécution. Ils les attachèrent à des poteaux.
-ASTA LA VICTORIA ! AMIGO Hurla Ramon.
-ASTA SIEMPRE CAPITAN !
Cria Tonin
- VIVA LOS ROJOS ! VIVA LA REPUBLICA i Y VIVA LA VIDA ! (Vive les rouges, vive la république et vive la vie !).
La prison franquiste
Ce furent les dernières paroles de Vicente. Les balles couvrirent tout. Tonin fut conduit dans un cachot. Il ne comprenait pas pourquoi. Il avait été épargné. La douleur l'empêchait de parler. Il se replia sur lui-même et se mit à pleurer. Il revoyait Ramon et Vicente, ses camarades de lutte, de combat. Il aimait beaucoup Ramon ils partageaient les mêmes idées, les mêmes choses. Vicente était spécial, mais ils s'en amusaient.A eux trois ,ils formaient une bonne équipe . Vicente l'égoîste, faisait toujours parler de lui .
Un jour lors d'une permission, les trois capitaines s'étaient attablés à la terrasse d'un restaurant. Vicente se servait toujours le premier et prenait les plus belles parts. Pour le vin ,il buvait sans penser aux autres.Après les légumes, on servit la viande , dans une grande poêle.Il y avait trois côtelettes. Ramon en prit une. Il ne restait qu'une très grosse côtelette et une toute petite maigrichonne.
-Allez ! Dit Vicente à Tonin ! Sers-toi !
- Oh non ! Répondit Tonin, comprenant l'intention de son compagnon. Je t'en prie sers toi avant !
- Allons pas de cérémonie ! Insistait Vicente ! Je ne me servirai le dernier.
- Si tu insistes ! Conclut Tonin.
Et il se servit la plus grosse côtelette avec le jus. La réaction de Vicente ne se fit pas attendre :
-Tout de même, mais t'es sans éducation ! Te servir la plus grosse alors que tout le monde n'est pas servi ! On voit bien que tu n'es qu'un paysan de tes montagnes, un sauvage ! Se servir la plus belle portion sans penser aux autres. !...
- Eh bien! Expliqua Tonin. A ma place laquelle des deux côtelettes te serais tu servi ?
- Celle-ci ! Protesta Vicente, en montrant la petite.
- Eh bien ! tu l'as ! De quoi te plains -tu ?
Interloqué l'homme ne sut plus quoi dire alors que Ramon partait d'un fou rire .
D'autres scènes se déroulaient dans la tête de Tonin : certaines drôles, d'autres pathétiques. Tantôt il riait, tantôt il pleurait. Puis ce fut le noir de la solitude, du froid.
Un homme s'approcha et posa une main sur son épaule :
- Tu es capitaine n'est-ce-pas ? Tonin ne releva pas la tête. Il n'avait pas envie de parler. Il voulait être seul. L'homme le comprit et ajouta :
-Nous c'est pour manana, demain ! Il ne faut pas que tu restes ta solitude. C'est mauvais ! Nous sommes avec toi ! Ne l'oublie pas ! Il s'éloigna.
Dans ce minuscule cachot d'à peine trois mètres sur trois, ils étaient cinq hommes, sans lit, sans rien. On ne leur donna rien à manger de toute la journée. Il faisait froid, il faisait peur. A l'aurore de manana, demain, on ouvrit la porte du cachot. On traîna l'homme qui avait parlé à Tonin. Il sut qu'il s'agissait de lui car avant de sortir il avait encore ajouté :
- Adios ! Asta la Victoria ! Viva la REPUBLICA ! Quelques minutes plus tard, on entendit tirer, puis le silence...

Un homme se mit à crier. Il frappait sa nuque sur les barreaux. Tonin leva la tête. L'homme devait avoir une quarantaine d'années. Un autre s'en approcha et lui parla doucement. Alors il se mit à rire et à chanter :
- "A las barricadas, a las barricadas! Para el triumfo de la Confédération ( Aux barriquades, aux barriquades ,pour le triomphe de la Confération!)
- Il est devenu fou . Expliqua quelqu'un à Tonin. Il était sergent. Ils l'ont torturé, battu. Il n'a rien dit. Au début il a tenu le coup puis il a perdu la raison. C'est le père Joaquim qui lui parle.
- Un prêtre ! Sursauta Tonîn.
- Oui ! Un prêtre rouge, ça existe ! Je comprends ton étonnement il est comme une bête rare, mais c'est un personnage formidable ! Tu verras, apprends à le connaître.
