Nouvelle : 3 rue des Lilas
I ère partie : le temps de la peur

En hommage à tous les juifs tombés au cours de la seconde guerre mondiale
En hommage aux jeunes filles juives et aux jeunes hommes juifs aux familles qui se sont battues et qui ont échappé aux rafles et au terrorisme de Vichy et des nazis
A : Roslinde ,Jacob,Ester, Sarah Clara, Sacha Masha et les autres
Paris 19ème arrondissement début juillet 1940
chapitre I
Le temps de la peur
Les troupes allemandes avaient défilé dans Paris cela faisait à peine un mois et demi . Dans le quartier du Marais non loin du 19 ème arrondissement , après la débâcle de l'armée française certains habitants accompagnés de leurs enfants et de leur femmes, avaient préféré quitter la capitale et même la France.Leur clairvoyance devait leur sauver la vie. Ce fut le cas des artisans et commerçants juifs : Salomon et Samuel , du costumier Joaquim Meiller de la couturière Myriam et de sa soeur Rebecca.Ils avaient émigré en Amérique où ils y avaient de la famille. La jeune Roslinde fille de Joaquim le couturier , n'avait pas voulu suivre ses parents .Etudiante brillante à la Sorbonne, elle se voulait se consacrer à la philosophie et à l'enseignement. Malgré les suppliques de sa mère de son père et ses soeurs, elle décida de rester à Paris : son frère Jacob serait auprès d'elle . Jacob journaliste désirait suivre de près les événements de son Pays.Blessé à l'épaule au début de 1939, à cause d'un tir accidentel d'un de ses camarades, il avait échappé aux affrontements et à la débâcle. Réformé , il était retourné à Paris
.Les parents de Roslinde avaient une boutique dans le marais . Ils l'avaient vendue ainsi que l'appartement au dessus pour pouvoir payer leur voyage en Amérique. Ce qu'avaient également fait leurs amis : Salomon et Samuel.Le quartier s'était vidé d'une partie de sa population juive.
Roslinde et son frère avaient loué rue des Lilas , un deux pièces . Jacob se faisait appeler Jack , car il détestait son prénom de baptème. A l'école il avait réussi à l'imposer . Jeune étudiant Jack avait remplacé le nom de famille de son père Meiller par le nom de famille de sa mère : Rolan. Lorsqu'il se fit embaucher au journal il signa ses articles :"Jack Rolan" .Sur sa boite aux lettres et sur la porte de leur nouvel appartement il avait écrit :"Jack et Rose Rolan".
-C'est par précaution ! avait -il dit à sa soeur qui n'en restait pas moins sceptique
-C'est parce que tu n'aimes pas ton nom juif ! lui lança t'elle .Tu as toujours refusé nos origines ! mais nous n'y pouvons rien, elles nous collent à la peau !
-tu n 'es pas obligée de montrer ta peau ! Le soleil peut te bruler ! le sais- tu ?
Roslinde (Rose dirons nous à présent ), le fixa.Elle savait son frère très pertinent et observateur. Les allemands étaient entrés dans Paris.Les loups étaient bien là , à deux pas. En Allemagne ,les juifs avaient vécu un calvaire et ceux qui avaient pu fuir, l'avaient fait .C'est pour cela que ses parents avaient pris les devants .
-Soit ! Jack à partir d'aujourd'hui je suis Rose et française de souche mais as- tu les papiers qui correspondent ?
-Sur que oui petite soeur ! et des vrais faux papiers !
Et il montra à Rose deux cartes d'identité française plus vraies que vraies .
-Un ami à qui j'ai rendu un grand service me les a obtenus .Ne m'en demande pas plus !
Le quartier qui les avait vu naitre et grandir n'était pas très loin mais ils ne devaient plus y retourner. Leur parents avaient dit aux gens de dire au cas où on les chercherait, qu'ils étaient tous partis en Amérique.
Jack écrivait des articles sur les événements artistiques de la capitale.Il était critique d'art et d'assistait aux levés de rideaux, aux projections cinématographiques, aux expos et pièces de théâtre. Rose l'accompagnait parfois.
Une année s'écoula.
Rose avait fini ses études à la Sorbonne . Ses diplômes portaient le nom de Rose Rolan. Elle trouva facilement un établissement parisien pour y enseigner en toute quiétude.
