/image%2F0822137%2F20210416%2Fob_495df5_unknown-1.jpeg)
Quelques brèves de la Commune de Paris
du 16 avril 1871
Malgré des combats incessants, les lignes de front changent peu.
A l’ouest
Les fédérés sont à Asnières, à la porte Maillot. Un combat violent, corps à corps, se livre dans Neuilly dévasté, aux maisons désertes. Aujourd’hui les fédérés ont un peu avancé, ils ont pris deux drapeaux aux Versaillais, que les officiers viennent apporter à l’Hôtel-de-Ville :
Le premier de ces drapeaux est de couleur verte, et porte la croix vendéenne ; le second est composé des trois couleurs, disposées en forme de croix. En outre le citoyen Leullier fils, âgé de seize ans, au milieu d’une pluie d’obus et de mitraille, a planté le drapeau de la Commune sur le sommet de l’église.
Au sud
Les fédérés tiennent les redoutes à Moulineaux, Issy, Vanves, Montrouge et leurs avancées, Bicêtre, Villejuif, les Hautes bruyères et le Moulin Saquet.
La guerre est là, omniprésente, dévastatrice : tous les jours des obsèques se déroulent dans la capitale, la foule, grave et recueillie se découvre au passage des cortèges, les gens s’agenouillent, les clairons sonnent tristement. On voit aussi des voitures remplies de cadavres rentrer dans Paris.
La Commune a décidé d’imposer que les seules armes autorisées dans Paris seront celles de la garde nationale. Pour s’assurer dans le plus bref délai de la possession de toutes les armes des émigrés, des réfractaires jugés comme tels par le conseil de discipline, des perquisitions méthodiques sont organisées par rues et par maisons, en arrêtant les concierges qui font des fausses déclarations. Les armes sont restituées à l’arsenal de Saint-Thomas-d’Aquin, elles serviront à armer les nouveaux bataillons. Les fusils Chassepot ne seront donnés qu’aux bataillons de marche, en attendant qu’on en puisse donner à tous. Le désarmement est une mesure de sécurité pour la Commune, mais il faut être conscient que c’est une mesure d’autorité justifiée par la situation.
Estimant qu’il n’est pas possible actuellement d’agir rapidement pour prendre des sanctions, puisqu’il est impossible de traduire devant les conseils de guerre de légion qui n’existent pas encore, la Commune crée provisoirement une cour martiale pour les cas exceptionnels qui exigent une répression immédiate, avec une précaution, les peines capitales restent soumises à la sanction de la commission exécutive. Elle est exclusivement composée d’officiers supérieurs à l’exception d’un lieutenant membre du Comité central de la Garde nationale :
Le colonel Rossel, chef d’état-major de la guerre ;
Le colonel Henry, chef d’état-major de la place ;
Le colonel Razoua, commandant de l’École militaire ;
Le lieutenant-colonel Collet, sous-chef d’état-major du commandant supérieur Eudes ;
Le colonel Chardon, commandant militaire de la préfecture de police ;
Le lieutenant Boursier, membre du Comité central.
Une autre décision va dans le même sens, celui de l’unité de commandement sous l’autorité exclusive de la Commune et de son délégué à la guerre.
La Commune décide que la fonction de chef de légion est incompatible avec celle de membre de la Commune, puisque le chef de légion est subordonné à l’autorité des membres de la Commune. Cette décision renforce encore l’autorité de la Commune vis à vis de celle du Comité central de la garde nationale.
Une longue note paraît au Journal Officiel donnant des consignes précises aux commandants de la flottille de canonnières, pour améliorer la présence sur les bateaux, l’entretien des matériels.
Enfin, la hiérarchie du service médical de la garde nationale est constituée en même temps qu’est installée une inspection générale des ambulances.
