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Deuxième partie du chapitre 3

Libération et répression 

La population fut rassemblée à l'Ayuntamiento (mairie).

 

- Qui est le maire de cette localité ? Demanda Ramon.

 

- Moi !

 

L'homme avait une soixantaine d'années.

 

- Quel est votre nom ? Demanda Tonin.

 

- Pabio Durai.

 

- Très bien ! Voici Ramon Villajora, capitaine, Vicente Lloret également capitaine et moi, Antonio ORENSANZ, capitaine également. Au nom du peuple nous prenons possession de ce village et nous vous libérons de toutes vos anciennes contraintes. A dater de ce jour, la vieille structure de la grande propriété est annulée et remplacée par ('exploitation collective et le partage des terres entre les paysans pauvres de Castillo.

Tous les biens fonciers seront distribués aux habitants en fonction de leurs besoins . Y a t-il des indigents ou des sans-abris ?

 

- Quelques uns, la plupart sont des étrangers.

 

-Qu'importe ! Ils ont droit à la dignité et au pain ! La mairie servira d'asile aux nécessiteux. Villageois retournez dans vos demeures la vie doit reprendre... Il faut rouvrir l'école . Pour vous, la guerre est finie !

 

- Mais vous ne nous faites rien ! Interrogea toujours la fille en blanc.

 

- Mais que voulez-vous que l'on vous fasse ? Répliqua Tonin.

Peut-être un baiser ? Est-ce cela que vous nous demandez si adroitement ? Lança Tonin , amusé

 

Un silence, puis un brouhaha, un éclat de rire, une explosion de joie. Tous les gens se mirent à parler à la fois, à s'embrasser, et à entourer les soldats.

 

Tonin leur demanda encore :

 

-Pourriez-vous nous préparer une bonne soupe, voilà des jours que nous ne mangeons que des oignons et du lard séché ?

 

Les jeunes filles acquiescèrent et s'enfuirent en riant, en dévisageant avec effronterie les jeunes militaires...

Les Républicains purent à volonté se laver, se restaurer, sous le regard intéressé des jeunes   demoiselles de Castillo.

 

- Ils ne sont pas si terribles que cela !

 

-Sûr, que non ! Répondit Carlita (la jeune fille en blanc) et en plus ils sont beaux !

 

- Oh oui ! Plus séduisants que ceux des armées nationalistes ! Te souviens tu Anna, ces affreux barbus qui voulaient sortir avec

nous ?

 

- Oh Oui ! Dieu qu'ils étaient laids ! Et dire que le père Cristobal nous faisait leur éloge !

 

- Il voulait nous marier à eux  ! Ajouta Carlita. Mais je préfère encore mieux me marier avec mon bouc, sa barbe à lui, sent bon, elle  !

 

Les filles ne se tenaient plus de rire. Carlita semblait rayonner dans ce cercle de jeunesse, d'insouciance.

 

- Je vous trouve bien gaiens ! Rugit une vieille dévote. Ayez un peu de pudeur ! Notre prêtre vient tout juste d'être assassiné et vous célébrez la prise de notre village !

 

-C'est sa faute ! Pourquoi a t-il tiré sur les soldats, sur des jeunes gens, dans l'église, la maison sacrée du christ ? Pourquoi ne s'est -il pas rendu tout simplement. Il serait parmi nous et nous serait plus utile vivant que mort.

 

- Ils l'auraient fusiller de toute façon .

 

- Mensonge ! Ils n'ont fusillé personne ! Ni le maire franquiste ni ses adjoints ! Le père Cristobal était prêt à nous sacrifier par fanatisme.

 

- C'est vrai ! Conclua Anna, Le père avait tord . Jusqu'à présent les Rouges ne nous ont fait aucun mal.

 

- Attendez un peu mes belles biches ! et vous les verrez à l'oeuvre. Ils fusillent tous les curés, violent les filles....

 

-Assez de mensonges ! Assez de haine ! Assez de paroles médisantes ! Hurla Tonin. Allez -vous en vieille femme ! Quittez le village votre présence ici devient insupportable.

 

 

Et il fit raccompagner la vieille dévote jusqu'au village voisin.

 

Tonin ajouta :

 

- Les soldats de la République sont des hommes honnêtes, et dignes. Si un seul venait à manquer au règlement et vous manquait de respect, je me chargerai personnellement de son sort.

 

Il avait parlé très haut pour que tous puissent l'entendre : les civiles mais aussi les militaires si par hasard l'un d'entre eux dans l'uphorie de la victoire, avait oublié ses devoirs.