Mademoiselle Rose Rolan fut un bon professeur très bien notée par ses supérieurs et très aimée de ses élèves.
Dans cet internat de filles , Rose s'épanouissait comme une fleur.Eveiller les consciences, les faire réfléchir par elles mêmes, était une mission exaltante .
Un soir de juillet Roslinde devait organiser avec ses collègues une soirée pour fêter la fin l'année scolaire. Comme ,il était tard, à cause du couvre feu, la directrice lui proposa de dormir .Le lendemain elle se rendit au 3 rue des lilas.Un bras ferme la repoussa en arrière.
- Mademoiselle ,cette nuit la gestapo est venue arrêter votre frère. Vous ne pouvez retourner chez vous !Ils y sont encore !
C'était un homme fort qui venait de lui sauver la vie.
-qui êtes vous ?
-un ami de votre frère ! C'est très dangereux de rester à Paris. Fuyez !
Et il disparut
Ou devait elle aller ? Retourner au pensionnat ? Et si la gestapo avait déjà faisait le rapprochement avec elle et était déjà la-bas pour l'arrêter ?
Rose suivit son intuition .Elle se rendit quand même à son école. La directrice fut surprise de la voir .Rose lui raconta que son frère venait de se faire arrêter et qu'elle craignait pour sa vie à présent. Elle ne lui confia pas pour autant , qu'ils étaient juifs. Madame Garnier, c'était son nom, la rassura :
-Vous avez bien fait Rose de venir tout de suite.Mais vous ne pouvez rester ici vous comprenez.Je vais vous faire passer en zone libre cette nuit.
Avant le couvre feu la voiture de la directrice quitta Paris avec à son bord, sa "nièce Mathilde Leroy alias Rose".
Au contrôle ,il n'y eut aucun problème : le passeport de Mathilde était en règle. Madame Garnier avait savamment récupéré la photo de Rose du faux passeport pour la coller sur le vrai passeport de sa nièce, Mathilde.
Arrivée à Lyon Rose, devenue Mathilde, fut hébergée dans la famille de Madame Garnier. A la rentrée scolaire , on lui trouva un emploi de professeure dans un établissement de jeune filles à la Croix Rousse .
Dans cette grande ville Mathilde s'habitua peu peu à sa nouvelle vie.Elle voulut avoir de nouvelles de son frère.Elle apprit qu'il avait été torturé et fusillé avec huit otages après l'assassinat d'un commandant SS. Son frère était mort en héros.Elle ignorait tout de son engagement. Il ne lui avait rien confié ni ses actes de sabotage ni de son rôle dans la résistance toute timide ,qui venait à peine de naitre.Elle savait que c'était pour la protéger.. Elle le pleura longtemps, et dans cette ville qui était déjà la capitale de la résistance, Rose Mathilde promit, pour la mémoire de son frère ,de s'engager dans la lutte pour la liberté .
II ) Le temps d'agir
Lyon janvier 1942

Rose devenue Mathilde , trouva en ce début d'année une petit appartement à la Croix Rousse quelques semaines après son entrée dans l'établissement de jeunes filles. Elle avait été hébergée par la famille de madame Garnier pendant des mois mais désirait avoir son indépendance. Avec ce poste de professeure de français, elle pouvait vivre aisément. Rose désirait mettre des distances avec la famille qui l'avait accueilli car Julien, le fils cadet, était tombé amoureux d'elle. Mais Rose n'éprouvait pas de sentiments pour lui : tout juste une profonde amitié .Pour ne pas le froisser, elle avait donc préféré se rapprocher de son lieu de travail. Julien en fut attristé mais Lyon n'était pas si grand et il se consola en se disant qu'il pourrait aller la voir après ses cours .
Madame Garnier connaissait personnellement la directrice de l'établissement où travaillait à présent "Rose Mathilde" . C'était une amie de longue date .Elle lui avait expliqué la situation : Rose devenait Mathilde , la nièce qu'elle avait perdue pendant la débâcle et dont elle avait gardé les papiers.Dans la panique générale, cette pauvre fille avait été enterrée de toute urgence et la famille n'avait pas signalé aux autorités son décès.
Les mois passèrent.
C'était février 1942.Un hiver très froid. Au lycée dans les classes les élèves s'emmitouflaient sous des montagnes de couvertures car dans les classes il y gelait. Le chauffage était en panne, et ceux qui devaient le réparer se faisaient tirer l'oreille.Aussi personne ne traînait dehors .