Thiers adresse une dépêche à afficher dans toutes les communes, remplie de mensonges éhontés
les fakes news de Thiers
Le gouvernement s’est tu hier parce qu’il n’y avait aucun événement à faire connaître au public, ……. Nous n’avions donc rien à raconter, sinon que les insurgés vident les principales maisons de Paris pour en mettre en vente le mobilier au profit de la Commune, ce qui constitue la plus odieuse des spoliations. Le gouvernement persiste dans son système de temporisation pour deux motifs qu’il peut avouer: c’est d’abord de réunir des forces tellement imposantes que la résistance soit impossible et dès lors peu sanglante; c’est ensuite pour laisser à des hommes égarés le temps de revenir à la raison… On dit à ces … hommes égarés qu’on veut les fusiller tous, ce qui est encore faux, le gouvernement faisant grâce à tous ceux qui mettent bas les armes, comme il l’a fait à l’égard de 2000 prisonniers qu’il nourrit à Belle-Isle, sans en tirer aucun service….. le gouvernement….. si quelques coups de canon se font entendre, ce n’est pas son fait ; c’est celui de quelques insurgés voulant faire croire qu’ils combattent lorsqu’ils osent à peine se faire voir. …
..Adolphe Thiers
Qui a vu dans Paris du mobilier en vente, qui peut croire que les obus provenant des canons versaillais dirigés contre Paris qui détruisent les quartiers des Ternes, des Champs-Élysées, de Chaillot, Passy, Auteuil, les obus atteignant les maisons et les passants en des endroits bien éloignés de toute lutte, où pas un fédéré n’existe, sont le fait de… quelques insurgés !
-
Picard envoie en même temps une circulaire aux préfets pour empêcher que des soutiens du dehors ne rejoignent les Parisien·ne
La réaction Versaillaise interdit que l'on aide Paris
Picard envoie en même temps une circulaire aux préfets pour empêcher que des soutiens du dehors ne rejoignent les Parisiennes :
Je suis averti qu’un grand nombre d’étrangers se rendent à Paris pour prendre part au désordre qui afflige cette ville. Les chemins de fer en sont remplis. Donnez des ordres les plus précis pour qu’ils soient mis dans l’impossibilité d’entrer à Paris. A cet effet, les brigades de gendarmerie et les commissaires de police devront visiter les trains montant, et faire descendre tous ceux qui leur paraîtront suspects. Ils leur demanderont leurs papiers et ne devront les laisser continuer leur route qu’après en avoir référé, et vous ne laisserez entrer à Paris que ceux qui y sont appelés par des motifs ne vous serez juge. Je vais donner des instructions pour que, jusqu’à nouvel ordre, tout voyageur sol tenu d’exhiber un passeport.
ERNEST PICARD
Paris, le 16 avril 1871.
Les ateliers abandonnés par leurs propriétaires deviennent des coopératives autogérées
La Commune de Paris,
Considérant qu’une quantité d’ateliers ont été abandonnés par ceux qui les dirigeaient afin d’échapper aux obligations civiques, et sans tenir compte des intérêts des travailleurs ;
Considérant que par suite de ce lâche abandon, de nombreux travaux essentiels à la vie communale se trouvent interrompus, l’existence des travailleurs compromise,
DÉCRÈTE :
Les chambres syndicales ouvrières sont convoquées à l’effet d’instituer une commission d’enquête ayant pour but :
1° De dresser une statistique des ateliers abandonnés, ainsi qu’un inventaire exact de l’état dans lequel ils se trouvent et des instruments de travail qu’ils renferment ;
2° De présenter un rapport établissant les conditions pratiques de la prompte mise en exploitation de ces ateliers, non plus par les déserteurs qui les ont abandonnés, mais par l’association coopérative des travailleurs qui y étaient employés ;
3° D’élaborer un projet de constitution de ces sociétés coopératives ouvrières ;
4° De constituer un jury arbitral qui devra statuer, au retour desdits patrons, sur les conditions de la cession définitive des ateliers aux sociétés ouvrières, et sur la quotité de l’indemnité qu’auront à payer les sociétés aux patrons.
Cette commission d’enquête devra adresser son rapport à la commission communale du travail et de l’échange, qui sera tenue de présenter à la Commune, dans le plus bref délai, le projet de décret donnant satisfaction aux intérêts de la Commune et des travailleurs.
Ce décret manifeste les tendances socialistes de la Révolution du 18 mars puisqu’il s’attaque au droit de propriété, mais avec une limite importante : il ne concerne que les ateliers abandonnés par leurs dirigeants.
Il prévoit une commission qui sera mise en place par les chambres syndicales ouvrières pour recenser les ateliers abandonnés et étudier comment ils pourraient être exploités par les travailleurs qui y étaient employés mis en coopérative. Il est prévu un jury qui devrait statuer a retour des patrons sur les conditions et le prix de cession à l’association.
