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La ferme des fils "La Combe"

La ferme des fils "La Combe"

Hiver 17 :deuxième partie histoire de poilus
Le Noël de la Galoche

 

La « Galoche » appelé aussi « le tacot », était un petit train reliant

Saint -Etienne à Pélussin. Construit à la fin du XIX siècle, il

desservit les campagnes du Jarez et du Pilat jusqu'en 1930.

Nous étions en 1917, l'hiver, un terrible hiver . C'était l'avant veille

de Noël, le 23 décembre.

Le temps ce jour là était clément. Aussi le train fut il autorisé à circuler au grand bonheur de citadins ,d'ouvrières, de travailleurs , apprentis et collégiens partis pour passer Noël en famille dans leur Pilat natal.

Comme de coutume, la Galoche démarra de Saint Etienne, et

rejoignit  Saint-Chamond, puis Saint- Paul en Jarez  et la Terrasse sur

Dorlay. .

Il fit le plein de voyageurs à Saint- Etienne puis débarqua bon

nombre de  voyageurs en route . A La terrasse sur Dorlay il prit

quatre jeunes ouvrières fileuses qui passaient leur semaine à la

fabrique de tissage et lacets . C était Noël et leur patron leur avait

accordé quelques jours de répit bien mérité après des semaines

longues de 14 heures de travail et l'unique pause du dimanche pour laver leur linge et aller à la messe.

C'était le début de l'après -midi. La Galoche donc repartit avec

quatorze voyageurs : les quatre jeunes fileuses, le cheminot, une

dame célibataire de profession sage femme, un apprenti boulanger

Louis, Juliette sa soeur dentellière , tous deux placés chez des

maîtres à Saint-Etienne, Jacques et Georges pensionnaires au

collège Valbenoite, Auguste, un maître tisseur âgé , venu à St Etienne

pour des papiers et de retour sur ses terres du Pilat et Marie une

jeune maman veuve qui venait de perdre son époux au front et qui

rejoignait ses parents à Pélussin .Elle voyageait avec ses deux

petits jumeaux âgés de trois ans : Ronan et Guérande .

Soudain le ciel se fit noir. Nous montions en altitude...et ici la

pluie fit place à la neige. Le petit train continua sa route. Mais au

bout d 'une bonne demi heure,la neige se mit à tomber très drue et

recouvrit les rails. Des arbres couchés sur la voie ,bloquaient le passage.Comme d'habitude les voyageurs furent invités à rebrousser leurs manches afin de libérer le passage. Chose vaine ! La neige couvrait tout et le brouillard s'abattit soudainement. . Que faire ? Il était trois heures et la nuit tombait vite ! Aucun moyen de communication !

La Galoche

La Galoche

Le  jeune apprenti  Louis, proposa de partir en suivant   les rails jusqu'à  Chuyers  qui n'était pas très loin pensait -il : un kilomètre au plus  ! Il irait chercher les bûcherons et ensemble  ils libéreraient le passage ! Une jeune fille voulut l'accompagner,  Ninon,une des quatre  jeune fileuse de la Terrasse ainsi que et les  deux  collégiens   .Partis avec des torches, ils suivirent méticuleusement les rails. Ils n'avaient pas fait trois cents mètres , qu'ils s'arrêtèrent  pétrifiés. A quelques mètres d'eux, des yeux brillants et féroces les 

observaient : quatre loups !  Ils firent demi tour en courant de toutes leurs forces mais les loups  les rattrapaient. La jeune fille était en danger  . L'apprenti voulut la  sauver mais un loup lui sauta dessus ! Tous deux tombèrent à terre. 

Le loup venait d’être abattu  , tout comme les autres loups !   

Louis  et Juliette se relevèrent hébétés . 

Deux  hommes barbus et chevelus vêtus de peaux et de fourrures les relevèrent. Un troisième  courut après Jacques et Georges les  collégiens  afin de les protéger, et abattit le dernier loup. 

-Merci soupira Juliette ! Sans vous nous étions morts.

Les sauveurs

Les sauveurs

Que faites- vous ici dans le brouillard et la neige ?  Questionna un des quatre  hommes. 

-Nous sommes du tacot ! Il est en panne car des arbres obstruent la voie ! 

-Ah ! Fit l' un ! 

-Vous avez eu de la une chance  !Ajouta gravement celui qui paraissait être leur chef ! Nous étions en train de chasser les loups... 

-Merci beaucoup ! Comment vous remercier ? 

