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Chapitre 3 suite du roman historique :Manana demain 

La guerre 

Les armées républicaines étaient maîtresses en 1936, au début du conflit, de la quasi totalité du territoire espagnol.

 

Après le bombardement de Guernica, et ('aide fasciste et nazie l'avancée des "nationalistes" fut chose facile et aisée.

La République ne put compter que sur elle-même. Très vite elle dut se résoudre à ('évidence : la minorité insurgée avec son équipement allemand, moderne et performant avançait de plus en plus.

 

Les Républicains voulurent acheter des armes à la France et à

('Angleterre. Ils se heurtèrent à des formalités sans fin ! Les chars étaient payés mais leur livraison était bloquée du côté français.

Les gouvernement occidentaux n'accordèrent aucune aide , aucun secours à la République légalement élue par le peuple espagnol,

alors que Franco trouvait en Hitler et Mussolini des amis de choix.

Les " valeureuses  "brigades internationales" regroupèrent

des hommes de tous bords, de toutes nationalités, ouvriers intellectuels, artistes chômeurs, anglais, américains, français, italiens, russes, yougoslaves, hollandais qui combattirent héroïquement avec leur camarades espagnols , pour l'idéal démocrate de liberté, de justice de légalité. Mais hélas, cela ne suffit pas,

Aux derniers jours de la République, la "Pasionaria", les congédia lors d'un discours d'une grande émotion..

La Yougoslavie participa à la résistance républicaine. Tito se trouvait en Espagne. Tonin eut l'occasion de le rencontrer .

 

Les balles sifflaient de tous côtés, l'ennemi était proche. Cela n'impressionnait pas le moins du monde Tito, qui trouvait matière à plaisanter :

 

- Oh lala ! Ces mouches, ces mouches ! disait-il, en faisant mine de les chasser de sa main, qu'elles sont pénibles !.

En guise de mouche il s'agissait de balles chuintant de toutes parts.

 

 

 

 

La vie "Al Frente" était bien sûr difficile. Tonin partageait le com-

mandement avec deux autres capitaines : Ramon âgé d'une tren-

taine d'années et Vicente plus vieux. Tonin et Ramon étaient grands amis. Vicente semblait un peu spécial : une sorte de tête brûlée, violent parfois, solitaire d'un égoïsme insupportable.

 

Les Républicains eurent une confiance aveugle en leurs chefs

spirituels : Durruti et Ascaso. Mais la réaction fasciste se chargea

d'abattre un par un les meneurs d'hommes , les têtes révolution-

naires. Elle s'en prit également aux intellectuels, aux artistes, à

ce que ('Espagne avait de plus grand : ses poètes. La Phalange, groupe d'esprit nazi, soutien de Franco , assassina lâchement Federico Garcia Lorca en août 1936 à Grenade. L'illustre auteur du Romancero Gitan fut fusillé pour "être, comme il ('avait dit à ses tortionnaires, du "parti des pauvres".

 

L'exécution du plus brillant écrivain de sa génération plongea ses amis et admirateurs dans une douleur immense. Tonin se recueillit à sa façon et rendit un dernier hommage à ('illustre poète. Dans sa tête résonnait encore les paroles des héros de Garcia Lorca, du poème sur "La Guardia Civil" dans lequel il se moquait de cette

institution militaire et identifiait ses serviteurs à "de noirs corbeaux".

 

"Noirs corbeaux, messagers du mal,

Vous déambulez par la campagne

A la recherche d'une proie innocente."

 

Tonin, Ramon et quelques autres veillèrent toute la nuit pleurant chantant récitant Garcia Lorca. Ils composèrent un texte souvenir pour le poète assassiné :

Nuit triste et noire de l'été

Que ne troublait aucun bruit.

Autour du feu de camp, veillaient

Quatre hommes et leurs fusils

 

Ils pleuraient leur frère condamné

Dans les prisons d'Andalousie

Que l'on allait fusiller

Quand l'aurore chasserait la nuit.

 

Poète illustre de son temps

Artiste, romancier, écrivain

Que l'on ferait payer du sang

Le droit d'être Républicain.