Il n’est nullement envisagé une dépossession brutale des patrons, juste une remise aux ouvriers des ateliers abandonnés.
Cela répond à une attente forte du peuple ouvrier de Paris qui veut prendre ses affaires en main, y compris à l’atelier, que la Commune aide toutes les expériences coopératives qui ne peuvent qu’être bénéficiaires puisqu’elles ne font pas de profit, et qui pourront faire une efficace et victorieuse concurrence aux entreprises capitalistes pour éliminer progressivement le patronat.
La Commune fournit préférentiellement du travail à un certain nombre d’associations. Il s’agit :
-
des Coupeurs de chaussure (X°) ;
-
la société des Cuirs et Peaux ; Vorbe et Maréchal, fondeurs ; la société coopérative des fondeurs (XI° et XV°) ;
-
la société des fondeurs en suif,
-
- l’association de Mécanique de précision Boissière (XVII°) ;
-
l’Association coopérative de la métallurgie (XI°), Fragerolles, Optique et Précision, -’Association générale des ouvriers tailleurs (pratiquement un atelier par quartier ouvrier), -l’association générale typographique Berthélémy.
-
Les tailleurs font pression sur la Commune pour obtenir la préférence des entreprises coopératives sur les entreprises privées pour l’habillement de la garde nationale.
Les cordonniers sont directement concurrencés dans une démarche similaire par l’entreprise Godillot, qui, après avoir fourni l’armée de Napoléon III durant l’empire, fabrique aujourd’hui les chaussures pour la garde nationale.
La Commune dispose de quelques établissements industriels qui appartenaient à l’État
Lors de son arrivée au pouvoir, la Monnaie, l’Imprimerie nationale, les Manufactures des Tabacs, et quelques entreprises d’armes datant du siège appartenaient à l'Etat .
La Commune a décidé d’honorer les contrats passés entre l’État et les entreprises privées avant son arrivée au pouvoir. Par exemple, l’État avait passé un contrat avec l’imprimeur Wittersheim pour la publication d’un journal intitulé « Journal officiel de la République française ». La Commune se considérait comme substituée à l’État et continue à publier le Journal Officiel dans cette entreprise privée.
La Province solidaire de Paris
des adhésions arrivent de plusieurs villes de province à la Ligue d’union républicaine.
La Ligue, comprenant l’utilité qu’il y avait à éclairer la province sur la véritable situation, a nommé une commission de cinq membres chargés de se mettre en rapport avec les conseils municipaux des départements.....
L'ordre et la morale doivent régner dans Paris
■ Le comité central a crée des patrouilles de gardes nationaux qui ont pour mission le soir d’exiger la fermeture des cabarets, des cafés trop bruyants, des tavernes à filles et qui font la chasse aux brillants officiers fédérés qui festoient plus qu’ils ne se battent.
Les malades mentaux recensés
Aliénés : Les directeurs des établissements publics et privés d’aliénés sont invités à envoyer, dans les quatre jours, à la délégation de la justice un état nominatif complet de leurs malades...............
Les Prisons
Tous les directeurs de prisons, maisons d’arrêt ou de correction enverront dans les quatre jours, à la délégation de la justice, un état nominatif complet des détenus actuellement écroués. Cet état mentionnera, en regard du nom de chaque détenu, la date de son écrou et la nature de l’inculpation qui pèse sur lui.
Le musée du Louvre et les autres musées ouvrent à nouveau leurs portes
Samedi 15, avril 1871 une partie des musées du Louvre a été ouverte au public et aux artistes. Cette partie comprend : le musée Lacazes, la salle Henri II, la salle des Sept cheminées où se trouvent le Naufrage de la Méduse, par Géricault, et les Sabines, de Louis David. Tout le musée des Antiques. Le musée des dessins de toutes les écoles, des miniatures et des pastels. Le musée Sauvageot, celui des faïences italiennes et des terres cuites de Bernard de Palissy. Le musée des sculptures de la renaissance. Et le musée des sculptures des dix-huitièmes et dix-neuvième siècles du rez-de-chaussée. Les portes ouvrent à dix heures.
.................
Sources : www.contretemps.eu journal de la commune de Paris 16 avril