Le petit loup

C'était il y a longtemps, je vivais chez mes grands parents dans une ferme solitaire, en Lozère.Mon père et ma père avaient dû quitter la région pour aller s'embaucher dans les mines de charbon à des kilomètres . Mon grand père et ma grand mère s'occupaient de nous : ma petite soeur et moi. J'avais huit ans et ma soeur Elisa , quatre ans.

C'était un automne glacial. A la mi-décembre la neige avait recouvert le paysage .
Noel était passé .Nous étions un peu tristes Elisa et moi car nos parents étaient repartis pour leur travail et ils nous manquaient.Mon grand père, nous proposa une promenade.Il faisait une journée magnifique : la neige de sa nappe blanche étincelante plongeait la campagne de janvier dans un étrange silence .Le soleil brillait sur ce tapis immaculé.Le ciel était d'un bleu limpide pas un seul nuage. Grand père avait réalisé pour nous des raquettes afin de marcher plus facilement sur la poudreuse.
L'après midi s'était merveilleusement bien passée.
Quand nous longeâmes une foret, nous entendîmes de petits cris comme des plaintes. Grand père entra dans la clairière.Nous le suivîmes et sous les branches d'un grand sapin, nous aperçûmes un petit chien tout effrayé. Grand père s'approcha :
-Il s'est blessé à la patte à cause d'un piège à lièvre.
Il retira la patte de l'animal et le prit dans ses bras.
Nous l'entourâmes pour le voir et le caresser.

Grand père sembla préoccupé :
-Les enfants, ce n'est pas un petit chien, mais un petit loup et nous devons le laisser là !
-Mais grand père ! .Il est blessé, il va mourir seul !
-Il ne le restera pas longtemps : sa mère va le retrouver.
-Oui mais sa patte ? Ce n'est pas sa mère qui va pouvoir la guérir ! Il perd du sang et il lui faut les soins d'un docteur ! Ajoutais -je fermement.
-Les enfants , je suis désolé mais c'est prendre un trop grand risque .Laissons-le ici .Il peut s'en sortir.
Et sur ces mots grand - père nous prit par la main et nous entraina en dehors de la foret.
-Il est temps de rentrer à présent.
Elisa se mit à sangloter et moi je ne cessais de me retourner à chaque pas .
-Grand père, grand père ! Criais- je. Regarde !
Le petit loup se trainait ventre à terre dans la neige et nous suivait en rampant et en gémissant.
-Je t'en prie Grand père deux jours pour le soigner et nous le ramènerons ici !
Devant autant d'insistance le vieil homme finit par accepter :
-Deux jours , c'est tout !
Nous rejoignîmes la ferme. On soigna la petite bête. On fit venir le vétérinaire . La blessure n'était que superficielle mais nécessitait des soins .
La nuit nous entendîmes les loups hurler non loin de chez nous.Le vétérinaire nous avait conseillé de ramener le louveteau dès le lendemain.Mais il se mit à neiger et un brouillard épais s'était levé rendant impossible toute sortie.
A travers ce voile épais et gris ,nous distinguâmes des lueurs plus précisément des yeux qui brillaient.
Grand père eut peur et tira des coups de fusil dans leur direction .
Le troisième jour impossible de mettre un nez dehors.Un froid glacial accompagné d'une bise venue du nord transformait en statue de glace tout être resté dehors.
Elisa et moi nous appréciions ces jours à faire connaissance avec le louveteau , à jouer avec lui .
Enfin au bout d'une semaine ,la patte du loup était guérie et une belle journée s'annonça.Grand père ne voulut pas qu 'on l'accompagne .Il avait mis le louveteau dans un sac à dos, et avait pris son fusil.Deux amis l'accompagnaient :
-On ne sait pas si les loups sont près de la foret ...et comment ils vont réagir .C'est trop risqué ! Vous resterez ici ! Nous avait-il ordonné.
Bien qu'il faille toujours obéir aux grands parents, Elisa et moi profitâmes de la sieste de la grand mère pour sortir discrètement de la ferme afin de dire au revoir au louveteau. Nous suivîmes les traces des hommes dans la neige. Nous vîmes le groupe entrer dans la foret et en sortir quelques instants après.
Nous nous cachâmes sous des rochers et nous attendîmes qu'il s'éloigne . Nous nous faufilâmes jusqu'au bosquet . Louveteau était là .Nous jouâmes avec lui un moment.Nous lui avions rapporté un morceau de jambon et du sucre. Il allait manger ces délices lorsqu' arriva un gros chat de neige un lynx aux yeux cruels prêt à se jeter sur louveteau.

Je pris le petit loup et le mis dans les bras d'Elisa .Je saisis un brand bâton et la bataille commença. La bête sauvage me sauta au visage .Je sentis ses griffes pénétrer dans mes joues .Je hurlais, mais je la repoussais . Elle prit de la distance et monta sur une rocher.Elle était prête à se jeter sur moi lorsqu'apparut une meute de loups .Le lynx alors fit un bond de coté et s'enfuit.
Nous étions avec Elisa face à ces loups quand louveteau sauta des bras de ma petite soeur pour rejoindre une femelle toute blanche : la mère.

Nous restions immobiles .Curieusement nous n'avions plus peur . La louve vint sentir Elisa et lui lécher les mains.Un mâle ,le père s'approcha de moi. Je m'asseyais devant lui en baissant la tête.J'avais lu dans un livre comment ne pas provoquer le loup. Elisa fit comme moi.
Louveteau vint une dernière fois nous lécher les mains puis, il repartit avec les siens .
Toute la meute s'engouffra dans la foret.
J'attendais pour me lever.Je pris Elisa par la main et je retournais à la ferme.
Nous n'avons jamais parlé à Grand père de notre échappée dans la foret , la rencontre avec le lynx et les loups : nous lui avions dit que nous étions allés au village et qu'un chat sauvage m' avait griffé .On me soigna bien sûr .
Ce secret nous l'avons gardé toute notre vie avec Elisa au fond de notre coeur .