Un  homme répondit : 

-Il faut aller secourir les voyageurs ! Cette nuit risque d’être  terrible ! De plus nous n'avons tué que quatre loup . La meute comporte 20 loups. Ces bêtes sont capables de s'en prendre aux voyageurs ! Pas  une seconde à perdre. 

Le groupe reprit la marche dans le sens inverse en courant. 

Effectivement, le train était cerné de loups. 

Alors nos quatre hommes bien équipés ,se mirent à tirer et à tuer  beaucoup de ces bêtes...Mais la moitié  d'entre elles  réussit à s'enfuir. 

A l'intérieur du tacot c'était les cris, des larmes  ! 

-Merci  ! Remercia le cheminot ! Merci sans vous , je ne 

sais. Ces bêtes étaient prêtes à casser les vitres pour pénétrer ici et  nous n'avions aucune arme. Merci à vous ! 

-Vous ne pouvez rester ici !  Les loups vont revenir ! Croyez moi ! 

-Mais  la voie n'est pas libre ! 

Non ! il faudrait  tirer  les arbres , mais  il est trop tard, la nuit est  là ! 

Que faire ? Implora une jeune ouvrière Claire . Nous  ne 

sommes ici que des femmes des enfants. Les seuls hommes 

sont le cheminot Louis et Monsieur Auguste ? 

Vous nous oubliez nous !  Répliquèrent vexés Jacques et 

Georges ! 

Le plus grand des hommes sourit et ajouta : 

C'est vrai vous êtes très courageux vous deux ! Et on peut 

vous considérer comme des hommes  à présent ! Nous vous emmenons à l'abri dans notre ferme ! Vous y  passerez la nuit et peut être  demain , aussi car le mauvais temps s'est installé  pour des jours ! 

Je voulais passer Noël avec ma famille ! sanglota Julie une 

petite ouvrière 

Hélas Mademoiselle, le train ne peut poursuivre ! Ces messieurs ont raison ! Nous sommes en danger ici ! Des 

Noëls vous en aurez d'autres si nous nous sortons vivants de 

ce vilain pas ! Conclut le cheminot. 

Alors en avant et prenez tout ce que vous pouvez prendre ! 

Ordonna celui qui paraissait le plus âgé des quatre  hommes : 

nourritures et vêtements car vous en aurez besoin. 

La petite troupe quitta le tacot et se mit en devoir de suivre 

leurs sauveurs. La ferme n'était pas très loin à  peine une 

quart d'heure de marche dans la neige le froid et  le 

brouillard.

Ferme La Combe

Ferme La Combe

.

 

 A l'intérieur  de la ferme se trouvaient deux femmes : une 

vieille dame et une jeune femme , enceinte. 

Le plus âgé des sauveteurs  dit  en entrant : 

Voici les voyageurs de la Galoche ! Il faut les héberger ! 

Pas de soucis ! Dit la vieille dame ! Mais je n'ai pas assez de 

soupe ! 

Nous allons vous aider ! Proposèrent les quatre petites 

ouvrières  du Dorlay  : nous avons de quoi compléter la 

soupe .Regardez ! 

Et elles sortirent de leur panier un demi jambon cru, du lard, 

des pommes de terre, des carottes , des choux, qu'elles 

avaient acheté au marché de la Terrasse avant de partir . La 

jeune maman, quant à elle,sortit  des gâteaux de Noël, de la 

confiture d'airelle, et de mure, des beignets qu'elle avait 

préparés et autres gourmandises. Auguste était le préposé au vin avec des bouteilles des coteaux du Jarez. La sage femme offrit également de quoi régaler l'assistance avec ses chocolats de Saint -Etienne et ses orangettes . 

Tout ce petit monde s'affaira donc à la cuisine et les quatorze  voyageurs prirent  place autour de l'immense table . On ouvrit des bouteilles et on se présenta : 

Ce sont vos fils  ? Questionna le cheminot ,Victor en 

s'adressant à la vieille dame

Les trois garçons se regardèrent étrangement. 

Oui ce sont mes  garçons !  

L'un d'entre eux portait un bras en écharpe ! 

-C'est bien la ferme Lacombe ici ? Insistait Victor. 

Oui dit la vieille dame . Mon mari Michel est mort voilà dix 

ans ! 

Le cheminot semblait préoccupé mais n'osa dire ce qu'il avait 

dans la tête. Comme on préparait le feu, il sortit dehors 

chercher quelques bûches en compagnie d'Auguste qu'il 

tutoyait : 

Auguste ! Dis moi n'avait-on pas dit que les  fils Lacombe 

étaient tombés au front ,il y a plusieurs , que seul le plus jeune blessé  était vivant ? : 

Effectivement  ! C'est bien ce qu'il avait été dit ! 

