Un jour une histoire : La maison des "Flots Jolis".

La maison des 'Flots Jolis'

C'était le printemps : les arbres étaient en fleurs. Les plantes grimpantes s'accrochaient aux murs ,sorties de leur long somme hivernal .Notre grande battisse en pierres ,la maison familiale, avait été acquise voilà une centaine d'années par mon arrière grand mère au début du Xxème siècle.

Un joli pont  nous permettait de passer la rivière sans encombre .L'été , nous aimions aller au village en barque pour le plaisir de voguer sur l' eau limpide des « Flots Jolis «  :  nom de la rivière.

Ce lieu était un paradis .Si harmonie signifiait quelque chose ,ce paysage bucolique, ces maisons sages entourées de nature ,en était la représentation matérielle.

En ce début de printemps nous avions vu arriver avec les hirondelles , les cigognes ,les concerts d'oiseaux , les hordes de peintres avec leur chevalet. Ils s'installaient invariablement sur la rive voisine, pour épancher leurs couleurs, leurs huiles, leurs fusains sur des toiles blanches. Notre hameau les attirait , suscitait inspiration créativité et imaginaire.

Un vieil artiste venait toutes les années peindre notre have de paix .Mes parents le connaissaient bien et l'invitait chaque fois à venir déjeuner .Il nous rapportait des paniers remplis de confiture de ses jardins et de ses vergers. Ils se nommait Ferdinand et nous l'appelions « Fanfan. »

Outre le fait que Fanfan etait un peintre hors pair, il était aussi « conteur » et aimait nous raconter ses histoires. Un jour après le repas , il surprit toute ma famille en disant que notre maison avait jadis appartenu à son arrière grand père: Léon Garnedet.

Etant mort à la guerre de 14-18  , sa veuve n'avait pu y rester et l'avait vendue à un couple de paysans : mes arrières grands- parents.

Après le repas ,alors qu' il retourna peindre, il me demanda de le suivre : il avait quelque chose à me dire :

-Simon peux -tu garder un secret ?

Etonné je m’entendis lui dire :

-Evidemment ! Je ne suis plus un enfant : j'ai douze ans !

-Parfait  ! Pourrais -tu m'aider à éclaircir un mystère  ?

-Un mystère  ? Quel mystère ?

-Ta maison !

-Ma maison ?

-Mon arrière grand -père avait dit à mon arrière grand -mère avant de partir à la guerre  que  , s'il lui arrivait malheur, de ne jamais vendre la maison car elle possédait un trésor inestimable qui ne s'épuiserait jamais . Après sa mort, ma grand -mère chercha longtemps des années durant ce trésor .Elle fit venir des maçons qui ouvrirent des pièces murées, qui explorèrent de la cave au grenier la demeure , en vain . Elle consulta une radiesthésiste , des voyantes ..sans aucun résultat.Elle finit par vendre la maison qu'elle ne pouvait conserver d'avantage. Je voudrais essayer de retrouver ce trésor. Un magicien , un ami m'a révélé voilà quelques mois, que ce trésor existait bel et bien mais qu'il se présenterait sous une forme qui me surprendrait .Il me dit aussi que je ne pourrais pas l'emporter , que je devrais le laisser sur place et le confier aux habitants de la maison . J'ai pensé  à toi .M'aideras -tu  ?

-Pourquoi ne pas demander à mes parents de vous aider ? 

-A vrai dire je n'ai pas osé leur demander car je craignais leur réaction  et qu 'il me prenne pour un vieux fou !  

J'acceptais d'aider « Fanfan ».Je ressentis une curieuse excitation Savoir  qu'il y avait un trésor caché dans ma maison natale, me remplissait de nervosité et d'impatience mais je devais garder pour moi cette palpitante nouvelle  .

Je fus chargé de visiter chaque pièce, de repérer les murs en pierre, de fouiller les renfoncements, les voutes , la cave et le grenier.Je ne trouvais rien.Un jour, ma mère intriguée par mes vas et vient m'interrogea :

-Mais à la fin qu'est -ce -que tu cherches  ?

-Une cachette ,un endroit secret où les anciens propriétaires auraient mis quelque chose ! 

-On n'a jamais n'ai rien trouvé . Demande à la grand -mère !

Je fonçais au deuxième étage là où reposait mon aïeule .Elle venait de finir sa sieste :

-Mamie n'as -tu pas eu connaissance d'une cache dans la maison ,un endroit où l'on aurait pu dissimuler des choses ?

-Si fait ! Et pourquoi me demandes -tu cela ?

-Euh ? 

J'improvisais :

-C'est pour ma  rédaction : il faut qu'on présente sa maison ou son quartier avec ses secrets ses mystères ...

- En fait notre maison a servi de cachette pendant la guerre . Il y a une trappe dans la cuisine.On descendait à une première cave et là des juifs ont pu être sauvés .Ton grand père fut  un grand résistant !

-Mais la trappe est bouchée !

-Oui le sous sol a été bouché car il était fragile et très humide .

-Grand mère je voudrais y aller !

-Impossible !

-Je t'en prie ! 

Finalement elle se leva descendit les escaliers et me conduisit dans la cuisine :

-C'est la dessous , dessous la cuisinière ! Tu vois on ne peut rien faire !

