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Les mémoires de La Galoche

Difficile ne pas vous parler de la Galoche, appelé aussi « le tacot : » ce petit train qui sillonnait notre Pilat au début du siècle.Nous l' avons évoqué dans nos écrits  :

-Le naufragé de la Galoche ( nouvelle )

-Hiver 17 : une histoire de poilus (nouvelle)

-la Galoche du père Noel: un conte de Noël pour les enfants

-Le Noel du petit tacot : conte pour grands et petits

« Mémoire d'un petit train de montagne   »

« Ah si la Galoche m'était contée ! « 

1)ma naissance 

Je suis né à la fin du XIXème siècle dans le département de la Loire. La région riche en industries charbon , textile métallurgie verrerie nécessitait un moyen de transports efficace .

En avril 1893 ,le conseil général de la Loire décida de créer ma ligne Saint-Héand- Pélussin en passant par St Etienne pour permettre aux jeunes de s’engager dans les usines de la vallée du Gier.

J'étais un engin à vapeur et on me donna plusieurs noms : petit train ou tramway ou encore le départemental. Ma vitesse lente va contribuer à mon appellation de » tacot » ou « galoche ».

A cette époque la population du Mont Pilat ayant augmenté, tous les bras ne pouvaient être employés sur place.Il s'agissait de permettre les échanges entre les deux versants du Pilat, d'acheminer le vin, le bois, le moulinage, le charbon...  Dans la vallée du Dorlay, je devais desservir près de trente industries et fabricants de chaines, lacets, soie, passementeries, crayons, paille de fer, bois, filatures... ».

Je devais également transporter des voyageurs :  les ouvriers de Sorbiers et La Talaudière aux Aciéries de la Marine de Saint-Chamond , les ouvrières employées dans  les fabriques de Saint-Chamond,  de la vallée du Dorlay et du Pélussinois..

Je n'avais que trois wagons de voyageurs et trois wagons de marchandises .

2) mon tracé 

-ma ligne :

Je partais deSaint Héand. Je m’arrêtais à Saint-Etienne, au Soleil, au Cros Pont Boyard, à La Sablière- à la Talaudière-, à Sorbiers,-Saint-Chamond octroi (rue Wilson )- Saint- Chamond ville (haut de la rue Gambetta) à la Grand Croix,à la Merlanchonnière (la Bachasse) à-Saint Paul en Jarez, au -Moulin Peyre à La Terrasse sur Dorlay, à la Croix de Mazet, à Pavesin-Chuyer,à Pelussin,à Bessey,à Rosey, à Maclas : soit au total : 20 arrêts sur 53 km.Ma vitesse était en moyenne de 18 km par heure.

En théorie il me fallait trois heures pour que je relie Saint- Etienne à Pélussin mais monter avec moi était une aventure : on connaissait mon heure de départ mais pour celle de mon arrivée... ?  Je savais que l'exactitude était obligatoire pour les ouvriers que je transportais. 

Il y avait 33 personnes qui travaillaient sur ma ligne. En 1913,je faisais 4 allers- retours par jour.

Le trajet de la Galoche dans la vallée du Langonand était connu : partant de Sorbiers, après deux longues courbes pour effacer la pente, je suivais le champ de tir puis je coupais la route avant de longer un moment la rivière rive droite. J'enjambais le Langonand pour passer sur la rive gauche peu après le champ de tir. Après une dernière courbe, la voie se confondait avec la route jusqu’au Champ du Geai.

Ce qui est moins connu, c’est qu’entre la gare de Sorbiers et la station de Saint-Chamond octroi, au carrefour des actuelles rue Wilson et route de Saint-Etienne, ma ligne disposait de deux arrêts facultatifs dans la vallée du Langonand : l’un à la Guinguette et l’autre aux « Aqueducs romains ». La Guinguette était un lieu-dit situé sur la commune de Sorbiers, situé sur la droite de la route en arrivant sur la commune. Si aujourd’hui s’y trouve un  lotissement, il n’y avait au début du XXème siècle qu’un corps de bâtiments abritant un café au nom évocateur : « A la guinguette ». Ce bâtiment est visible encore aujourd’hui, y compris l’enseigne qui laisse deviner son nom. En 1917, ma ligne sera prolongée jusqu’à Maclas grâce au travail de prisonniers allemands qui travailleront sur les deux aqueducs.

