conte de la marelle
Les patins de cristal

Hollande du Nord , 1930, Marken le petit port de pêcheurs , proche d'Amsterdam
C'était la fin janvier. 20 jours s'étaient écoulés après la fête des voeux et des étrennes du père Givre .
Toute la nature semblait figée et endormie pour des mois : champs moulins, canaux, lacs, rivières...Seuls les enfants se réjouissaient de ce grand froid et s’entraînaient à patiner le plus vite possible et le plus loin possible….

Comme chaque année au village de Marken il y avait une
grande compétition après Noël : « les patins de cristal » qui attiraient en plus de tous les jeunes écoliers du village, tous les patineurs avisés de toute la région .Pour l'heure c'était Ignès l'imbattable, la fille du bourgmestre du maire, qui avait gagné déjà deux compétions mais suivie de très près par Frida et Hans les enfants du charpentier qui auraient mérité aussi d'être les
gagnants. Ignès avait bénéficié et de patins faits sur mesure coûtant très chers, rapides et se fixant sur la neige et de la notoriété de son père le maire que personne n'osait contredire. Mais Hans et Frida n'avaient pas dit leur dernier mot : cette année ils seraient les champions.
L 'épreuve consistait à parcourir un circuit établi le plus rapidement possible, de relever des balises, et d'effectuer des sauts périlleux et un programme de figures artistiques. Celui qui remportait l'épreuve se voyait remettre une paire de patin en cristal très précieux car en cristal de bohème. Un véritable petit bijou qui valait bien une grosse somme d’argent. Hans et Frida tenaient à gagner cette épreuve bien sur pour l'amour de la glisse , ils étaient de merveilleux patineurs mais aussi pour rapporter à la maison les patins de cristal qu’ils pourraient échanger contre de l'argent nécessaire pour acheter des médicaments onéreux pour guérir leur maman malade depuis des mois. Andréas, le père, charpentier pourtant très estimé , ne gagnait pas assez pour régler les dépenses importantes dues à la maladie de sa femme. .
Ignès était une fille de onze ans : elle avait l'âge de Hans. C'était une prétentieuse, cupide et méchante. Rien n'était trop beau pour elle. Fille unique ,son père,le bourgmestre ne savait plus quoi faire pour lui être agréable . Depuis qu'il avait perdu sa femme. il gâtait sa fille plus que de raison . A l'école Ignès avait sa cour, ses amis..
Hans avait son clan . Les deux groupes se bagarraient souvent dans la cour de récréation : chacun défendant son champion ! Ainsi donc, comme chaque année, l'inscription aux patins de cristal fut ouverte et les enfants se réunirent après l'école pour s’entraîner.
-Alons sur le lac gelé ! Proposa Ignès .
-C'est dangereux ! Dit Frida .Par endroit la glace se brise !
-Eh voyez moi cette peureuse ! Railla Ignés . Ma cocotte reste chez toi bien au chaud si tu as peur !
-Elle a raison ! Enchaîna un compagnon de la petite ! Vous savez qu’il y a la réserve des loups tout près !
-Et en voilà un autre qui a la trouille ! S'esclaffa Ignès ! Bien sur, c'est un ami de Hans ! Tous des trouillards ! Allez, allons- y, nous ! Laissons les froussards ici !
-Je ne suis pas froussard ! Reprit Hans dépité ! Je suis prudent et lucide !
-Alors restez ici les prudents et les lucides -trouillards ! Lança encore Ignès en rassemblant sa troupe . C'est moi qui gagnerait comme d'habitude mais ne venez pas pleurnicher votre défaite !
Les amis de Hans se concertèrent :
-Laissons cette folle aller là-bas !
-Je ne peux que relever le défi ! Dit Hans !
-C'est de la provocation ! Et les risques , tu y penses ?
-Elle les prend bien elle ! Dit Hans.Montrons leur qu'on n'est pas des poules mouillées. Je vais les supplanter ! Conclut Hans.
-Non ! Hurla Frida ! Pense à maman , à papa !
-C'est justement à eux, à maman que je pense !
