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Secret de famille (chapitre 18)

roman les Hautes Chaumes

Secret de famille

 

Simon partit avec la diligence de Feurs accompagné de Baudry ,son prisonnier l'italien balafré suspect des quatre crimes des Hautes Chaumes, Robert l'aubergiste et quatre  villageois .Leurs objectifs :

-rejoindre Paris le plus rapidement possible,

-présenter  Simon Monteban comme le représentant de la région du Forez et lui attribuer la charge de commissaire du peuple,

-déférer le présumé coupable, l'italien balafré  et le juger.

La route fut longue et la surveillance du prisonnier délicate car à maintes reprises il profita de la fatigue, de la distraction, ou du moment pour essayer de s'échapper .Mais ce fut  chose vaine.

Le groupe arriva à Paris sept jours plus tard. C'était le début aout 1789. On conduisit l'italien dans une cellule . Jeanret se remettait de sa blessure. Il avait toujours des maux de tête mais sa convalescence laissait présager un  rétablissement . Margot l’avait soigné ainsi que la petite bonne Coraline, toutes deux  à ses petits soins. Cette humanité , cette chaleur si longtemps prescrites dans le coeur du policier aigri et dur, semblaient trouver une voie, une raison, un visage . Les deux femmes l'avaient métamorphosé .

Simon fut choisi pour remplacer un député du tiers états démissionnaire . Trois jours plus tard, dans la nuit du 4 aout, 1789, lors d'une séance nocturne on décida à l'assemblée de la fin des privilèges, des droits seigneuriaux et du système féodal . La révolution était bien en marche .

Simon fut très occupé à l'assemblée les jours suivants.

. Baudry retrouva quelques policiers restés en place après les événements de la Bastille, et les émeutes .Le ministre de la police , avait préféré partir à l'étranger comme beaucoup de nobles effrayés par l'ampleur que prenaient les événements . Un nouveau ministre accueillit Baudry . Ce dernier lui rappela l'affaire des Hautes Chaumes et évoqua l'agression de Jeanret blessé et sauvé par le sieur Monteban , récemment nommé député à l'assemblée nationale . Jeanret fut prié de se rendre au siège de la police ainsi que Simon Monteban.On fit venir également l'italien et Robert .La confrontation se passa étrangement : mis côte à côte Jeanret et l'italien se ressemblaient comme deux gouttes d'eau, deux vrais jumeaux et pourtant tous deux niaient fortement être le frère de l'autre , repoussant sans merci l'hypothèse d'un frère inconnu , caché, par la famille.

Ce qui était encore plus étrange fut que Robert affirma que l'homme venu parler avec le détective n'avait pas d'accent italien et parlait un français parfait . Affirmation confirmée par Marie Angéline : l'homme qui avait menacé Châtaigne n'avait pas d'accent et était bien de chez nous !

L'homme à la balafre clamait son innocence disait s'appeler Angelo Marinelli, venir de Calebro en Calabre . Il parlait très mal le français .On alla chercher Gavotti un fonctionnaire de police d'origine italienne qui traduisit les propos du suspect .

L'homme suspecté évoquait une erreur judiciaire, disait  être venu en France  suite à un contrat que son patron ( son beau père  ) devait passer avec une scierie du Forez .Il disait avoir eu une allergie au visage et avoir été soigné par un docteur. C 'était  pour cela qu 'il portait des pansements aux joues et pour se protéger des poux qui pullulaient dans la remise où il dormait à  Chalmazel, il avait mis une parruque pour éviter que l'infection du visage ne se propage ....

-Ce ne sont pas des  »preuves » ! Rugit le nouveau chef de la police ! Vous le présumé italien vous pouvez fort bien imiter l' accent , faire semblant d’être l'italien et inventer une histoire  !  Vous parlez parfaitement le français !

-No capisco  niente  signore ! Hurla l'italien à bout

-Monsieur ,dit Gavotti , je crois qu'il dit vrai !

-Vous connaissez la Calabre Gavotti ! Alors posez lui des questions sur cette région sur ses coutumes nous verrons s'il dit vrai  !

Ce qu'il fit.

-Chef, cet homme est un italien  de Calabre ! Il connait nos coutumes du sud .Il dit avoir grandi en Calabre , je connais  .Il m'a parlé de la vie là-bas des danses des coutumes , des artisans du prêtre , des chants. 