- Et toi qui es-tu ? Dit Tonin
-Je m'appelle Xavier Zapata. Avant la guerre j'étais professeur de littérature à l'université de Madrid.
Tonin observa l'homme : un intellectuel en prison ? Ici ! Xavier dut lire dans les pensées du jeune homme :
- Je me suis engagé comme tant d'autres de mes amis et collègues dans cette bataille pour la Liberté et la Démocratie. Ce combat était le combat de tous : paysans, ouvriers, artistes, intellectuels. Et toi qui es tu ?
-Antonio ORENSANZ ! Je suis de Hécho, petit village de l'Aragon du Nord. J'étais capitaine au début du conflit, puis j'ai du prendre le commandement des troupes après la mort du commandant. Nous avons été encerclés. Nous étions trois officiers : Ramon, Vicente et moi. Ils les ont fusillés ! Je ne sais pas pourquoi ils ne m'ont pas fusillé, moi aussi !
- Pour te faire mourir à petit feu, comme nous de froid, de maladie ! Répliqua en riant Alfonso, le fou.
-Il n'est pas aussi fou que vous le dites ! Constata Tonin
Le professeur ne dit rien. Somme toute, ils avaient raison. L'épreuve qui leur était donnée de subir , paraissait pire que la mort : faim, malnutrition, malpropreté, angoisse. Ce supplice psychologique pouvait conduire au suicide, ou à la folie. Personne ne savait quel était son sort : tous étaient sûrs de mourir, mais quand ? Dans un jour, dix jours, un mois ? Cette attente de la mort chaque matin détruisait les personnalités les plus fortes et les plus fières. Après deux jours de jeûne on leur servi une sorte de soupe, où nageait quelques pois chiches et des brives de pain ranci. Dans cette minuscule cellule, sans eau, sans commodité, la puanteur et la saleté étaient maîtresses. Le pire était ('appréhension de l'aurore, lorsque résonnaient dans la cour le pas cadencé des bottes, présage de la mort. Les cachots s'ouvraient, les guardias civils s'y ruaient, retirant du sommeil les condamnés qui hurlaient ou imploraient..Leurs cris cessaient avec le bruit des balles.. Et chaque matin la macabre scène se répétait : et chacun espérait gagner un jour, une semaine...
Tonin se lia facilement avec Xavier qui le prit comme élève. Avec le père Joaquim, aussi, il se lia. Ils discutaient longuement tous les trois d'Histoire, de politique, de philosophie et même de religion.Joaquim connaissait la région natale de Tonin. Il avait séjourné à Hécho et à Siresa (petite localité proche de Hécho, dont l'église romane aux merveilleux vitraux, aurait été construire sous (l'ordre de Jacques de Compostelle). Parfois les trois hommes étaient interrompus par Alfonso :
- Vous me faites marrer avec vos conférences ! A quoi cela sert-il de se chauffer la tête ? Vous serez morts demain !
Il était pris de délire et se mettait à se cogner la tête sur les murs Ces crises de folie duraient des heures..La nuit on l'entendait chanter à tue-tête :
"Hijos del puebio te oprimen cadenas! Esta injusticia no puede seguir ! Si nuestra existencia es un mundo de pena, Ante qu'esclavos, preferimos, morir ! A la batalla la genteOfacista Nuestro esfuezo vencera El puebio entero con los anarquistas para que triumfe la Libertad. :Enfants du peuple on nous enchaîne
Et cette injustice doit un jour finir. Si notre existence est un monde de peine Plutôt qu'esclaves, il nous faut mourir ! Dans la bataille la gente fasciste Par nos efforts sera écrasée. Le monde entier avec les anarchistes, Pour que triomphe, la Liberté "!
Un matin la porte de la prison s'entrebailla : deux gardiens attrapèrent Alfonso par les épaules et le poussèrent à l'extérieur. La porte se referma dans un cliquetis sinistre :
- Adios Amigos ! Leur cria Alfonso.
- Adios Alfonso ! Lui répondirent Xavier, Joaquim et Tonin
- Nous nous reverrons bientôt ! Nous avons la même destination? Mais pour une fois, professeur et toi curé, je vais en savoir plus que vous : c'est moi avant vous qui vais avoir la réponse à la question : y a t-il une vie après la mort ?
Il n'eut pas le temps d'en dire plus. On le conduisit dans la cour où il s'écroula sous les balles.
Les mois passèrent.