Les amis de Hans le suivirent malgré tout, ainsi que Frida contrariée .Ils rejoignirent la troupe de Ignès. Celle-ci proposa :
-Voici le palet , à toi de le jeter pour commencer !
C'était un des jeux pour s’entraîner : deux équipes , un concurrent lance un palet en bois (pièce de bois aplatie de forme ronde) que l' adversaire de l'équipe rivale doit le plus rapidement récupérer. Les deux équipes comptent le temps écoulé. Et c'est l'équipe ou l'un des deux concurrents qui a mis le temps le plus court ,qui a gagné.
Hans lança donc le palet vers le milieu du lac ; Ignès s'élança et le ramena comme l'éclair.
-A mon tour ! Dit -elle .Elle le lança encore plus loin.
Hans partit à toute vitesse et battit bien son record .
-Voulez vous participez à la course ? Proposa Ignès à ses amis ?
Ceux là montrèrent leur désapprobation :
-Non ! Hans et toi , entraînez vous tous les deux !
-Qu'en penses- tu Hans ? nous deux ?
Hans consulta ses amis . Ils lui répondirent :
-Défends -nous Hans ! Défends notre groupe et nos couleurs !
Ainsi la compétition se limita aux deux participants : Ignès et Hans.
Ignès envoya le palet dans la direction du village . Hans alla le récupérer. Puis il lança le palet dans la même direction un peu plus loin. Ignès revint. Ils recommencèrent le jeux ainsi six fois. Maintenant la nuit tombait et il faisait de plus en plus froid. A la septième fois, Ignès prit le palet fit une cinquantaine de mètres sur la glace et lança le palet qui atterrit au loin .
-A toi à présent ! Lui dit -elle un sourire aux lèvres ! Va le chercher !
-Non ! hurlèrent ses amis ! La glace est fine à cet endroit ! C'est le territoire des loups ! N'y va pas !
Hans hésitait :
-Voyez vous ce lâche, ce dégonflé Hurla Ignès. Si tu n'y va pas, je déclare que j'ai gagné !
--Oui ! approuvèrent ses fans ! Ignès a gagné !
Piqué au vif ,Hans lança :
-Je ne suis pas un dégonflé et je vais vous ramener ce palet !
-Non ! Hurlèrent Frida et ses amis !
-Non pleurait Frida ! c'est un piège !
Mais déjà Hans s'était élancé et patinait sur la glace .On eut dit qu'il volait. En un clin d'oeil il fut près du palet et le soulevant s'écria :
-Voila miss Ignès votre palet .
Et il le lança dans sa direction. L’objet n 'était pas encore tombé aux pieds de Frida, qu'on entendit un cri , un bruit : la glace avait cédé sous le poids de Hans qui sombrait dans l'eau glaciale. Les enfant pétrifiés virent leur camarade disparaître au loin . Frida voulut y aller mais ses amis la retinrent :
-Tu vas tomber toi aussi !
-Je ne veux pas pas que Hans meure ! Hurla t 'elle . C'est de ta faute !
Hurla t-elle en se ruant sur Ignès .
-Je n'y suis pour rien !
-Allons chercher du secours ! Hurlèrent les garnements .
Alors que tous se dispersèrent en tournant le dos au lac ,sauf Frida qui restait clouée sur place, elle crut voir une vision : à l'endroit où son frère était tombé , un loup blanc venait de s'élancer dans l'eau puis quelques secondes après ramenait le corps, de Hans à la surface et le tirait. La fillette hurla craignant que le loup ne dévore son frère. Elle perdit connaissance. Le loup porta le corps jusqu'à la berge. Un homme prit Hans dans ses bras et disparut .
La fillette très choquée sombra dans une profonde déprime . Au village c'était la consternation : Hans était tombé dans un trou de glace .La température étant de trois degrés, il ne pouvait survivre que cinq minutes et encore.Frida , quant à elle, était en état de choc . Le charpentier n'avait plus assez de larmes et de force pour faire face à autant de malheur. Il n'en dit mot à sa femme . Tous lui témoignèrent leur sympathie y comprit Ignès qui, bien que ne se sentant pas coupable, regrettait la disparition de Hans. La compétition des patins de cristal avait lieu dans huit jours ,et plus personne n'avait envie d'y participer.