Les policiers ne savaient que penser. 

-Drôle de coïncidence ! Insista Baudry ! Cette ressemblance  entre ces deux hommes Jeanret et ce  Marinelli  ! Marinelli qui se retrouve par hasard sur les lieux des crimes !

Marinelli parla avec Gavotti et lui demanda de traduire :

-Voilà ce qu'il me demande de traduire  : "Rien de coïncidence ! . Nous avons tous  un ou deux sosie , des gens qui nous ressemblent ; d’autre part je suis forestier c'est mon métier alors que j'aille travailler dans les forets d'Italie ou d'ailleurs quoi de plus naturel ? J'ai une femme qui m'attends et deux enfants de l'autre coté des Alpes  !

Et il déposa sur la table un document officiel en italien avec les noms des enfants et de la femme.

On fit sortir Marinelli.

-Cela va prendre des semaines voire des mois pour vérifier la véracité des dires de cet homme, vérifier son identité. Et s' il disait vrai ? S'il s'agissait d'une méprise de votre part ? Nous avons actuellement d'autres priorités avec les événements récents ! soupira le chef de la police .

-Mais nous avons des témoignages notamment de Robert qui pense que Marinelli a voulu le tuer à deux reprises et le témoignage de Marie Angéline qui pense qu 'il aurait pu vouloir la noyer ! Hurla Simon.

-Mais vous n'avez aucune preuve concrète ! Ce ne sont que des suppositions , des impressions ! De toute façon je vais garder en prison Marinelli quelques temps, le temps nécessaire pour prendre un décision .

L'italien fut emprisonné dans la prison du temple .

Simon et Robert étaient très déçus .Baudry était silencieux et Jeanret , perplexe.

-Vous avez rencontré votre sosie vous ? Demanda t- il incrédule.

-Non pas moi ! Dit Baudry mais ma compagne dit avoir un sosie : une jeune femme qui lui ressemblerait trait pour trait et qu'on prendrait souvent pour elle .

-Alors vous êtes trois à avoir le même visage ! Conclut Simon : Jeanret ,l'italien et le tueur ??? Cela fait un sosie de trop : deux je veux bien ….mais trois ? C'est pour ça

que je pense que ce Marinelli nous ment et est bel et bien notre tueur !

Les jours filèrent. Jeanret rétabli ,repartit dans  son appartement ..Robert retourna dans le Forez sa présence à Paris était inutile ....Simon fut occupé à l'assemblée nationale : on vota le 26 aout dans l'euphorie générale la « déclaration des droits de l'homme et du citoyen »...Les choses empirèrent pour la monarchie.

Le 6 octobre les femmes marchèrent sur Versailles et ramènent le Roi et sa famille à Paris. Beaucoup de nobles émigrèrent à l'étranger . Ce fut le cas du comte du Forez .Il prévint Margot afin qu'elle prépare les bagages des enfants .Il débarqua un matin précipitamment avec un fiacre sans fioriture ni distinction. Il y fit mettre les bagages, congédia son personnel cuisinière jardinier bonne et gouvernante les mettant à la porte .Il ferma à double tours la porte de son immeuble, s'installa dans le fiacre avec sa fille et son fils et détallèrent sans un mot sans un au revoir, sans un merci !.

Jeanne pleurait amèrement ce départ tout comme Louis .Qu'importe ,le Comte n'avait pas de temps à consacrer à la peine de ses enfants.

Margot alla rejoindre son époux à l'assemblée et le mit au courant . De fait ,les députés prirent une décision qui allait plaire au peuple : » toutes les demeures désertées par les aristocrates émigrés seront réquisitionnées par l'assemblée constituante pour y loger les familles sans logis. « 

Ainsi l'immeuble du comte du Forez fut réouvert et Margot put y retourner avec ses enfants et la jeune bonne, Coralie.

Un événement inattendu allait bouleverser le cours des choses  .

Jeanret fut appelé d'urgence au chevet de sa nourrice , Dame Henriette  , à Grenoble.

-Mamy ! Comment vas –tu  ? Murmura le policier aux bords des larmes .