 

Quelques jours passèrent , le village trouva une autre organisation. Le maire , propriétaire terrien, était parti, laissant sur place tous ses biens. Les villageois pour la plupart, d'humbles paysans, travaillaient sur les terres des notablee. Les  grandes propriétés furent  divisées en parcelles  égales entre les paysans. La scierie fut rouverte et gérée par un conseil d'ouvrier : en autogestion. La production fut écoulée et les bénéfices ne tardèrent pas à rentrer. Ils étaient partagés en part égales entre les travailleurs. Un montant était réservé à l'investissement et au fond de solidarité.

 

La municipalité s'occupa des sans-abris en les hébergeant et en leur procurant des repas chauds, en échange d'un travail.

 

Mais pour la réouverture de l'école, il y eut des problèmes : il s'agissait d'une école catholique et les religieuses avaient fui avec les riches  de Castillo. Le seul instituteur qui restait était un vieux réactionnaire qui refusa d'offrir ses services à la République du Peuple.

 

Tonin pensa alors à Manuel et à son neveu José-Maria. Il les fit venir. Il avait besoin d'eux.

 

José-Maria n'avait que dix neuf ans . Il avait fini ses études et enseignait voilà déjà un an. Il accueillit la proposition de Tonin avec enthousiasme. Il logea non loin de Carlita. Bientôt les deux jeunes gens furent inséparables.

 

Chaque maison prit deux ou trois soldats. Le reste occupa la belle villa de Don Pascual....

 

Le temps passa...

Les Républicains durent rejoindre d'autres régiments...

Après le départ de Tonin et les troupes républicaines, la vie continua normalement à Castillo.

 

José-Maria y resta afin de poursuivre son oeuvre d'enseignant.

Un de ses meilleurs élèves était Daniel, le petit frère de Carlita.

 

Jusqu'à présent il n'avait eu guère le loisir de s'instruire, car il était orphelin. Sa soeur aînée travaillait certes à la scierie, mais l'argent manquait à la maison aussi l'enfant avait -il proposé ses services à Don "Pascual , le seigneur du village .

Daniel s'occupait des chevaux du châteaux, et du jardin. Il avait appris à lire très vite , les quelques fois qu'il avait fréquenté l'école.

 

A l'Hacienda de Don Pascual, il y avait une belle bibliothèque. Daniel était impressionné en passant devant les beaux livres à la couverture de cuir rouge et or. Les grandes encyclopédies

l'attiraient avec leurs photos des continents, des étoiles, des hommes, des choses...

 

Une fois il avait osé, à l'insu de son maître, prendre un de ces beaux ouvrages, rouvrir, parcourir ses lignes, s'extasier ...

La cuisinière ('avait surpris et dénoncé à Don Pascual. Alors pour le punir ce dernier avait saisi une grande baguette en bois, celle que l'on utilisait pour les chevaux, et s'était mis à frapper l'enfant sur ses mains :

 

- Misérable, je te paye pour que tu t'occupes des chevaux et non pour que tu lises dans mon salon !

 

Pendant huit jours, Daniel n'avait pu se servir de ses doigts

 

- Je me vengerai ! S'était-il promis à lui-même! Je le jure et tous ces livres seront à moi !

 

Son voeu s'était exaucé avec l'installation des Rouges à Castillo :

 

Daniel eut tout le loisir de découvrir les livres et même d'en rapporter chez lui.

 

José-Maria avait décidé de faire de cette collection d'ouvrages de valeur, la bibliothèque du village. Il  avait tout organisé.

 

Le grand salon de Don Pascual était devenu la salle de lecture, le petit salon et le grand hall d'entrée : la salle de prêt, le petit salon, la salle des archives, et la grande salle à manger , la salle

 

de conférence ou de réunion municipale.

 

Quant aux chambres, elles avaient servi à loger les officiers du contingent Républicain pendant  leur séjour à Castillo.

 

Quelques mois après le départ de Tonin, José-Maria et Carlita se marièrent et ce fut pour le village , un jour d'allégresse.

Les jours et les mois passèrent.

 

1936 : Durruti chef des républicains avait été assassiné depuis deux ans .

Après les victoires, vint le temps des défaites. Après l'avancée, la retraite.

 

1939 : Tonin était sur le front de Saragosse avec Ramon et Vicente.

