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Le maquis 

Octobre 1945

Tonin se rendit à « Casa Chilica ».Sa mère le cacha des mois.

Manuel ,le frère de Gracia (la compagne de son frère disparu  :Innocencio), l'oncle de José Maria l'instituteur assassiné, le alla le retrouver . Ensemble ils passèrent l'hiver .

Quand le printemps pointa son nez, en avril 1946, Tonin et manuel  se rendirent dans la montagne pour y retrouver un groupe de républicains préparant une action offensive dans le but de déstabiliser Franco et faire parler d'eux à l'étranger et en Espagne.

-Es-tu prêt Antonio (Tonin) à reprendre le combat avec nous ?

-Cela dépend ?

-De quoi ?

-De l'attitude du monde et des espagnols !

-L'Europe est libérée. C'est à nous de jouer ! Si nous créons des troubles en Espagne ,Franco sera menacé.Tout seul ,sans ses alliés Hitler et Mussolini il ne pourra pas cette fois résister à l'élan de libération nationale. C'est pour cela que nous devons préparer sa capitulation et organiser  la guérilla en Espagne , partout et ici dans les Pyrénées !

-Comme en novembre 44, au Val d'Aran ? Questionna Tonin crédule

-Ce fut une initiative précoce , qui fut mal orchestrée !

-Une initiative d'envergure cependant ! Insistait Tonin. Plus de 10 000 hommes y ont participé et pourtant, elle a échoué !

-La faute aux alliés qui ne sont pas intervenus !

-La faute aussi aux Espagnols qui ne se sont pas soulevés ! Répliqua Tonin. Croyez vous que cette fois les Espagnols vont nous suivre ?

L'homme hésita mais affirma :

-Oui il y aura de grand mouvements des grèves dans les mois prochains dans toute l'Espagne.Je le sais car les syndicats clandestins s'organisent déjà. A nous à nous organiser .

En effet ,en 46 dans toute l'Espagne des mouvements se se développèrent. Franco était  seul : aucun état ne voulait  lui livrer du blé.

C'était  l'heure des règlements de compte, des grands procès  en Europe ce qui donna un immense espoir aux guérilleros amis de Tonin . Ces derniers  préparèrent durant l'été une offensive contre l'armée et la guardia civile dans les Pyrénées.

 

Octobre 46

Un groupe d'hommes composé d'anciens de la guerre d'Espagne et de nouvelles recrues :  des jeunes gens sans expérience mais enthousiastes , s'était retrouvé dans une auberge de Oza dans les Pyrénées, cet automne 46. Tonin les y rejoignit  avec Manuel.

-L'étranger fera quelque chose pour nous ? Questionne Tonin

-Je pense bien que oui ! Affirme Paco un dirigeant antifasciste : les Américains et les français.On les a aidés dans la Résistance en France et lors de la libération de  Paris. C'est à eux à présent à nous aider à libérer l'Espagne du franquisme !

-Ce ne sont que des mots, des suppositions ! Dit sévèrement Tonin. Que dit précisément  Churchill ?

-Rien pour l'instant mais tout va très vite ! Il faut organiser le maquis ! Débutons le combat et ils nous suivrons ! Es-tu oui ou non avec nous ?demanda Paco  qui commençait s'impatienter. 

-Je ne sais pas, j'ai un pressentiment mauvais ! Dit Tonin

-Un pressentiment ?Moi j'ai le pressentiment que tu es devenu un lâche ! railla une tête brulée qu'on nommait Rosario  ! 

Tonin s’énerva :

-  Quand tu pleurais encore dans les jupes de ta mère, j'ai combattu trois ans sur tous les fronts avec Tito et les autres : j''avais vingt ans ! J'ai passé six ans dans les geôles franquistes à me demander chaque soir si je reverrai l'aube ! Alors je t'interdis de me traiter de lâche !

Et il fonça sur Rosario . Manuel et les compagnons l’arrêtèrent.

-Assez Rosario ! Excuse -toi et tout de suite ! Ordonna Manuel. Tonin est un grand soldat de la république, capitaine, il a combattu jusqu'au bout les fascistes ! Tu lui dois respect et admiration .Il est le meilleur cadre vivant que l'on puisse encore trouver pour monter une action militaire dans la région qu'il connait par choeur. Nous avons besoin de lui !

