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Légende d'octobre
L'automne s'était installé dans cette région des Cévenols depuis plusieurs semaines ,après un été chaud et magnifique .
La pluie ne cessait de tomber et l' humidité pénétrait dans les maisons.
C'était le début d'octobre : le temps des plumiers, des serviettes, des blouses sombres, des porte- plumes , des théorèmes ,des poèmes, des cahiers à la couverture de papier bleue sombre.
Dans cette classe unique le maitre s'occupait seul de ses vingt quatre élèves du CP au certificat d'études . Les enfants filles et garçons de 6 ans à quinze ans se côtoyaient toute la journée et formaient une grande famille..
Les grands préparaient des lectures qu'ils lisaient aux plus jeunes les samedis après-midi .La légende locale du "cerf aux bois d'or " avait la première place dans le coeur des enfants.Il s'agissait d'un événement réel qui s'était déroulé au temps de la révolution , quand les loups hantaient la campagne.
Deux petits enfants revenant de l'école ,avaient été pris dans une tempête soudaine de neige .Pourtant c'était l'automne : le mois d'octobre. Perdus dans ce brouillard blanc, ils ne pouvaient retrouver leur chemin. Ils voyaient des lumières inquiétantes qui les suivaient depuis un bon moment : c'était les loups prêts à se jeter sur eux.C'est alors qu' un immense cerf apparut , donnant des coups de sabot à droite à gauche, assommant les bêtes sauvages , les "encornant et les éventrant de ses bois .Une fois la bataille terminée, le cerf , ramena sur son dos les enfants jusqu'à leur ferme..
Cette légende les enfants la connaissait par choeur et aimaient à se la remémorer .
Un jour où le soleil avait remplacé la pluie , le maitre sortit avec sa petit troupe à la recherche de noisettes, de châtaignes de marrons de figues et de champignons .Ils entreprirent d'explorer la foret voisine derrière l'église . Les enfants étaient regroupés par six ; les petits avec les grands .
Ils s'étaient dispersés et s'étaient donné rendez- vous à l'orée du bois à quatre heures quand la cloche de l'église sonnerait quatre fois .
A l'heure prévue les quatre groupes se rassemblèrent avec leurs trésors : des mûres des prunes sauvages des fraises, des noisettes, des airelles, des coings des babets, des glands : tous les fruits de l'automne étaient là étalés sur l'herbe.Le maitre analysa les champignons, en jeta quelques uns, obligeant tout le groupe à se laver les mains à la source qui coulait à proximité .
-Où est Valentin ? Questionna une petite voix.
Les enfants se regardèrent . Le petit garçon n'était pas avec eux.
-Vous l'avez laissé derrière vous ? Questionna le maitre en colère .
-Mais non il était devant nous ! Expliqua un grand garçon qui était devenu tout pâle .
-Valentin ! Valentin ! Hurlèrent les écoliers.
Valentin ne revenait pas .
-Nous allons aller le chercher.
-Il s'est perdu ! Dit en pleurant une petite voix.
-Nous le retrouverons ! Assura l'instituteur.
Ils fouillèrent la forêt crièrent à s'égosiller, cherchèrent les traces de l'enfant .Valentin restait introuvable .
La nuit tombait. Le maitre raccompagna les élèves chez eux et demanda l'aide du maire et des adultes pour repartir à la recherche du garçonnet.
On battit la campagne avec les chiens toute la nuit. Au petit matin un groupe d'hommes précédé d'un chien de chasse, retrouva le bambin .Il ne semblait pas avoir eu froid mais avait une bosse à la tête.
-On l'a trouvé ! hurlèrent -ils ! On l'a !
Valentin fut reconduit chez ses parents.Le docteur accourut. Il avait fait une chute et sa blessure à la tête avait saigné.Il se plaignait de sa cheville .
-Il faut l'emmener à l'hôpital ! Dit le médecin.
Le maire proposa son véhicule. Valentin fut hospitalisé et soigné. Heureusement il n'avait rien de grave .Il s'était éloigné malencontreusement du groupe et avait chuté sur une racine, en poursuivant un faon . Le petit animal l'avait détourné de son chemin .Il l'avait conduit auprés de ses parents : une jolie biche et un cerf majestueux avec des bois en or .