La directrice avait convoqué Rose. Elle se demandait pourquoi ? Elle se faisait du soucis : un parent d'élève se serait- il plaint d'elle ? Avait- elle mal noté une copie ?
Elle était en pleine appréhension lorsqu'elle poussa la porte du bureau de direction. Là se trouvait la directrice madame Jeanny, le concierge Jorge et son épouse la cuisinière Inès.
-Fermez vite la porte, si'l vous plait, Mathilde et approchez !
Je vous ai fait venir tous les trois car j'ai confiance en vous .
Elle avait dit ces mots en toisant Rose Mathilde.
-Demain à six heures , cinq petites juives vont venir . Il s'agit d' Esther et Sarah âgées respectivement de seize et quinze ans : ce sont des soeurs ; Clara, qui a également seize ans et enfin Macha et Sacha deux soeurs aussi : Macha à sept ans et Sacha 11 ans. Pour leur identité j'ai eu des papiers . Nul ne doit connaitre leur présence dans l'établissement et leur vraie identité.
-Ces cinq fillettes ont pu échapper aux dernières rafles. Elles ont été cachées pendant six mois , mais Paris devient trop dangereux . Deux d'entre elles logeront dans votre 'appartement de fonction Jorge et Inés à la conciergerie ,.Il s'agit des deux plus grandes : Sarah et Esther rebaptisées pour la circonstance Françoise et Catherine. Comme vous avez des filles d'à peu près le même âge, ce sera plus facile pour échanger leurs papiers au cas où, on devrait les ex-filtrer de toute urgence. Pour nos étudiantes, elles sont vos nièces de Bordeaux.Etes vous d'accord ?
-Oui ! madame dit Jorge Vous pouvez comptez sur nous !
-Merci !
-Quant aux trois autres, elles logeront avec moi dans l'autre partie du bâtiment mais leur présence ne doit jamais être remarquée.
-Ne craignez vous pas que les pensionnaires parlent à leur parents de l'arrivée de ces nouvelles ? questionna Rose
-Si fait ! j'y ai songé Seulement vos nièces étudieront ici Inés et Jorge et seront "visibles" . Clara que nous appelons Joséphine ira dans un établissement public le lycée Georges Sand et ne devra jamais se montrer dans l'établissement.
Clara Joséphine; prendra le tramway tous les jours pour se rendre à son établissement et rentrera par la petite porte de derrière fermée de l'impasse , et évitera ainsi tous les curieux Quant aux deux plus petites, c'est vous Mathilde ,qui vous en occuperez . Vous irez les inscrire demain à l'école Sainte Marie qui est à peine à trois cent mètres . Elles y resteront toute la journée .Vous vous présenterez comme leur tante , leur tutrice après le décès de leurs parents à la suite d'un bombardement allemand dans le Nord. Vous irez les chercher après les cours . Vous les ramènerez chez vous jusqu'à huit heures .Puis Jorge viendra les chercher discrètement avec ma voiture et les ramènera ici où elles dormiront . Le matin, vous passerez par derrière comme Clara afin de ramener les petites à Sainte Marie .
A part les nièces de Jorge : Catherine et Françoise, leurs enfants aucune autre fille n'est censée vivre et dormir ici !
-Ce ne serait pas plus simple de les cacher et de ne pas les faire sortir ? questionna Mathilde.Tout ce va et vient risque d'attirer l'attention ?
-Les petites ne peuvent pas rester terrées toute la journée ! C'est ce qu'elles ont fait des mois et des mois pour être au final dénoncées ! Nous sommes en zone libre, elles peuvent encore sortir et respirer ! expliqua la directrice
-Vous avez raison ! dit Mathilde mais j'ai si peur ! Et si par malheur la zone libre venait à être occupée ?
-Nous aviserons alors ! dit Jorge. Moi la guerre je connais je l'ai faite en Espagne et je connais les fascistes. Oui non sommes en sursit.Nous le savons.Il faut se préparer au pire !
-Si cela devait arriver, la seule issue serait de passer la frontière en Espagne ! dit la directrice
-Ah non pas l'Espagne ! pas Franco ! s'écria Jorge . La Suisse si vous voulez ou l'Afrique du Nord ! corrigea Jorge.