Sur ces mots mon père arriva :

-Eh bien que se passe t -il ?

-Simon veut connaitre la cache souterraine !

-Et pour quoi  ?

-C'est pour ma rédaction !

-Ta rédaction ?

-Oui il faut écrire comme j'ai dit à Mamie, les mystères de sa maison de son quartier enfin quelque chose autour de l'imaginaire du mystérieux ou de faits réels.

-Demain j'ouvrirai la trappe . Aujourd'hui je suis fatigué du travail !

En attendant, je courais prévenir Fanfan qui logeait  quelques jours au village :

- Fanfan , je crois que le secret se trouve sous la trappe qui a servi de cachette pendant la guerre.

Le lendemain je guettais le retour de mon père. Il ouvrit la trappe avec des clés  puis la souleva :

-Eh bien allons- y ! Me lança t- il.

Il avait prit deux lampes de poche. Il me tendit l'une d'entre elle et descendit le premier les escaliers qui craquaient . A l'intérieur de cette cave une odeur de moisi et d'humidité me montèrent la gorge . La pièce était petite mais se prolongeait d'un couloir. Nous le suivîmes .La lumière des lampes étaient faible mais je pouvais tout voir  : pas de cachette pas de renfoncement dans les murs. Le couloir était long de 50 mètres et nous conduisit ….vers une ouverture, une porte que mon père ouvrit. Elle donna  sur  le jardin.

-Eh bien tu es satisfait ?

-Oui !

-Retournons à présent !

Je rebroussais chemin. Et nous remontâmes dans la cuisine .J'observais où mon père avait mis les deux clés .

Nous attendîmes le mercredi suivant .Il n'y avait personne dans la maison : mon père était absent comme tous les jours ,occupé à son travail . Ma mère et ma grand-mère étaient parties comme tous  les mercredis en ville rendre visite à ma tante Iréne chez qui on déjeunait . D'habitude je les y retrouvais après les cours ,mais ce mercredi là je prétextais avoir beaucoup d' exposés à finir et je rentrais  à midi avec le bus scolaire .

Dans l'après midi je conduisais Fanfan dans la cave oubliée.

Nous cherchâmes longtemps en vain puis Fanfan découragé me dit :

-Merci pour m'avoir écouté et guidé ! Mais je dois reconnaître que c'est impossible de retrouver quoi que ce soit !

-Remontons ! lui dis- je 

Je lui offrais un grand verre d'eau fraiche sortie d'une bouteille du frigo.

-Vous ne buvez pas l'eau du puits ?

-Quel puits ? Demandai-je perplexe.Je n'ai jamais entendu parler d'un puits  !

-Le puits de la maison !

-Il y a un puits dans la maison ?

-Mais oui et l'eau y était pure et  bienfaitrice :  elle soulageait les maux de ventre, de tête .. disait ma grand mère .Tu ne l'as pas vu quand tu es descendu avec ton père ?

Nous reprîmes le chemin de la cave et nous arrivâmes devant le puits . Les portiques en fer forgés était rouillés mais un seau semblait bien accroché.

Fanfan défit les cordes et la chaine et descendit le seau . Il le remonta ; l'eau était trouble et il n'y en avait que très peu.

Le puits semble asséché .

-Et si mon aïeul y avait caché ici  son   trésor ? 

Nous fîmes descendre dix fois, vingt fois le seau ,en vain .

-Il faut que tu y descendes ! .Moi je suis trop vieux , si non je descendrais. Ne t’inquiète pas je tiens la corde .Je vais t'éclairer. 

Je descendis jusqu'au fond. Fanfan me lança une torche et j'explorais l'endroit.Un mince filet d'eau  perlait . Je débouchais ce qui me parut une ouverture .Je reçus en plein visage un jaillissement d'eau fraiche.

-Débouche le puits ! Me cria Fanfan.

-C'est fait !

Il se remplit assez vite et je remontais aussitôt..

Fanfan me dit :

- Merci Simon ! Arrêtons à présent nos recherches ! Je te remercie pour ton aide.Je crois avoir trouvé le trésor de la maison en pierre  des "Flots Jolis "et son secret . Cette eau est une eau vertueuse  .On venait de loin pour la collecter. Etrange que vous ne l''ayez jamais utilisée  ! C'est peut être ça le trésor  que je ne pouvais emporter et que je devais laisser sur place ?

Nous nous quittâmes un peu déçus mais convaincus qu'il n'y avait pas d'autre trésor  !

Je parlais par la suite de ce puits que j'avais découvert et débouché ..

J' assumais l' exploration solitaire des entrailles de notre maison.

On fit analyser l'eau : c'était une merveille : elle possédait des vertus ignorées, exceptionnelles .Des chercheurs, des guérisseuses, des laboratoires l'achetèrent . Nous en fîmes bénéficier tous les gens du village. L'eau de notre puits était chargée de minéraux rares qui nourrissaient les terres en jachères ou brulées , les plantes , les racines séchées, et revigoraient les plants et les semis .

Par un conduit on fit monter l'eau et on installa une fontaine avant le pont pour que tous puissent en jouir .

C'était là le trésor caché dans la maison de pierre des Flots Jolis.

Fanfan revint à chaque printemps peindre la maison de ses ancêtres et s'abreuver à l'eau miraculeuse de son puits.

-