 

Les franquistes assiégèrent Castillo. Ils enfermèrent pas mal de monde accusé de collaboration avec ('ennemi. D'autre furent

fusillés sur le champ. Ce fut le cas de José-Maria, l'instituteur.

 

- Ainsi meurent les ennemis de ('Espagne ! Avait dit le chef phalangiste avant de donner ('ordre de tirer.

 

Folle de douleur, Carlita voulut venger son mari. Elle attendit que tout l'état-major soit réuni à la mairie, pour demander audience.Daniel l'avait suivi.

 

- Va t-en Daniel ! Je t'ordonne de t'en aller !

 

-NON ! Que vas -tu faire ?

 

-Rien !

 

Daniel regarda sa soeur, les larmes inondaient son visage :

 

- Moi aussi j'aimais beaucoup José-Maria !

 

-Va t-en Daniel, je t'en conjure !

 

- Non hermanita ! Je ne te quitterai pas ! Je n'ai que toi ! Et je reste avec toi, jusqu'au bout.

 

- Que dis-tu ?

 

- Je sais pourquoi tu es ici. Ne me ments pas à moi ! Quoi que tu feras tu m'auras à tes côtés !

 

A cet instant un homme apparut :

 

-Senorita ! Si vous voulez me suivre !

 

Carlita et Daniel furent introduits dans un grand salon. Quelqu'un s'approcha :

 

- Que voulez-vous me dire ?

-Ce que j'ai à dire est de la plus haute importance. Je ne parle-

rai qu'à l'officier le plus gradé !

 

- Bien ! Suivez-moi !

 

Elle pénétra dans un grand hall où discutaient des franquistes.

 

- Alors maintenant, allez vous parler ?

 

Carlita sortit de sa poche deux grenades qu'elle jeta dans la pièce. L'explosion fit de nombreuses victimes. La jeune femme prit son revolvers pour protéger sa fuite, mais elle reçut une balle

en plein coeur. Daniel voulut la secourir :

 

- Fuis Daniel ! Fuis !

 

L'enfant prit l'arme et se mit à tirer. Quelques secondes après il s'écroulait. Carlita avait vengé José-Maria : les bombes avaient causé la mort des huit officiers. Elle y avait laissé sa vie. Mais une vie sans José-Maria valait -elle la peine d'être vécue ?

Elle s'était engagé à tout partager avec lui : sa vie mais aussi sa mort Daniel son petit frère l'avait suivi, il avait dix ans à peine.

 

Tonin apprit la fin tragique de José-Maria et de Carlita et Daniel par Manuel ,fou de douleur et de rage.

 

 Les Républicains vaincus par les franquistes 

 

Les franquistes vainqueurs sur tous les fronts, encerclèrent la compagnie de Tonin.

ll était avec Ramon et Vicente à Téruel. 

 

- Quels sont les officiers de ce régiment ?

 

- Nous autres ! Clamèrent en choeur, Ramon Vicente et Tonin.

 

- Trois capitaines ! Bravo ! Vous avez combattu courageusement ! L'Espagne peut être fière de ses fils ! Pour ma part , je tiens à vous féliciter personnellement !

S'était exclamé le général franquiste. Il les avait salués et s'en était retourné sur son cheval, dans

un brouillard de poussière.

 

Les soldats furent emprisonnés dans un camp. Un commandant fasciste fit venir les trois capitaines républicains. Dans la cour, il se tenait là. Il passa devant eux et s'arrêta pour les épier : d'abord, Ramon, puis Vicente, puis enfin, Tonin.

 

L'homme avait un regard glacial. Ses yeux étaient d'un vert cristal sans pitié. Tonin ressentit une froideur terrible envahir son corps. L'officier l'observait depuis un moment. Tonin ne bougeait pas. Cet homme était redoutable. Tonin le savait. Il avait l'apparence du destin. Tonin le regardait. L'homme continuait à scruter son visage. Tonin le toisa. Dans cet instant effroyable, Tonin fit face à ce qui avait pris l'apparence de la mort. Le

commandant franquiste fit un signe et désigna Ramon et Vicente. Deux sergents entraînèrent Ramon et Vicente devant le peloton d'exécution. Ils les attachèrent à des poteaux.

 

-ASTA LA VICTORIA ! AMIGO Hurla Ramon.

 

-ASTA S1EMPRE CAPITAN ! Cria Tonin

 

- VIVA LOS ROJOS ! VIVA LA REPUBLICA ! Y VIVA LA VIDA !