Le lendemain les cinq jeunes filles arrivèrent : Ester devenue Catherine, Sarah devenue Françoise, Clara devenue Joséphine Macha devenue Angèle, et Sacha devenue Mireille.
Tout se déroula pour le mieux .
Mais la rafle de juillet 1942, fit redoubler de vigilance madame Jeanny et Mathilde : c'en était fini des sorties , de l'école, du lycée pour les jeunes rescapées .A présent il fallait les maintenir cachées d'autant plus que le 11 novembre de la même année, en représailles au débarquement en Afrique du Nord de la France libre, les allemands venaient de supprimer la zone libre et Lyon et sa région furent occupées.
III ) Le temps d'aimer
de Saint Etienne à la Suisse

Le 21 juin 1943, le chef de la résistance Jean Moulin a Lyon fut arrêté et tous les réseaux de résistants en furent désorganisés. Les maquis isolés allaient connaitre des jours difficiles et payer dans les mois à venir, un lourd tribu.
En aout 43 la police politique durcit encore plus son dispositif : elle eut comme objectif de "déterrer tous les juifs, adultes et enfants" cachés dans la capitale des Gaules .
Madame Jeanny fut avertie que la police française aidée de la gestapo à la rentrée des classes , contrôlerait son établissement comme les autres écoles afin de vérifier s'il n'y avait pas de juives cachées .
Il fallait faire vite pour sortir les cinq jeunes filles de Lyon.
Alors on organisa trois voyages : un en car, un en voiture et le dernier en train.
Mathilde partit de bon matin avec les deux plus jeunes fillettes : Angèle ex Mâcha et Mireille ex Sacha . Elles rejoindraient Saint- Etienne en passant par les montagnes russes, évitant le centre de Lyon et les contrôles . Arrivés à Saint Etienne, elles logeraient pour la nuit à l'adresse indiquée sur les papiers: rue des Tilleuls (une adresse d'amis ) .Le lendemain , elles prendraient le car pour Annonay .D'Annonay, un troisième bus les conduirait à Annecy où était le lieu de rendez vous .
Dans le car les fillettes sympathisèrent avec une famille : des juifs. Angèle les avait reconnus : ils habitaient la même rue qu'eux à Paris .Il y avait, les deux garons : David et Karl des jumeaux âgés de 12 ans et la fillette Elena qui était dans la même classe qu'elle.
Mathilde prévint les filles :
-A la descente du car, on ne les connait pas ! C'est compris ! c'est pour notre sécurité et leur sécurité ! Quoi qui se passe, on ne les connait pas !
Insistait Mathilde comme si elle redoutait quelque chose .
A la descente du bus Mathilde dut montrer les papiers à un jeune gendarme..Il lut attentivement les noms, l'adresse et observa les photos .
-Ce sont vos filles ? questionna le jeune policier au regard bienveillant.
-Non Monsieur ! ce sont mes nièces .
-Et vous allez où ?
-Chez leur mère ! C'est la vacances !
Le gendarme lui sourit et sourit aux enfants
- Ah oui ! 12 rue des Tilleuls ! c'est mon quartier ! Alors bonnes vacances !
Et il remit les papiers à Mathilde.
Pendant ce temps la famille juive venait d'être démasquer et mise à l'écart .
Angèle n'arrêtait pas de se retourner
-Cesse de te retourner ainsi ! ordonna Mathilde tu vas nous faire remarquer.
-Mais j'ai oublié mon ours dans le car.
Et elle lâcha la main de Mathilde pour courir vers l'autobus
-Halte là ! lui ordonna le gendarme !
-J'ai oublié mon ours !
-Excusez là ! implora Mathilde qui venait d'arriver toute essoufflée .Je vais la rejoindre, juste quelques instants ! Merci !
A quelques mètres se trouvait la famille juive . Elena se mit à pleurer en voyant Macha , et l'appela :
-Macha ! Macha !
Mathilde plus blême que jamais, avait grimpé dans le bus aux trousses de Mâcha. Elle l'a prit par les poignets :
-Tu ne la connais pas ! tu m'entends ! tu ne la connais pas ! on descend et on file !