 

Et dans ce silence de Grenade

Aucun cri ne s'éleva haut,

Pour protester contre les balles

Qui turentta voix, Federico !

 

A la fin de la guerre, ('Espagne se vida de la quasi totalité de ses intellectuels qui prirent le chemin de l'exil. Cette hémorragie gagna tous les milieux : ouvriers, paysans, artistes, hommes femmes enfants, épris de liberté et de justice mais aussi d'un incroyable idéal : faire de ('Espagne un pays moderne , exemplaire, avec des institutions politiques révolutionnaires. Tous ceux là qui sans doute, eussent été les messagers de la nouvelle Europe et qui se dispersèrent de par le monde emmenant dans leur coeur, un peu de cette terre tant aimée !

 

Aux difficultés extérieures dues à l'aide fournie par Hitler et Mussolini, aux franquistes, se greffèrent des difficultés intérieures :

 

les Républicains étaient divisés : les socialistes représentaient 1/3 de la gauche, les communistes minoritaires même pas un autre tiers, et les libertaires (anarcho-syndicalistes), la bonne ma-

jorité . Ces derniers étaient très influents dans les grandes villes comme Barcelone. Après 1936, ils organisèrent l'économie suivant les principes de ('autogestion et la vie politique suivant la

notion de "fédéralisme". Ainsi l'Andalousie , l'Extramadure, le Levant passèrent du "latifundio" (grande propriété terrienne au

main d'un maître), à ('exploitation collective autogérée. Dans les villes, il en fut de même, et les usines furent autogérées et dirigées  par des  "Conseils d'ouvriers élus".

. Les principes anarcho-syndicalistes étaient très bien accueillis dans la population espagnole

qui trouva là une méthode originale nouvelle efficace et stimulante de travailler et de vivre. La société ancienne de l'ordre et de la répression était remplacée par une société moderne,

responsable, libre basse sur une morale rigoureuse : la liberté oui ! Le libertinage , non ! Le partage égal des richesse et du travail oui ! l'exploitation de l'homme par l'homme, non !

 

-" de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins"

 

-l"Émancipation des travailleurs ne sera ('oeuvre que des travailleurs eux-mêmes".

 

-"La liberté, la moralité, et la dignité de l'homme consistent précisément en ceci : qu'il ne fait le bien non parce qu'il lui est commandé par un chef, un dieu, une idole, mais parce qu'il le conçoit, qu'il le veut, et qu'il l'aime !"

 

-La loi de solidarité sociale est la première loi humaine, la Liberté est la seconde. Ces lois s'interpénètrent et étant inséparables, elles constituent l'essence de l'Humanité.  Ainsi la Liberté n'est pas la négation de la solidarité, mais au contraire, elle en est le développement et pour ainsi dire, l'Humanisation.""

 

-"Tant qu'il n'y aura pas d'égalité politique, l'égalité économique sera un mensonge."

 

"La liberté sans l'égalité c'est la domination d'une minorité sur la majorité : l'égalité économique sans la liberté politique, c'est

l'oppression d'un appareil d'état sur ('ensemble des consciences ces deux concepts sont inséparables et complémentaires : ils déterminent la nécessité vitale et parfait  pour l'épanouissement de notre Humaine Société ".

 

Tels étaient grossièrement tracés les grands principes de l'anarco-syndicalisme.

 

Les Républicains gagnèrent du terrain notamment en Aragon où Durruti battit les franquistes et distribua les terres aux paysans pauvres. Puis au fur et à mesure que le temps passa, l'aide étran-

gère fasciste et nazie, favorisa la percée franquiste.

Un problème capital demeurait : la mésentente des Rouges entre eux. Après avoir libéré villages et villes, les républicains laissaient sur place des institutions nouvelles (partage des terres)

cependant il restait toujours en arrière, certains antifascistes : les communistes qui profitant des circonstances et de l'absence cohérente 

de structure, imposaient les concepts du marxisme et ainsi détruisaient l'oeuvre libertaire engagée !

 

Tonin racontera combien de fois il dut rebrousser chemin pour arrêter leurs agissements :

 

"Ce sont eux qui nous ont le plus gênés ! il fallait sans cesse s'assurer de leur loyauté. Ils travaillaient pour le communisme international, pour Moscou et non pour l'Espagne Républicaine !