Ce ne sont tout de même pas des revenants ! Dit Victor ! Je 

sais c'est la nuit de Noël et qu' il y a des miracles mais 

enfin ?? 

Ils se sont peut être trompés  à l'état major ! Tu sais avec la  guerre, tous ces morts, et les révoltes des soldats ! Bah ! 

S’exclama Auguste. 

Tu ne les a jamais vu ces quatre  fils ? Insistait Victor. 

De loin vaguement ! Je ne les fréquentais pas 

Alors tu ne pourrais pas les reconnaître ? 

Ni toi d'ailleurs ! S'énerva Auguste !  C'est la veille de Noël 

ils viennent de nous sauver la vie ! Ne leur  parlons pas de la guerre  qui ne ferait qu'attristait la mère, effrayer la jeune future maman  ,et mettre les fils en colère !

De retour à l'intérieur, la mère présenta à Victor et Auguste : 

–Jean et Pierre  .  Pascal, le blessé mon dernier, et sa jeune épouse Lisa qui attend un bonheur ! 

Tous sourirent et on se remit à table . 

Vous avez repris la ferme de votre père ? Questionna le 

cheminot. 

 Jean hocha la tête ! 

C'est drôle ! (dit Jacques le garçonnet) .Je ne vous reconnais pas , vous mais vous si ! Dit- il en s'adressant au blessé Pascal ! 

Et moi non plus ! Ajouta Georges … 

Moi je vous reconnais ,petits bohémiens ! Dit le blessé vous 

étiez venus nous prendre une poule l'été dernier n'estce pas ? 

Oui ! (rougit  Jacques) Vous souvenez- vous de ce que vous 

m'aviez dit ? 

Le jeune s'écria : 

Ah oui ! Je t'ai menacé d’une belle correction ! 

Les frères éclatèrent de rire avec Jacques et Georges . 

Auguste intervint : 

Avec la barbe les cheveux longs, ils reviennent du front . Qui reconnaîtraient nos braves poilus ??? 

Tout juste !  Répondit Jean. Tout juste !  

Auguste insista s'adressant à Jacques et  Georges  : 

Croyez vous que là-bas , on ait le temps de se raser, de se 

couper les cheveux ? Les soldats mangent très mal et sont 

très amaigris ,comme eux !  Ah ! La guerre, la tranchée,la 

vermine, la peur, vous transforment de beaux gaillards en de 

piètres soldats méconnaissables  !

Les  trois  hommes se regardèrent et le plus âgé dit : 

C'est exactement ça, Monsieur Auguste ! Exactement ça ! 

Et il enchaîna : 

Pour parler ainsi, il faut avoir fait la guerre  . Est- ce votre cas  ? 

Oui ! La guerre de 1870 ! Croyez- moi j'en suis revenu 

différent mais j'en suis revenu ! Hélas beaucoup de mes amis 

y sont restés ! Beaucoup étaient impliqués dans la Commune 

de Paris et ont été fusillés ou déportés ! Par chance j'étais 

jeune et peu cultivé...Je n'ai donc pas pu ,à mon niveau, 

participer à cette belle tentative révolutionnaire  ! Ce qui m'a sauvé la vie !!... 

On en resta là et on ne parla plus de la guerre car c'était une soirée de fête. On partagea le repas , on chanta des cantiques et on raconta des histoires de Noël pour les petits enfants présents, qui s'endormirent près de la cheminée. 

Dehors la neige continuait de tomber. Auguste ressortit 

chercher du bois. Victor le suivait et voulait reprendre la 

conversation .Auguste l’arrêta : 

Regarde ne vois tu pas ces lumières ? 

Lumières ? cria Victor Ce sont les loups ! 

Ils coururent  à  l'intérieur ! 

Effectivement le reste de la meute une dizaine de loups venait d'encercler la ferme. Dans l'étable les moutons bêlaient et les  vaches meuglaient de peur. Les chiens hurlaient à la mort .

C'est alors que la jeune femme enceinte se mit à avoir des 

douleurs. 

Ca y est ! Dit la sage femme qui l'avait examinée.

Le bébé va venir cette nuit ! 

Tous en furent émus . Mais l'attention était attirée dehors ,par les loups qui devenaient menaçants .Le  fils aîné décida de lancer des grenades en leur direction, afin d'économiser les balles . Les explosions tuèrent sur le coup  une grande partie  des assaillants : huit . Les quatre rescapés disparurent dans la  nuit sans demander leur reste.. 