La fillette sortit avec son ours .Les SS regardaient à présent du coté de Mathilde et de Macha. La jeune femme tenait fermement la main de sa "nièce" , et passa sans un regard pour les pauvres juifs arrêtés.C'est alors que Macha lui échappa encore, fit demi tour et s'approcha de sa camarade de classe . Elle lui remit son ours sans dire un mot, sous les yeux intrigués des SS.
Un de leur officier s'apprêtait à intervenir quand le jeune gendarme qui avait vérifié les papiers , s'interposa :
-Je connais les parents des gamines .Ils habitent en face de chez ma mère ! La petite, une vraie tête de mule ! Les parents ont à faire avec elle ! C' est une enfant capricieuse qui leur donne du fil à retordre ainsi qu'à sa jeune tante , n'est- ce pas ?
Il venait de toiser Mathilde
-Si fait ! J'en ai assez de tes caprices ! réagit Mathilde .
Et elle gifla "Macha Angèle" qui se mit à sangloter .
-Et maintenant quitte à te démonter la main tu me suis !
Elle empoigna brusquement l'enfant qui pleurait à chaud de larmes.
L'office SS ajouta en français et très fort :
-Ah ces français ! aucune discipline ! aucune rigueur avec leurs enfants ! On sait pourquoi ils ont perdu la guerre ! Ils ne savent pas éduquer leurs rejetons ! moi ma fille, elle m'obéit et elle sait se tenir !
Les autres SS approuvèrent en ricanant .
Mathilde partit très vite sans se retourner tirant Macha . Sacha les avait rejoint et se mit à pleurer en les voyant arriver.
-Mathilde j'ai cru que vous alliez vous faire prendre !
-C'est bien ce qu'il a failli nous arriver si ce gendarme ne s'était pas interposé et n'avait pas menti !
Mathilde s'effondra quelques rues plus loin sur un banc et se mit à pleurer à son tour.
-Tu te rends. compte Macha de ce que tu as fait ? lui dit Sacha !
-Elle était si triste si malheureuse et elle m'a appelée ! expliqua Macha
-Et que pouvais- tu faire pauvre bécasse ? nous faire toutes prendre ?
-Tu m'en veux ! Hein ! et Mathilde m'a giflée ! Je veux retourner à la maison , à Paris, dans notre quartier.Je veux que tout recommence comme avant ! Je ne vous aime plus ! Je veux mon papa ! Je veux ma maman !
Sanglotait amèrement la petite fille !
Mathilde se ressaisit :
-Pardonne moi ma petite Macha ! Angèle ! si je t'ai giflée c'était pour te sauver pour nous sauver.Le geste que tu as fait été aussi insensé qu'héroïque ,aussi fou que courageux .Tu as du courage mais aujourd'hui ce qui compte ce n'est pas d'avoir du courage mais de rester en vie.
Et elle prit Macha et Sarah dans ses bras ,les embrassa affectueusement .Quelques minutes plus tard, ayant repris ses esprits, Mathilde conduisit les enfants jusqu'à l'adresse :
12 rue des tilleuls.
Mathilde sonna et on les fit entrer .
L'après-midi touchait à sa fin.Il faisait doux très doux. Mathilde ouvrit la fenêtre de sa chambre.Elle dominait tout Saint-Etienne . Au fond ,les montagnes du Pilat promettaient aux amoureux de nature , un infini d'espace et de verdure .Le jour semblait ne pas vouloir se coucher, bien que la place et les ruelles soient inondées de clair de lune . C'est alors que Mathilde vit arriver une camionnette qui stoppa juste au dessous de sa fenêtre.
Elle vit, sortir une silhouette : celle du jeune gendarme. Il l'appela doucement
-Mademoiselle descendez, s'il plait !
Elle s'exécuta . Elle marchait comme un automate.Mais que pouvait t -il bien lui vouloir ce jeune policier ?
Arrivée sur le péron, le jeune homme se dirigea vers elle :
Mademoiselle venez voir !
Il lui prit sa main et la conduisit jusqu'au camion .Il souleva la bâche .
Elle manqua défaillir : sous des cageots de fruits , se trouvait la famille juive du car de Lyon, : les cinq .
-Mademoiselle Mathilde je crois , je peux vous appeler Mathilde ?