L'heure n'était pas à la politique, mais à la guerre 

 

L'antagonisme entre communistes et anarco-syndicalistes était grand. Tonin dira même :

 

"S'il n'y avait eu que Franco et ses compères, nous aurions gagné la guerre. Mais il y avait plus grave qu'eux : l'énnemi caché dans nos rang qui attendait que l'on gagne une bataille pour la récupérer et instaurer des principes autoritaires aussi détestables et antidémocratiques que ceux de Franco, Hitler et Mussolini.

 

Ainsi fallait-il aux républicains lutter sur deux fronts : le front extérieur et le front intérieur. Comment gagner une guerre civile

fratricide dans de telles conditions.?

Tout le monde sait que ce qui fait la force d'un mouvement c'est

son unité, sa cohésion.

 

La division d'un parti, d'un groupe entraîne sa perte inéluctablement. Franco ne connaissait pas ces problèmes, même si au début la phalange dut lui imposer quelques contrariétés. Elle se plia vite à son chef suprême. Pour les Républicains, il n'en fut pas de même :socialistes, communistes et anarchistes, se livrèrent une bataille d'influence sans merci.

 

Tonin n'aimera guère raconter la guerre et ses cruautés. Cependant certaines scènes le marquèrent profondément.

 

Un jour il était proche de Hécho : les franquistes étaient encerclés.

 

Ils s'étaient retranchés dans l'église. Les républicains étaient à l'extérieur. On tirait du haut du clocher sur tout ce qui bougeait.

 

Tonin distingua au soleil de midi, une silhouette noire et un canon qui brillait :

 

-C'est le curé qui nous tire dessus ! dit-il à Ramon et à Vicente .

 

-Je vais le déloger, moi ! et lui en dire une messe ! hurla Vicente.

 

Tu vas surtout lui fournir du travail : ton enterrement !

Ramon éclata de rire, les hommes aussi.

 

- Attendons la nuit ! Proposa Tonin. Nous pourrons plus facilement approcher l'église.

 

Quand le dernier quartier de lune se montra, à pas feutrés, un groupe de cinq personnes : les trois capitaines et deux jeunes sergents : Jorge et Eduardo, s'avancèrent près de l'édifice reli-

gieux.

 

Tonin brandit sa hache et attaqua le porche de bois. Les coups résonnaient lugubrement ...Quelques secondes plus tard, les balles sifflèrent autour d'eux.

 

- Vite Tonin ! cria Ramon.

 

A cet instant, Eduardo s'écroula touché en plein coeur.Une seconde balle tua sur le coup, Jorge, puis la troisième effleura Tonins. Enfin , la porte céda.

 

- A l'asalto ! crièrent les capitaines

 

Une seconde bataille s'engagea : les franquistes s'étaient enfermés avec la population civile.

 

- Libérez les femmes et les enfants ! Clama Tonin. Il ne leur sera fait aucun mal. Je vous donne ma parole d'officier.

 

- Ta parole ne vaut rien ! Chien de rouge ! Plutôt mourir ici !

 

- Vous n'allez tout de même pas faire mourir des innocents ?

 

- Pourquoi pas ? Ici ils sont dans la maison de Dieu, et ils mourront pour Dieu et pour l'Espagne avant de devenir les prisonniers de sanguinaires qui violent nos filles, tuent nos hommes et mal-

traitent nos enfants.

 

- Tout ceci ne sont que mensonge ! Villageois n'écoutez pas votre prêtre, fanatique, les Républicains veulent vous libérer et vous donner ce que des siècles de misère vous ont ôtés, la dignité.

 

- Non ! hurla encore le curé ! Nous n'avons que faire de vos discours, de vos promesses !

 

- Nous avons suffisamment perdu de temps comme ça ! Ragea Vicente.

 

Je sais ! Répliqua sèchement Tonin. Mais nous ne chargerons pas parmi les femmes et les enfants : ce serait un massacre.

 

A cet instant une voix féminine se fit entendre :

 

- Nous mourrons aux côtés de nos défenseurs. Nous n'avons aucune envie de tomber dans vos mains. Si vous êtes vraiment ce que vous dites de braves gens, respectueux des autres, alors allez-vous -en et laissez-nous en paix !