Un nombre important d'ouvrières prenaient le train de cinq heures cinquante le lundi matin pour aller travailler à la Terrasse , et ne rentraient chez elles que le samedi soir. Or en 1910 mon dernier service du soir était avancé de dix-neuf heures dix à dix-sept heures dix, alors que les usines fermaient à dix-huit heures trente : les ouvrières étaient souvent obligées de rejoindre leur domicile à pied. Soutenues par un groupe d’industriel et le Conseil municipal de Saint-Chamond, elles adressèrent une pétition au Préfet de la Loire lui demandant le rétablissement d’un train supplémentaire. Peine perdue, la réponse fut négative.

Le temps de mon trajet était relativement court : je mettais vingt minutes pour parcourir les six kilomètres qui séparaient la station de Saint-Chamond octroi de la gare de Sorbiers, ce qui représentait une vitesse moyenne de dix-huit kilomètre-heure . Quand il n’y avait pas d’accidents. ceux-ci étaient fréquents . 

-mes gares 

Saint- Chamond octroi (croisement rue Wilson et route de Lyon )

Saint-Chamond ville (fin de la rue Gambetta ,carrefour Lamartine)

La Grand Croix

A Pélussin, il y avait une gare et un abri. Jusqu’en 1917, c’était le lieu de retournement du train.Le choix de l'implantation de la gare dans cette commune a été un véritable casse tête car les villageois voulaient que la gare soit à proximité de leur résidence. Pour calmer les tensions ,on construisit la gare à égale distance des deux extrémités du village.

Mon inauguration

L'inauguration de la ligne de chemin de fer à Pélussin s'est faite le dimanche 6 aout 1905 avec la présence du préfet de la Loire qui s'est déplacé de Saint- Etienne mais n'a pas daigné monter dans mon train , et a fait le trajet ...en calèche !!

Une foule présente et nombreuse avait investi mes wagons à chaque arrêt ! Comme j'étais fier !

Je fus aussi un transporteur de marchandises et cela depuis aout 1905.

-mes viaducs :

En 1913 pour assurer la poursuite de la ligne de chemin de fer entre Saint Héand et Pélussin et rejoindre la  commune de Maclas on construisit pour moi deux viaducs Le premier ouvrage comprit une vingtaine d'arches de plus de 50 mètres d'ouverture.Le deuxième viaduc de Chavarine possède deux arches.

Leurs sites étaient le long de la route entre La Bachasse et Pélussin. Les traces de leur passage sont devenues bien rares. En effet, l’abri de la Croix du Mazet a été détruit, et  le long de la route, on ne voit plus mes rails.

L' ouvrage à grande arche d’une hauteur de 55 m et d’une longueur totale de 168 m, surplombait la vallée du Régrillon et a commencé en 1916 .L'ouverture  a eu lieu en 1917. 

Le 11 juillet 1916, le viaduc fut terminé mais la voie de chemin de fer ne put être posée. Il manquait  des éclisses et des tire-fonds qu’il était  impossible de se procurer à ce moment-là ,  à cause  de la réquisition des matériaux d'industries et de métallurgie réservés exclusivement à  l'armement de guerre. Ce sont donc des éclisses et des tire-fonds d’occasion qui seront utilisés et remplacés l’année suivante. 

Mes accidents

-En 1909 je rentrais en collision avec un tramway qui assurait la liaison Saint Etienne -Rive de Gier à l'Horme : il  y eut un mort et vingt blessés !