-oui balbutia ! Rose
-Eh bien j'ai réussi à soustraire vos amis des griffes de la gestapo .Il y a eu un attentat tout l'heure à la commandanture ,les résistants sont tenté de libérer des partisans,Ils ont réussi pour un certain nombre .Cette famille a profité du chaos et des morts allemands pour fuir.Je les ai ai rattrapés mais je ne les ai pas livrés. J'ai fait croire qu'ils nous avaient échappé. Aussi j'ai pensé que la petite Angèle serait contente de revoir sa copine et de retrouver son ours . Ai-je bien fait ?
-Je ne comprends pas ! prononça Mathilde plus blanche qu'un linge.
-Mathilde, vous allez partir cette nuit immédiatement avec cette voiture. .Le chauffeur est un passeur quelqu'un de sûr .Il vous emmènera en Espagne par des routes qu'il connait.
-Non dit ! Mathilde qui se méfiait .Je ne pars pas ! je ne sai spas de quoi vous parlez !
-Vous doutez de moi ?
- Je n'ai pas à fuir ! dit Mathilde avec beaucoup d'aplomb.Je ne sais pas de quoi vous parlez !
-Mademoiselle ! soyez raisonnable ! pourquoi aurai-je fait tout ce cinéma pour vous arrêtez ?
-Pour me tendre un piège !
-Alors vous allez restez ici toutes les vacances ? Vous pensez que j'ai cru à votre histoire ? On recherche de partout des gens qui cachent des enfants juifs. Dernièrement encore dans le Pilat à Saint -Just- en- Doizieux, un prêtre qui cachait des enfants juifs a été dénoncé, comme d'autres qu'on a envoyé en déportation .Vous pouvez me jurez que vous n'avez pas pris de risque avec les deux fillettes ?
Mathilde restait muette .
- Jeff ! il faut y aller à présent !
Venait de dire le chauffeur de la camionnette coiffé d'un béret basque avec un fort accent du sud ouest.
Le père de famille sortit alors du camion et se dirigea vers Mathilde.
-Mademoiselle ayez confiance ! c' est un garçon honnête !
Le chauffeur s'adressa très vertement à Mathilde
-Mademoiselle, Jean Francois dit Jeff a pris beaucoup de risques pour sauver cette famille. Il en prend autant en venant ici ! Vous , vous hésitez et vous nous faites perdre notre temps ! Le temps est d'or en temps de guerre ! J'étais en Espagne pendant la guerre . Vous connaissez la guerre d'Espagne ?
Mathilde soudain se souvint d'une discussion qu'elle avait eu un soir avec Jorge .Il lui avait parlé des brigades internationales et celle dans laquelle il avait combattu avec les français . Si cet homme disait vrai, il saurait répondre à sa question :
-Oui je connais la guerre d'Espagne ! mais dites moi vous qui y êtes allé, pouvez vous me dire quel était le nom de la brigade internationale des français ? Et Terruel, Belchite qu' évoquent pour vous ,ces noms ?
- Louise Michel ,nom de la brigade et il s'agit de deux grandes batailles que les républicains ont emportées.! On a assez perdu du temps !Jeff ! Vous venez ou vous restez ?
-Attendez ! dit Mathilde Excusez moi mais je me dois d'être très prudente .je suis responsable de ces ceux fillettes. Je dois ove dire que nous avons rendez vous à Annecy nous n'irons pas en Espagne mais en Suisse
Le chauffeur fut contrarié et voulait jeter l'éponge . Jef le rassura :
-Je pars avec vous .Je connais les routes pour se rendre A Annonay et Grenoble. Je te suis !
-Dans ces conditions ,j'accepte mais on démarre !
-Encore dix minutes ! demanda Mathilde.Je vais réveiller les petites .
Dans la tiédeur du soir, la camionnette prit la route du col de la République, évitant les contrôles. Jean Francois avait parcouru toutes ces montagnes. Il prit place à coté du chauffeur tandis que Mathilde et les petites s'installaient à l'arrière. S'ils devaient tomber sur un barrage, Jef en habit de gendarme avait les laissez passer, ses papiers : "officiellement il accompagnerait sa fiancée Mathilde et les petites à la noce d'un cousin en Ardèche, le chauffeur étant un ami qui les conduisait , lui ne sachant pas conduire."
Le problème demeurait la famille juive cachée sous les cageots. Avec un gendarme à bord, la patrouille on ne devait pas fouiller la camionnette .
C'est ainsi qu'ils passèrent les deux seuls barrages jusqu'à Annonay.