Toute de blanc vêtue, elle s'était montrée vaillamment tenant dans ses mains une torche. Les autres ajoutèrent :

 

- Oui ! Allez-vous -en !

 

Tonin se mit à réfléchir : ce n'est pas bête du tout ! Oui nous allons nous en allez ! Leur lança t-il . Prenant de court ses compagnons de combat.

 

- Quoi ! Abandonnez le siège ! Maugréait Vicente . Jamais ! Tu entends, jamais je n'obéirai à ton ordre !

 

-Laisse le s'expliquer ! Calma Ramon, je suis sûr qu'il nous prépare une ruse à sa façon, ce n'est pas bien le genre de Tonin de lâcher aussi facilement : il a quelque chose dans la tête !

 

-Parle alors ! Ragea encore Vicente.

 

- Nous avons deux possibilités : charger et causer un carnage, et nous l'aurons sur la conscience toute notre vie durant, ou alors, comme nous le proposait la charmante jeune fille, partir.

 

- Partir ? Sursauta Vicente

 

- Oui ! Ombre ! Partir pour REVENIR !

 

- JE NE COMPRENDS RIEN A TON DISCOURS !

Tonin s'expliqua enfin :

 

- Nous allons simuler notre retraite. Nous allons dissimuler dans les bois voisins notre armement lourds, les chars et le reste.....

Nous laisserons quelques hommes là-bas chargés de la sécurité du matériel. Les autres, les trois régiments reviendront dans le village le plus discrètement possible et prendront possession

 

des maisons dans le plus gran silence. Ils devront s'y cacher et donc y apporter tous les vivres nécessaires.

 

Ramon tu occuperas l'aile Est du village. Toi Vicente, l'aile nord, et moi l'aile sud. Pas de danger pour l'aile Ouest, elle donne sur la rivière qui sera tenue par les hommes cachés dans les bois.

 

Nous attendrons le temps qu'il faudra. Les gens finiront bien par sortir pour manger, ou prendre l'air et c'est là que nous agirons.

 

Le plan plu à Ramon et finalement Vicente, se rallia à eux.

 

Les événements se déroulèrent comme prévu. Il fallut attendre deux jours et deux nuits dans le silence. Puis l'on vit sortir de l'église un homme qui pénétra dans sa maison et en sortit un chorizo à la main.

 

- Il n'y a personne ! leur lança t-il ! Le village est désert ! Ils sont partis !

 

Un autre sortit à son tour, puis deux, trois, cinq, dix :

 

- Hourra ! Ils sont partis ! Ils n'ont pas osé charger !

 

- Ils ne sont pas aussi sauvages que vous disiez ! Père Cristobal.

 

- C'est qu'ils ont eu peur de Dieu !

 

- Je ne crois pas ! La vraie raison c'est qu'ils ont respecté les femmes et les enfants !

 

- Assez parlé petite pie ! Trancha ('homme en noir. Tu viendras te confesser ce soir pour tes allusions malsaines !

 

La jeune fille stupéfaite, rejoignit sa maison, accompagné de son jeune frère, Daniel. Ne restait dans l'église que le prêtre.

 

Alors, comme prévu, les soldats sortirent de leur cachette et tinrent chaque "casa".Tonin se précipita pour arrêter le curé.

Ce dernier se barricada mais la porte cassée ne résista pas longtemps. Juché tout au haut de l'escalier qui menait au clocher le prêtre fusil au point canardait Tonin et ses hommes. Il toucha

en plein coeur un jeune caporal de dix huit ans à peine et blessa très grièvement un compagnon. Alors prit d'une rage soudaine et fulgurante, Tonin épaula sa mitraillette et se mit à tirer. Il gravit les marches conduisant aux cloches, la haine et la douleur s'étaient emparées de son esprit. Une sorte de vengeance meurtrière guidait ses pas. Il tira, tira, et tira encore...

 

Un bruit sourd, la chute d'un corps, le silence. C'était fini. Tout était fini : Castillo était libéré.

 

 

Tag(s) : #chapitre 3 (première partie la guerre), #roman Manana
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