Merci encore ! Dirent  Auguste et Victor.. 

Toute la nuit la sage femme assista la future maman. Son 

mari, le plus jeune des fils blessé au bras  était auprès 

d'elle..... Au petit matin un beau bébé naquit. On l'appela 

Noëlien. La jeune mère  épuisée, s'endormit  avec son petit 

près d'elle, dans un petit berceau . Les hommes avaient veillé  en faisant des rondes. Une des jeunes filles avait 

sympathisé avec un frère Lacombe : Pierre alors que l’aîné Jean avaient fait connaissance avec Marie la jeune veuve. Les 

 autres jeunes filles  s'étaient assoupies très vite..ainsi 

que les collégiens . Le feu crépitait dans la cheminée. Victor 

avait pris un cadre de photo qui prônait sur la desserte et la 

regardait ..Un des fils s’approcha de lui : 

Nous étions jeunes et beaux ,n'est ce pas ? 

Victor le regarda dans les yeux et hocha la tête ! Trois grands  gaillard  blonds aux yeux clairs dont deux qui ne  ressemblaient en rien aux fils Lacombe  souriaient  sur la  dite photo.   

Le jour se pointa : une belle aurore  orangée . Le vent du sud 

soufflait à présent. Ce vent du sud qui sait effacer toute trace de neige. Ce vent qui au solstice d'hiver apporte la douceur et un relan de chaleur... 

Comme par enchantement, la glace commençait à fondre .  Les hommes déblayèrent la voie des arbres tombés dessus, mais il leur fallut bien toute la journée. Alors on passa une autre veillée à la ferme au grand bonheur des deux  petites ouvrières et de la  jeune veuve qui  avaient sympatisés avec les fils La Combe.  Le lendemain ...avant de se quitter on se fit des adieux chaleureux . 

Les   deux jeunes ouvrières promirent de  revoir les  deux jeunes gens. L 'aîné des fils : Jean  promit aussi  de retrouver Marie  la jeune veuve

Auguste, les collégiens, Louis ,Juliette , et Victor remercièrent chaleureusement leurs sauveurs, la grand mère , la jeune accouchée et son époux, .

A leur tout la famille Lacombe remercia  la sage femme .Tous  promirent de se revoir..

La Galoche reprit sa route et quelques heures plus tard arriva à bon port à Pélussin .

Auguste et Victor savaient que trois des fils n'étaient pas  des » Lacombe. », mais ils gardèrent le secret. Victor se renseigna des mois plus tard : deux  des fils étaient bien tombés au champ  d'honneur ou  au champ d'horreur ! 

Les deux hommes ex soldats présents cette nuit de Noël dans la ferme étaient des amis des fils disparus . La mère les avait pris pour ses fils refusant de croire à la mort de ses enfants....Ils avaient déserté la  tranchée dans laquelle ils s'étaient battus. Ils avaient sauvé l'un des trois fils, mais n'avaient pu faire de même pour les autres. 

Jean, capitaine ,avait refusé d'obéir aux ordres et d'envoyer le reste de son bataillon à l 'abattoir ! 

-Crosse en l'air ! Avait- il dit ! 

Et il avait assommé son supérieur. Le reste du bataillon  survivant ,une vingtaine d'hommes avait alors déserté et fui, sauvant ainsi leur vie. 

Le plus jeune Lacombe fut déposé devant l’hôpital pour qu'il fut soigné. Quelques semaines plus tard, il fut démobilisé et retourna chez lui. Il  deux de ses amis déserteurs et leur proposa de passer l'hiver dans sa ferme du Pilat en attendant des jours meilleurs

La Galoche poursuit sa route

La Galoche poursuit sa route

Epilogue

 

Après l'Armistice, la grand mère fut emportée par la grippe 

espagnole. 

Les trois hommes   Pascal et les deux déserteurs décidèrent de quitter la France pour l'Afrique : l'Algérie, là où l'oncle  de l'un « des déserteurs « , possédait des terres.

La jeune ouvrières du Dorlay accompagna   son amoureux  . Marie la jeune veuve très éprise de Jean l' épousa  et avec ses deux petits,  reformèrent une  famille . Pascal suivit également  ses amis avec sa femme et Noëlien . 

De l'autre coté de la mer, dans ce pays de sable de lumière de soleil ,d'olivier et d'oranger, les trois jeunes couples commencèrent une nouvelle vie. 

 

Tag(s) : #Le noel de la Galoche, #Conte de noel
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