Une nouvelle d'amour :"Le trouble d'Aurélie" (dernière partie)

Le trouble d'Aurélie : fin de la nouvelle

Le trouble d'Aurélie : dernière partie

Martial s'approcha et lâcha :
- Jocelyn a été démasque , dénoncé plus précisément. La police est venue l'arrêter cela fait déjà trois mois...Il a été jugé et condamné et déporté en Nouvelle Calédonie pour vingt ans !

Aurélie  s'effondra .

De ce jour la jeune femme usa de toutes ses relations et réseaux pour faire libérer Jocelyn.

Elle alla voir Georges Sand qui refusa de signer sa lettre , traitant les communards de fous de sanguinaires, d'utopistes. Elle contacta Emile Zola , Alphonse Daudet et Flaubert qui n'eurent aucune indulgence pour les communards. Seul Victor Hugo témoigna du respect et de la sympathie pour les révolutionnaires de la Commune de Paris qui voulaient changer le monde : « ces misérables » sortis de son roman , en quête d'une république de la justice et du travail » !

Il fallut attendre trois ans pour que la grâce de Jocelyn fut accordée. Trois ans aux cours desquels Aurélie écrivit chaque semaine à Jocelyn, cet homme du bout du monde, si proche d'elle . Dans ses lettres, Jocelyn lui demandait de le rejoindre à Nouméa , de recommencer ensemble une nouvelle vie. Il insista longtemps et se fit pressant.

Aurélie ne voulait pas aller en nouvelle Calédonie et lui expliqua qu'elle oeuvrait pour obtenir sa libération pour le faire revenir bientôt en France . Les lettres se firent de plus en plus rares. Jocelyn n'y racontait plus que des banalités, la vie sa solitude. Puis il n'écrivit plus .Aurélie pensa le perdre . Elle lui envoya alors plusieurs lettres dans lesquelles elle lui avouait son amour et l'avertissait de sa future grâce qu'elle avait enfin obtenue . En juin 1874 le bateau en partance de Nouméa le ramènerait à Marseille . Elle avait pris sa décision : elle quitterait son mari .

Quand le jour arriva, elle ne dit pas la vérité à Martial . Elle expliqua qu'elle allait seulement dans la cité phocéenne pour accueillir Jocelyn.

Elle s'installa dans cette cité méditerranéenne dans un petit hôtel face au port et attendit . Elle était là bien avant le débarquement., le coeur battant . Elle avait enfin libéré son coeur ,brisé les chaînes de la bienséance, des conventions, pour vivre au grand jour son véritable grand amour . Ce vent de liberté la grisait . La passion, qu'elle avait tant de fois décrite dans ses romans, elle allait enfin la vivre,elle, dans son âme ,son corps, sa chair ! Cette folie amoureuse la transcendait et lui faisait tout oublier. Partager enfin ses jours ses heures avec l' homme dont elle était amoureuse depuis des années, était l'accomplissement de sa vie.

Le bateau arriva . Des gens descendirent : des marins, des soldats des voyageurs , des bagnards , des déportés graciés, tous reconnaissables à leurs uniformes bleus sombres. Aurélie scrutait les visages. Elle vit défiler une bonne centaine d'hommes mais pas de Jocelyn .
Le capitaine débarqua le dernier . Aurélie se précipita vers lui :
- Capitaine, tous les hommes sont-ils descendus, ceux de nouvelle Calédonie, les déportés ?
-Oui madame tous sont descendus !
-Vous êtes sûr ?
L'homme sourit .
-C'est que j'attendais quelqu'un !
-Qui madame ?
-Jocelyn Tourel !
Le capitaine avec beaucoup de bienveillance, sortit de sa serviette , la liste des passagers et l'éplucha.

-Ce nom a été barré de la liste . Madame
-Mais il a été gracié !
-Attendez , nous allons demander à  mon second qui s'est occupé des voyageurs.
Il appela son officier .Ils échangèrent des propos, puis le capitaine revint vers Aurélie :
-Mon second va vous expliquer .
Le jeune officier , un paquet à la main salua Aurélie :
-Bonjour Madame ! Vous êtes Aurélie Le jeune ?
-Oui !
-J'ai un paquet à vous remettre de la part de Jocelyn Tourel.
Aurélie incrédule ,interrogea :
-Il n'est pas sur le bateau ?
-Non Madame il a choisi de rester en Nouvelle Calédonie. Il vous a tout expliqué dans cette lettre qu'il m'a donnée pour vous .
Le marin remit à Aurélie le paquet et une lettre qui était attachée dessus.

Aurélie nerveusement ouvrit la missive : « Aurélie bonjour, ne m'en voulez pas.

« Merci pour tout ce que vous avez fait pour moi, pour votre aide. Je ne rentrerai pas en France. lci est ma nouvelle vie. J'étais triste désespéré, si loin de vous. Je compris que je vous demandais un  lourd sacrifice. Un jour, avec deux amis nous décidâmes de nous évader . Notre embarcation sombra et nous fumes repris et punis. En chemin , alors qu'on nous fouettait méchamment ,un chef kanak vient à notre secours et nous évita le pire. Sa fille Alia l'accompagnait. Depuis, je repris espoir dans les yeux et le coeur de cette jeune fille.. Nous nous sommes mariés il y a un an et nous avons un petit garçon que j'ai appelé Aurèle en souvenir de vous.

Lorsque vous m'avez envoyé vos dernières lettres me proposant une vie à deux, il était trop tard pour nous.
Je n'ai pu me résoudre à détruire ou à garder vos lettres : je vous les renvois.
Aurélie encore merci pour tout . Vous fûtes mon premier amour et vous resterez à jamais dans mon coeur . Soyez heureuse .Vous le méritez.

Jocelyn. «
Aurélie se sentit très mal !
-Madame vous allez bien ? Lui dit le capitaine. Je vais vous accompagner jusqu'à chez vous. Où demeurez vous ?
-A l’hôtel du port ! 
-Je vais vous y conduire .
-Non ! Ce n'était qu'un éblouissement, un trouble ! Ça va aller. Merci Monsieur !

 Aurélie repartit le lendemain pour le Limousin. Elle continua à écrire et reçut le grand prix du roman pour : « Les larmes du Pacifique » . Elle y évoquait la romance d'une provinciale mariée et mère de famille avec un jeune artiste parisien ..

Les enfants, le temps, les livres, les mondanités meublèrent sa vie .
Jocelyn ne revint jamais en France. Il eut trois autre enfants. Il poursuivit son oeuvre et devint « le grand plus peintre des Iles » , réalisant sur « ce morceau de paradis » , dans cette île du bout du monde, outre son rêve d'artiste , celui d'homme libre en créant une communauté fraternelle d 'hommes  regroupant kanaks,  européens et  calédoniens .