Rosario balbutia quelques paroles d'excuses auxquelles Tonin ne fut pas sensibles. Mais Manuel poursuivait:

-Tonin tous les jeunes qui sont là aujourd'hui forment le bataillon Pirénéos,et comptent sur toi ! Ne les déçois pas !

Tonin ne savait pas vraiment que faire.L'envie ne lui manquait pas de libérer l'Espagne et de prendre en main l'organisation du maquis. Malgré une angoisse profonde , il se décida :

-Il faut isoler notre Province les Pyrénées du reste de l'Espagne. Installons dans les montagnes la résistance.Coupés de Madrid nous serons protégés.Le seul pont qui relie Hecho à Jaca, aux grandes routes est le « Pont de la Reine : il faut le faire sauter, je m'en charge !

Puis il faudra soulever les villages, les villes tenir les édifices publics. 

-Radio Andorre nous couvrira j'y ai des amis en exil ! Ajouta Paco.

Les hommes chantaient riaient parlant de l'Espagne de manana demain.

Tonin quitta la Casa Chilica emportant avec lui son armement, ses effets personnels, ses vêtements de la nourriture . Manuel l'accompagna .Ils s'installèrent dans un refuge des montagnes perdu et inaccessible.

Tonin et son bataillon organisèrent au cours des semaines d'octobre, le soulèvement dans les Pyrénées qui devait s'étendre à tout le pays.Tous comptaient sur l'aide des alliés.

 

Novembre 46

Tonin fit sauter dans les premiers jours de novembre, le pont de « Puente la Reina «  le passage stratégique. Il continua ses actions dans les Pyrénées en attaquant les postes clés que surveillaient la guardia civile.

Les actions de sabotage furent nombreuses et occasionnèrent des troubles mais ils furent très sporadiques.Le groupe "Pirénéos" formé de jeunes gens sans expérience était novice en combat et armement.Tonin prit le groupe pour attaquer la caserne d'Orlo.

C'était le début d'un bel après-midi.

Au signal Tonin  jeta les grenades.Il s'en suivit des explosions dans tous les sens.La guardia civile apparut.

-Tirez ! Tirez ! criait Tonin

Mais personne ne tira. Tonin se retourna.Les jeunes garçons pétrifiés s'enfuyaient laissant tout sur place : armement munitions , mitraillette et disparurent dans la montagne .Les guardias civils ,une vingtaine, tiraient en direction de Tonin. Seul contre tous ,Tonin se demandait combien de temps il pourrait résister. Il réussit à attraper la mitraillette abandonnée et tira, tira.Il put ainsi protéger sa fuite sous le chasser- croisé des balles et put atteindre le refuge où Manuel devait le rejoindre. 

Manuel arriva dans la nuit :

-Espèce de fous ! Hurla Tonin. Des hommes ça ! Ah le bataillon Pirénéios ! La honte ! Des gosses dégonflés qui se sont tirés comme des lapins et le premier à déguerpir qui était- il?Je te le donne en mille ? Cet imbécile de Rosario !J'ai failli y laisser ma peau ! Tu savais toi qu'ils étaient incapables de se battre ! Et où est Paco, leur mentor ?

-Je ne sais pas ! Avoua Manuel très abattu.Ils sont plein de bonne volonté je te l'assure ! Mais ils sont si jeunes !

-J'étais encore plus jeune qu'eux quand je fus nommé lieutenant du général Ortiz ! 

-  Ils voulaient faire quelque chose pour l'Espagne !

-Eh bien ils l'on fait ! Trancha sèchement Tonin. A t-on des nouvelles de l'étranger ? As tu écouter Radio Andorre ? 

Manuel baissa la tête et se tut. Tonin insista.L'homme le regarda ,des larmes inondaient son visage : 

-De mauvaises nouvelles Tonin : Churchill a dit qu'il se lavait les mains du problème espagnol.Les autres nations l'ont suivi !

-Quoi? Ils nous laissent tous tomber ? 

-Oui ! 

-Et en Espagne comment progresse le soulèvement ?