Après une semaine de repos et d'observation ,le petit blessé put sortir et rejoindre les siens.
A l'école tous l'attendaient impatiemment :
-Comment vas -tu Valentin ? lui demanda le maitre. Tu nous as fait faire bien du soucis !
-Ca va !
-Peux -tu nous expliquer ce qui t'a fait quitter le groupe ?
-Les grands allaient trop vite.J'étais en arrière .Je leur ai dit d'aller moins vite car je ne suivais plus !
-Passe devant et suis le sentier tout droit ! M'a conseillé Hector.
Ce que j'ai fait..J'ai pris de l'avance puis soudain j'ai vu un petit faon débouler devant moi.Il sortait d'un fourré. Nous avons gambadé ensemble un temps sur le sentier, puis il m'a fauché compagnie . J'ai voulu le suivre et j'ai couru . Il m'a entrainé loin .Dans ma course j'ai trébuché sur une racine énorme ..J'avais mal à la tête et à la jambe.J'ai senti le sang coulé sur mon front puis je ne ne rappelle plus. .J'ai ouvert les yeux , c'était nuit, les étoiles recouvraient le ciel, la chouette hululait mais je n'avais pas peur. J'ai vu alors le faon et son père le grand cerf s'approcher de moi et le cerf m'a réchauffé de son souffle.La biche aussi était là . C'était le cerf de nos histoires , il avait des bois en or qui brillaient sous la lumière de la lune .Le petit faon s'était couché sur moi pour me protéger du froid .Je me suis rendormi et j'ai été réveillé par les secours.
-C'est une histoire étrange qui finit bien ! Dit le maitre mais qui a une morale : "Il ne faut jamais quitter le groupe en promenade" . Cela vaut pour toi mais aussi pour tous ceux qui t'accompagnaient : "On ne laisse jamais quelqu'un seul en arrière au devant . Ce sera le sujet de rédaction des grands pour aujourd'hui !
Les élèves du certificat d'étude racontèrent à leur manière l'aventure de Valentin.
Les jours filèrent...
Valentin n'avait qu'une idée en tête : retrouver le faon la biche et le grand cerf pour les remercier.
Et puis la chasse ouvrit. L'enfant ne voulait pas que l'on fasse du mal à ses "amis".Il en parla à son instituteur et à ses camarades :
-Maitre il faut épargner le faon le cerf et la biche ! Ils m'ont sauvé !
Tous les enfants approuvèrent.Le cerf de Valentin était devenu le "cerf de la légende d'octobre ""leur cerf" !
-Je vais voir ce que je peux faire ! Promis le maitre d'école.
Il se rendit au conseil municipal dont il était un conseiller et fit part des doléances de ses élèves.
Le maire ne savait que faire .Il avait sa petite fille qui était l'amie de Valentin . D'un autre côté il y avait les enragés de la chasse qui parlaient de tradition.
- Eh bien parlons de tradition ! Dit l'instituteur.Vous connaissez tous la légende locale du cerf aux bois d'or qui serait apparu et aurait chasser les loups et sauvé des enfants ! Epargnons le cerf et sa famille . Vous connaissez la malédiction qui frapperait le village si on s'attaquait à lui ! Il y a assez de gibier , lièvres et sangliers pour étancher la soif de nos passionnés de la carabine !
Les empoignades verbales allaient bon train. Meme le curé s'en mêla :
-Il ne faut pas aller contre la volonté de Dieu qui a mis sur la route, le cerf pour sauver Valentin.
Un vieille femme présente ajouta :
-Malheur à celui qui tuera le cerf !
Finalement on décida que personne ne toucherait au cerf et à sa famille.On limita le périmètre du terrain de chasse mais on prolongea d'une semaine la période de chasse et tout le monde fut content .
Valentin retourna souvent dans la foret . Il put entrevoir le cerf la biche et le faon à l'automne quand octobre pointait son nez .
Lorsqu'il devint adulte, le petit faon avait bien grandi et était aussi imposant que son père. .
Plus tard Valentin devint un opposant farouche de la chasse. Journaliste, il écrivit dans son journal " sa légende d'octobre " pour témoigner contre cette pratique ancestrale d'un autre temps.
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