Dans cette ville d'Ardèche, ils cherchèrent un hôtel tranquille et discret et purent finir la nuit.
Le lendemain la voiture prit la route d'Annecy et arriva en fin d'après midi.Le lieu de rendez -vous était un chalet dans la montagne . Toujours prudent, le chauffeur s'y rendit d'abord seul à pied avec Jef. Puis ils retournèrent chercher les huit fugitifs.
Madame Jeanny était déjà là avec Joséphine ( Clara). Elles n'étaient pas seules : il y avait un couple et ses deux enfants rencontrés dans le train ,des juifs qui fuyaient Lyon .Leurs amis ,des résistants venaient de se faire arrêter, des gens très importants par le chef de la gestapo : un certain Klauss Barby
A la montée du train Joséphine avait fait la rencontre d' un jeune capitaine allemand . Il était au contrôle des laisser passer . Il avait discuté un bon bout de temps avec la jeune fille, car le train avait du retard .Il l'avait invitée à prendre eu verre à un bistro de la gare accompagnée bien sur de son chaperon : Madame Jeanny .Le jeune officier" Franz" était amoureux de Joséphine. La jeune femme n'était pas insensible au charme de ce jeune officier très brillant et plein de dcharisme Ils se séparèrent pour prendre place dans le train.
Joséphine et sa mère ( madame Jeanny) cherchèrent un compartiment vide . Quelques minutes après ,vint un couple et ses deux enfants : une fillette et un jeune garçon .Les trois femmes fraternisèrent. La fillette parlait en yédich à sa poupée. Joséphine lui dit aussitôt :
-Ne parle plus jamais yédich si non tu vas faire arrêter ta famille !
-tu connais le yédich avait dit la fillette !
-Qu 'importe ! avait ajouté Madame Jeanny . Il ne faut pas l'utiliser dans les trains qui sont plein d'allemands.
Puis s'adressant au père :
- Vous avez des papiers ?
-Oui ! Nous avons fait faire des passeports avec des noms français.
A ce moment là , Franz le jeune officier allemand pénétra dans le compartiment.Il venait de faire le tour des compartiments à la recherche de Joséphine .Les juifs contrariés , baissèrent la tête . Joséphine parut gênée.
-Si je vous gêne dites- le -moi et je m'en irai ? je ne veux pas m'imposer . S'excusa Franz.
Dans le couloir du train les SS contrôlaient les papiers . Madame Jeanny s'écria alors :
-Mais pas du tout Franz ! N'est-ce-pas Joséphine ? vous êtes le bienvenu !
Elle sourit à Franz
-Excusez -moi ! j'ai été surprise voilà tout !
Un SS ouvrit la porte brusquement du compartiment
-Papiers ! dit le SS .
Puis se mettant au garde- à -vous devant Franz
-Excusez moi capitaine !.
Franz lui répondait sur un ton ferme : d'allez voir ailleurs , ici tous ces gens sont des amis et la demoiselle est ma fiancée . Qu'on ne nous dérange pas jusqu'à Grenoble .!
Le SS salua l'officier et quitta aussitôt le compartiment.
-Merci ! dit Joséphine
-Et de quoi ? répondit Franz ! Nous n'allions pas nous faire molester ?
Le voyage fut agréable et tendu. Joséphine et madame Jeanny craignaient un écart de la petite fille .Lorsqu'elle s'endormit, enfin, tous furent soulagés.
Arrivés à Grenoble, le jeune officier prit congé et laissa ses coordonnées à Joséphine qui lui remit une fausse adresse à Grenoble .
C'était la tombée de la nuit. Madame Jeanny proposa à la famille Rutenval de les faire passer en Suisse. Elle conduisit la petite troupe chez des amis.Ils y passèrent la nuit et le lendemain les conduisit à Annecy , jusqu'au chalet. Joséphine pensait à Franz ,à son sourire ,à son regard. Elle était bouleversée : pas question de s'amouracher d'un fritz ! S'il avait su qu'elle était juive, il ne l'aurait pas même pas regardée mais plutôt arrêter et envoyée dans un de ces camps qui font si peur et dont on ne revient jamais !
Au chalet, il ne manquaient plus que Jorge Inès, Esther et Sarah.