(Vive les rouges, vive la république et vive la vie). Ce furent les dernières paroles de Vicente.

 

Les balles couvrirent tout.

 

Tonin fut conduit dans un cachot. Il ne comprenait pas pourquoi il avait été épargné. La douleur l'empêchait de parler. Il se replia sur lui-même et se mit à pleurer. Il revoyait Ramon et Vicente, ses camarades de lutte, de combat. Il aimait beaucoup Ramon ils partageaient les mêmes idées, les mêmes choses .Vicente était spécial, mais ils s'en amusaient.A eux trois ,ils formaient une belle  équipe .

 

Vicente l'égoîste, faisait toujours parler de lui .Un jour lors d'une permission, les trois capitaines s'étaient attablés à la terrasse d'un restaurant. Vicente se servait toujours le premier et prenait les plus belles parts, pour le vin il buvait sans penser aux autres.

Après les légumes, on servit la viande : dans une

grande poêle il y avait trois côtelettes. Ramon en prit une. Il ne restait qu'une très grosse pièce de viande  et une toute petite maigrichonne.

 

-Allez ! Dit Vicente à Tonin ! Sers-toi !

 

- Oh non ! Répondit Tonin, comprenant l'intention de son compagnon. Je t'en prie sers toi !

 

- Allons pas de cérémonie ! Insistait Vicente ! Je ne me servirai le dernier.

 

- Si tu insistes ! Conclut Tonin.

Et il se servit la plus grosse côtelette avec le jus.

La réaction de Vicente ne se fit pas attendre 

 

-Tout de même, tu es sans éducation ! Te servir la plus grosse alors que tout le monde n'est pas servi ! On voit bien que tu n'es qu'un paysan de tes montagnes, un sauvage. Se servir la plus belle portion sans penser aux autres....

 

- Eh bien ! Expliqua Tonin. A ma place laquelle des deux côtelettes te serais tu servie ?

 

- -Celle-ci ! Protesta encore Vicente, en montrant la petite.

 

- Eh bien ! tu l'as ! De quoi te plains- tu ?

 

Interloqué l'homme ne sut plus quoi dire alors que Ramon partait d'un fou rire ...

 

D'autres scènes se déroulaient dans sa tête : certaines drôles, d'autres pathétiques...

 

Tantôt Tonin riait, tantôt il pleurait. Puis ce fut le noir de la solitude, du froid.

 

Un homme s'approcha et posa une main sur son épaule :

 

- Tu es capitaine n'est-ce-pas ?

 

Tonin ne releva pas la tête. Il n'avait pas envie de parler. Il voulait être seul. L'homme le comprit et ajouta :

 

-Nous c'est pour manana, demain ! Il ne faut pas que tu restes dans ta solitude. C'est mauvais ! Nous sommes avec toi ! Ne l'oublie pas !

 

Il s'éloigna.

 

Dans ce minuscule cachot d'à peine trois mètres sur trois, ils étaient cinq hommes, sans lit, sans rien.

 

On ne leur donna rien à manger de toute la journée.

 

Il faisait froid, il faisait peur.

 

A l'aurore de manana, demain, on ouvrit la porte du cachot.

On traîna l'homme qui avait parlé à Tonin. Il sut qu'il s'agissait de lui car avant de sortir il avait encore ajouté :

 

- Adios ! Asta la Victoria ! Viva la REPUBLICA !

 

Quelques minutes plus tard, on entendit tirer, puis le silence...

Un homme se mit à crier. Il frappait sa nuque sur les barreaux.

Tonin leva la tête. L'homme devait avoir une quarantaine d'années. Un autre s'en approcha et lui parla doucement. Alors il se mit à rire et à chanter :

 

"A las barricadas, a las barricadas ! Para el triumfo de la Confédération :

 "Aux barriquades, aux barricades ,pour le triomphe de la Confération"

 

- Il est devenu fou . Expliqua quelqu'un à Tonin. Il était sergent. Ils l'ont torturé, battu. Il n'a rien dit. Au début il a tenu le coup puis il a perdu la raison. C'est le père Joaquim qui lui parle.

 

- Un prêtre ! Sursauta Tonîn.

 

- Oui ! Un prêtre rouge, ça existe ! Je comprends ton étonnement il est comme une bête rare, mais c'est un personnage formidable !Tu verras, apprends à le connaître.

 

- Et toi qui es-tu ? Dit Tonin

 

- Je m'appelle Xavier Zapata. Avant la guerre j'étais professeur de littérature à l'université de Madrid.