-Très mal !Oh il y a bien ici et là des mouvements mais ils sont vite localisés et écrasés.Les gens hésitent et ne se soulèvent plus comme en 1936.Franco a fait du pays un état policé, assujetti à sa botte.Toute opposition et rébellion est tuée dans l'oeuf .Nous sommes seuls Tonin à vouloir la liberté pour notre pays .

Tonin ne réagit pas immédiatement , puis tout s'écroulait  : ses espoirs, ses illusions,ses espérances en cette Espagne libérée du dictateur.Sa vie à présent était en danger car on allait tôt faire de connaître le nom du commandant de la résistance de Hecho et des pyrénées aragonaises.Dans quelques heures la police serait chez sa mère.Il devait fuir son pays pour toujours.

Accablé de chagrin et de haine il resta là des heures dans la nuit froide. Tonin pensait à son village, à sa « casa Chilica », à sa famille, sa mère, ses amis, son enfance, ses montagnes à Ester, à son passé.Il lui fallait tout recommencer demain.Repartir de rien et renoncer à tout .. Rebâtir dans un pays étranger dont il ne connaissait pas la langue.

Manuel prit sa guitare. La nuit était dense .Il se mit à chanter.

-Chante la jota « Quisiera » lui demanda Tonin

Cette chanson qu'interprétait si bien son frère ainé Lorenzo, cette jota lui rappelait ses amis Angel, Elisa,Antonio, Echo .

C'était la nuit autour de lui et dans son cœur.

-Quand pars -tu Manuel ?

-Je ne sais pas ?

-Viens -tu avec moi, en France ?

-Non je ne pense pas .

-Que vas tu faire ?

-Rester encore ici quelques jours !

-Le temps presse ! Insista Tonin

-Et toi tu pars quand ?questionna Manuel

-Manana, demain !

 

Lorsque l'aube se leva les deux hommes se séparèrent. Tonin se dirigea vers la frontière qu'il connaissait si bien. Après quelques minutes de marche il entendit une déflagration.Il fit demi-tour : Manuel était peut être en danger .Il courut à perdre haleine. Il aperçut le corps de son compagnon , allongé.Il tenait son revolver sans sa main.Il venait de se tuer.Il respirait encore.

-Pourquoi as -tu fait cela ? 

-Je ne voulais pas de cette autre vie sans l'Espagne.Je préfère mourir que de vivre sans elle. J'ai tout perdu dans cette guerre : ma sœur mes neveux mes amis...Je suis trop vieux pour recommencer ailleurs. Va ! Hijo ! Manana est pour toi un autre espoir.Tu es jeune la vie t'attend. Madre divina ne nous oublie jamais !

-Comment vous oublier ! Pleurait Tonin. Mais je reviendrai ici je le jure ! Je ne sais quand mais je reviendrai.Je te le promets.Je promets de tout faire pour parler de cette guerre et la tirer du fond de l'oubli. 

Tonin veilla Manuel jusqu'à sa mort.Puis il le porta sur une crête.

Il prit son revolver.

«  A quoi bon vivre sans les siens ?Manuel avait raison »

Il approcha l'arme de son cœur.Le chagrin et le désespoir l'avaient envahi. Perdu dans sa tourmente , il lui sembla entendre les paroles de Xavier et de Joaquim :

- »Nous ne te quitterons jamais ! Nous vivons en toi ! Tu dois vivre pour nous , pour l'Espagne républicaine, pour l'Histoire.Il faut que tu témoignes de notre lutte,et de notre espérance. »

 

Tonin leva la tête.Déjà le soleil de midi irradiait la montagne.Du haut de ce sommet il dominait la vallée.Il jeta un dernier regard en direction de l'Espagne et se mit à descendre : là-haut c'était le soleil, le bleu limpide, en bas c'était le brouillard.Peu à peu le jeune homme s'enfonça dans cette brume épaisse sans se retourner.

Quel serait l'aboutissement de ce chemin sans lumière?Quels tourments nouveaux lui réservait la providence ?

De quoi serait fait manana, demain ?

 

 

 

Tag(s) : #chapitre V : le maquis et fin du roman, #roman mañana demain
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