1er juin 1912 : j'eus un accident qui impliqua deux wagons de voyageurs et deux wagons de charbon.Dans la descente de Pélussin  mon frein ne fonctionna plus et je m'emballais.Je passais devant la gare de Pélussin sans m’arrêter et pour finir ,je terminais ma course dans un champ. Fort heureusement il n'y eut que des blessés légers car pendant la descente ,des voyageurs avaient pu sauter . Certains eurent des contusions mais seule une personne fut conduite à l’hôpital.

Le 13 juin 1912 : un nouvel accident se répète. Après l’arrêt à la gare de Chuyer, le mécanicien aperçoit en face de lui un train sur lequel se trouvent des pierres et qui se dirigent vers moi.

Le choc est inévitable : mes trois mécaniciens sont blessés mais aucun de mes passagers ne l'est. 

La loi des séries : fin juin 1912encore un accident mais sans gravité  : un des mes wagons de marchandises s'est décroché dans la descente et a versé sur la pente .

Le 9 mars 1917, Chargé à raz bord avec cinq wagons remplis de houille et un wagon de foin, je m’emballe dans la descente après Sorbiers et je finis par dérailler, entrainant la mort de mon mécanicien. 

Les voyageurs ne furent pas choqués par ces événements dramatiques bien indépendants de ma volonté et continuèrent à m'apporter leur confiance et leur amitié en me plébiscitant pendant de nombreuses années.

Ma légende

Sur tout mon circuit, bon nombre de mes voyageurs ,de mes usagers ont témoigné de scènes épiques et de périples cocasses à mon bord ! Mes machines infernales s'élançant vers les crêts du Pilat et laissant derrière elles, une fumée noire qui salissait les visages de mes voyageurs ! 

L'hiver lorsque la neige obstruait la voie de chemin de fer surtout dans le Pilat, les voyageurs de la Galoche  étaient invités à descendre et à donner un coup de main aux cheminots pour déblayer la voie.

L'hiver 17 fut particulièrement rude : il commença dans des conditions difficiles, puisque le froid et la neige bloquèrent la circulation sur la ligne pendant une grande partie des mois de janvier et de février. La Compagnie se vit contrainte d’avoir recours à une main d’œuvre importante pour dégager mes voies : internés civils, prisonniers polonais et ouvriers chinois au chômage travaillèrent d’arrache pied pour y parvenir. Ainsi le 31 janvier, près de cinquante hommes étaient à pied d’œuvre dans la vallée du Langonand et dans le Pilat !

Des loups étaient revenus dans la région et s'étaient approchés de ma locomotive. Bien-sur on dit que c'était des histoires mais je témoignei de leur présence cet hiver 17 en décembre précisément à quelques jours de Noel .Je ne pouvais plus avancer pris dans la neige et bloqué à cause d'une arbre sur la voie .Il y avait peu de monde dans le train. Les hommes descendirent avec les pèles pour libérer la voie,Au bout de cinq minutes on vit s'approcher des « bêtes » aux yeux terribles.Heureusement parmi mes clients , il y avait deux chasseurs qui utilisèrent leur fusils pour les éloigner .

Mes voyageurs ne furent jamais choqués par ces événements et continuèrent à me plébisciter et à me préférer parmi les moyens de transport et cela pendant de nombreuses années.

Mon dernier jour sera le 15 juillet 1931.J'avais vécu 26 ans.

Le développement du rail , avait permit de désenclaver le Pilat et d'éviter l'exode rural. Pélussin et ses villages étaient prospères, et la population nombreuse durant la première moitié du Xxème siècle.Les commerces étaient florissants. C'était bien grâce à moi, à mon service que ces petites villes du Pilat avaient pu survivre .Mais aujourd'hui, qui parle de moi ? Qui se souvient de moi ?

A quand ma réhabilitation comme petit train touristique ? Comme attraction locale ? ou tout simplement comme moyen de transport ?
 

La Galoche aussi appelée : le Tacot du Pilat

Tag(s) : #histoire de la Galoche, #légende de chez nous
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