Une journée passa. Le chauffeur de la camionnette s'en retourna vers Saint- Etienne, : il devait faire passer des gens en Espagne. Jef décida de rester auprès de Mathilde : il rejoindrait le maquis du Vercors.
On commençait à s'inquiéter quand on vit enfin arriver , un véhicule . Non ce n'était pas la traction de Madame Jeanny : mais une berline conduite par Jorge
-Elle m'a couté une fortune ! cette auto ! Je n'avais pas le choix nous sommes tombés en panne à la sortie de Lyon vers Vienne .
De l'auto sortirent sa femme, ses" filles " mais aussi une femme âgée un vieux monsieur et deux jeunes hommes .
Inès expliqua :
-Ce sont des juifs ! la famille Rozenben. Leurs enfants se sont fait arrêter il y a deux jours.Les grands parents devant vous , étaient par bonheur avec leurs petits enfants à la campagne :Josué et David .Ils ont l'âge de Catherine .
Tout ce petit monde se remémorait leur périple autour d'une bonne potée chaude préparé par les hôtes des montagnes ; Catherine et David Rozenben sympathisèrent, tandis que Françoise et Josué riaient des mêmes souvenirs et des mêmes bêtises.
Le lendemain le passeur arriva : tous étaient prêts . Mathilde serait du voyage : madame Jeanny l'avait décidé. Elle serait leur gouvernante en Suisse .
La troupe composée de dix neuf personnes : deux personnes âgées, deux couples, Mathilde, les cinq filles Francoise Catherine Joséphine Angèle Mireille, des deux fils Rozenben, des deux enfants de Lyon et des trois enfants de Saint Etienne , rejoignit la montage .
Jef avait décidé de les accompagner jusqu'en Suisse et après les savoir en sécurité , de retourner en France , et de rejoindre le maquis .
Tout se passa bien. Le guide connaissait les sentiers . ,C'était fin aout, et l'été rayonnait toujours dans la montagne .La marche dura une journée. Enfin on accéda à la Suisse.
Les adieux furent chaleureux. Jef avait promis à Mathilde de la retrouver après la guerre .
Catherine et Françoise marchaient près de David et José le sourire aux lèvres. Seule Joséphine regardaient ces futurs couples aller de l'avant . Elle était dans ses pensées et semblait triste .Elle ne pouvait s'empeser de penser à Franz. Sans lui, qui sait, elle aura peut être été arrêtée avec Madame Jeanny et la famille Rutenval.
Madame Jeanny , Jorge et Inés retournèrent à Lyon pour la rentrée des classes.
La répression fut farouche. Les réseaux des résistants furent décapités et Jean Moulin le chef de la résistance dénoncé, arrêtés torturé et tué. Ce furent douze mois bien sombres jusqu'à aout 1944, avec la libération de Paris et quelques jours après la libération de Lyon.
Epilogue
Françoise et Catherine se marièrent avec David et Josué et partirent pour la Palestine avec les grands parents .Ils furent les pionniers de la fondation de l'état D'Israel.
La familles Rozenben les suivit. Masha et Sacha ne revirent jamais leur parents et furent adoptées par un couple qui les emmena vivre en Israel.
Quant aux Rutenval ,ils émigrèrent en Amérique.
Madame Jeanny continua à être directrice de l'établissement de jeunes filles de Lyon pendant dix ans. Jorge resta comme concierge et Inés comme cuisinière.
Joséphine tenta d'avoir de nouvelles de Franz ; arrêté il allait être jugé . Elle témoigna en sa faveur. Son témoignage valut l'indulgence du jury envers Franz et une peine réduite de deux ans d'emprisonnement. A sa libération, le couple Franz et Joséphine partit loin de l'Europe, et de l'Amérique , se reconstruire en Indochine et vivre leur amour.
Mathilde retrouva Jef. Il avait été une figure très importante dans la résistance. Il lui demanda de l'épouser.
Ils s'installèrent à Paris , Mathilde reprit son métier de professeur de philosophie . Jef reprit l'uniforme de gendarme et fut promu à un grade très haut .Le couple acheta un appartement neuf : 3 rue des lilas.
Quelques année plus tard une plaque commémorative indiqua qu'à cette adresse, un jeune résistant juif : Jacob Meiller avait été arrêté en été 1942 ,et avait été torturé à mort sans livrer aucun de ses camarades .
"Mort pour la France en héros"