Il se passa une chose étrange. Frida deux jours après l'accident reprit l'esprit et le sourire .Allez savoir pourquoi ? Le charpentier semblait lui aussi serein ? Mais que s'était- il donc passé ?
En fait l'homme au loup avait sauvé Hans ,cet homme des bois vivait dans un chalet. Il avait réchauffé Hans , connaissant la médecine des plantes et des humains. Ce « docteur » avait ramené à la vie le jeune imprudent et après une nuit de délire, Hans avait retrouvé ses esprits :
-Monsieur ! merci Monsieur !

– Appelle moi August !
– Monsieur August merci de tout ! Mais il faut avertir mes parents !
-J'attendais que tu te réveilles pour me dire leur nom .
-C'est le charpentier du village : maître Andréas !
-J'irai demain les avertir !
-Oh non de grâce aujourd'hui ramenez- moi car ils doivent être morts de tristesse !
-Je ne peux pas te ramener !Toi tu restes ici au chaud. Le lac est dangereux .Je vais faire le tour avec les chiens. Mais promets-moi de ne pas chercher à sortir : les loups ne te connaissent pas . Hans promit de rester au chaud.August rejoignit la maisonnette du charpentier .Personne ne fit attention à lui . Il avertit le père que son fils était en vie .Andréas le remercia . Frida écoutant ce récit et sortit de sa torpeur.
-Je repars je ne veux pas laisser Hans longtemps seul, mais pour l'instant ne parler à personne de ça ! Laissez-les encore croire que Hans ne participera pas à la compétition ! J'ai ma petite idée et ce sera la vengeance de Hans !
Ainsi s'expliquait le sourire retrouvé du charpentier et de Frida. . Il restait trois jours avant la compétition. August entraîna Hans sur le lac des loups. Il lui apprit quelques techniques de patinage ...
Le grand jour arriva. Sur les visages on notait une certaine tristesse . Tous les inscrits attendaient depuis des mois. On n'avait pas eu le courage de radier Hans. Les uns après les autres les concurrents défilèrent. Ignès comme les autres ,très sûre d'elle, virevoltant, en patinant .Quand vint le tour de Hans ,on cita son nom..mais pas de Hans. Le règlement voulait que si le concurrent n'était pas présent à l'appel de son nom, il pourrait quand même patiner en dernier après le dernier de la liste. Les visages se fermèrent et la suivante sur la liste était Frida.

Elle patina agilement , rapidement et tous l'applaudirent..La compétition était terminée le dernier concurrent venait de passer,lorsqu'on entendit au haut parleur :
-Un participant en retard vient d'arriver : ce sera le dernier ! Son nom : Hans ! Voici Hans !
Sous les yeux ahuris et les visages interloqués, Hans apparut en pleine forme . Il patina à une vitesse inégalée, avec une agilité inconnue, fit des sauts d'une audace inouïe, présenta une chorégraphie des plus stupéfiantes qui se termina sous les bravos, les hourras, les tambours, les cris, les larmes et les pétards.
Le résultat de la compétition ne se fit pas attendre :
-Hans est le vainqueur !
Tous hurlèrent de joie. On lui remit les patins de cristal et le bourgmestre vint féliciter ,les larmes aux yeux ,l'heureux vainqueur :
-Hans quel bonheur que tu sois en vie ! Je sais ce que tu voulais faire de ces patins ! Mais mon enfant garde-les . Nous tous , nous nous sommes cotisé pour ta maman ! Elle va être bien soignée et votre famille n'aurait plus à souffrir de quoi que ce soit ! Un bon travail assurera votre pain quotidien ! Voilà Hans j'ai eu si peur que tu ne meures et que ma fille Ignès y soit pour quelque chose ! Pardonne-lui Hans, depuis qu'elle a perdu sa maman elle n'est plus la même ! Mais si tu savais comme elle a eu peur pour toi ! Pardonne-lui !
Ignès s'approchant lui dit :
-Oui Hans je te demande pardon ! Je veux que nous soyons amis !
Hans approuva , et sous les cris de joie de toute la contrée, le jeune garçon brandit ses patins de cristal, et embrassa sa mère sa soeur et son père.