 

Tonin observa l'homme : un intellectuel en prison ! Ici ! Xavier dut lire dans les pensées du jeune homme :

 

- Je me suis engagé comme tant d'autres de mes amis et collègues dans cette bataille pour la Liberté et la Démocratie.

Ce combat était le combat de tous : paysans, ouvriers, artistes, intellectuels. Et toi qui es tu ?

 

-Antonio ORENSANZ ! Je suis de Hécho, petit village de l'Aragon du Nord. J'étais un des  lieutenants du général Ortiz le général sans dieu ni maitre ... puis j'ai du prendre le commandement .

Nous avons été encerclés. Nous étions trois officiers : Ramon, Vicente et moi. Ils les ont fusillés ! Je ne sais pas pourquoi ils ne m'ont pas fusillé, moi  !

 

- Pour te faire mourir à petit feu, comme nous de froid, de maladie !

Répliqua en riant Alfonso, le fou.

 

-Il n'est pas aussi fou que vous le dites ! Constata Tonin.

Le professeur ne dit rien. Somme toute, ils avaient raison.

L'épreuve qui leur était donnée de subir , paraissait pire que la mort : faim, malnutrition, malpropreté, angoisse. Ce supplice psychologique pouvait conduire au suicide, ou à la folie.

Personne ne savait quel était son sort : tous étaient sûrs de mourir, mais quand ? Dans un jour, dix jours, un mois ?

Cette attente de la mort chaque matin brisait les personnalités les plus fortes et les plus fières.

Après deux jours de jeûne on leur servi une sorte de soupe, où nageait quelques pois chiches et des bribes de pain ranci.

Dans cette minuscule cellule, sans eau, sans commodité, la puanteur et la saleté étaient maîtresses. Le pire était l'appréhension de l'aurore, lorsque résonnaient dans la cour le pas

cadencé des bottes, présage de la mort.

Les cachots s'ouvraient, les guardias civils s'y ruaient, retirant du sommeil les condamnés qui hurlaient ou imploraient..

Leurs cris cessaient avec le bruit des balles..

 

Et chaque matin la macabre scène se répétait : et chacun espérait gagner un jour, une semaine...

 

Tonin se lia facilement avec Xavier qui le prit comme élève.

Avec le père Joaquim, aussi, il se lia. Ils discutaient longuement tous les trois d'Histoire, de politique, de philosophie et même de religion.

Joaquim connaissait la région natale de Tonin. Il avait séjourné à Hécho et à Siresa (petite localité proche de Hécho, dont l'église romane aux merveilleux vitraux, aurait été construire par  Jacques de Compostelle).

Parfois les trois hommes étaient interrompus par Alfonso :

 

- Vous me faites marrer avec vos conférences ! A quoi cela sert-il de se chauffer la tête ? Vous serez morts demain !

 

Pris de délire il se remettait à se cogner la tête sur les murs.Ces crises de folie duraient des heures..La nuit on l'entendait chanter à tue-tête :

 

"Hijos del puebio te oprimen cadenas!

Esta injusticia no puede seguir !

Si nuestra existencia es un mundo de pena,

Ante qu'esclavos, preferimos, morir !

 

A la batalla la gente facista

 

Nuestro esfuezo vencera

 

El puebio entero con los anarquistas

 para que triumfe la Libertad.

 

Enfants du peuple on nous enchaîne

Et cette injustice doit un jour finir.

Si notre existence est un monde de peine

Plutôt qu'esclaves, il nous faut mourir !

 

Dans la bataille la gente fasciste

Par nos efforts sera écrasée.

Le monde entier avec les anarchistes,

Pour que triomphe, la Liberté !

 

Un petit matin la porte de la prison s'entrebailla : deux gardiens attrapèrent Alfonso par les épaules et le poussèrent à l'extérieur.

La porte se referma dans un cliquetis sinistre :

 

- Adios Amigos ! Leur cria Alfonso.

 

- Adios Alfonso ! Lui répondirent Xavier, Joaquim et Tonin.

 

- Nous nous reverrons bientôt ! Nous avons la même destination !

Mais pour une fois professeur et toi aussi curé, je vais en savoir plus que vous : c'est moi avant vous qui vais avoir la réponse à la question : y a t-il  après la mort ?

 

Il n'eut pas le temps d'en dire plus. On le conduisit dans la cour où il s'écroula sous les balles.

 

Les mois passèrent.

Tag(s) : #La guerre civile
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