-Ecoute- moi Paul , je vais bientôt mourir ! J'avais fait une promesse à ta mère que j'ai tenu toute ma vie.Le prêtre m'a confessée, voilà huit jours. Il m'a demandé de tout te dire. J'avais tellement peur de mourir avant que tu n'arrives, alors je lui ai dicté une lettre .Elle est là sur les table de chevet. Prends là et lis là. Ne m'en veux pas , j'avais juré sur lit de mort de ta maman de te tenir loin ,très loin de tout ça pour te protéger.

Jeanret prit la lettre et la lut :

« Paul mon petit Paul, tu as toujours été pour moi mon garçonnet. Je t'ai recueilli tout bébé . Tu étais un nourrisson d'à peine quelques jours. Ta mère ,Marie, fut obligée de te laisser . 

Elle avait aimé un homme plus âgé ,un bel homme mais sans fortune .Ils devaient se marier . Mais le père  et la mère de ta mère ,tes grands-parents - ne voulurent pas de lui de ce mariage .

Ton père se nommait Paul Ange Castellin .

Les deux amoureux s'enfuirent une nuit , mais on les rattrapa et ton grand père accusa de vol Paul pour l 'éloigner définitivement d'ici de Grenoble et l'obliger à partir à la guerre...

Mais la nature avait été plus forte : la douce Marie mit au monde deux enfants deux

 jumeaux toi le premier qu'elle baptisa Paul et le second Ange deuxième prénom de ton père . Il était convenu que je te garderai toi et que ton frère irait chez une autre nourrice du hameau voisin . Le malheur voulut que Marie sous un coup de folie s'enfuit avec vous deux pour retrouver Paul et ne pas se marier : c'était l'hiver . La nuit tomba soudain et les loups accoururent . L'un d' entr 'eux se jeta dans le berceau et mordit un des deux bébés .Marie ,courageusement se battit avec l'animal. Grâce à Dieu mon mari avait suivi Marie .Il était armé d'un fusil .Il tua l'animal.Mais le mal était fait .Tes grands-parents furent alertés..On me confia alors ta petite personne mais pour ton frère les choses allèrent mal : la nourrice très superstitieuse ne voulut pas d'un enfant qu'un loup avait mordu disant que le mal était entré dans le bébé qui avait la joue gauche défigurée et traversée d'une profonde balafre.Elle croyait aux loups garous . Personne au village ne voulut d 'Ange ! Ton grand père fit courir le bruit que le bébé avait succombé à ses blessures . Ta mère le crut et en souffrit énormément. Mais cela fit taire les langues . Ton grand père trouva une ouvrière italienne un peu sorcière qui travaillait à la manufacture . Il lui proposa une grosse somme d'argent pour garder le silence et disparaitre avec l'enfant . Cet argent provenait du bijoutier. Elle accepta et quitta très vite le pays .

Depuis je n'ai pas eu de nouvelle d'Ange. Ce que je sais c'est que la jeune italienne se nommait Carlota Marinelli  et venait de Calabre.On dit qu'elle est retournée vivre là-bas.»

Pour ton père , il apprit bien plus tard ta naissance . Personne ne lui parla de ton frère Ange  . Ne n'en veux pas d'avoir gardé le silence.Lorsque tu étais venu me demander des renseignements sur ton passé, je ne pouvais t'expliquer .Pardonne- moi ! Je t'ai aimé comme une vraie mère aime son petit. Que Dieu te bénisse ! Adieu !

Jeanret s'écroula sur le lit d'Henriette !

-Mamy Henriette ! Je te pardonne, reste encore avec nous ! 

-Il faut la laisser se reposer à présent ! C'était le médecin qui était arrivé .

-Docteur ! Murmura Jeanret. 

Le médecin fit un signe de la tête

-Elle n'y en a plus pour longtemps . Elle a résisté pour vous voir une dernière fois ! Maintenant il faut la laisser partir en paix .

Après l'enterrement , Jeanret s'en retourna à Paris et se rendit à la prison où était détenu Angelo Marinelli. Il pénétra dans la cellule.

-Je sais que tu es mon frère  et que tu parles  bien  français  comme tu parles  l'italien !

L'autre le scrutait et dit d'un parfait français :

-Entre frère , on se doit assistance et aide ? Pas vrai ? C'est ce qu'aurait aimé notre mère et notre pauvre père , n'est-ce- pas ? Si je parle, si je te parle à toi , si je te dis toute la vérité, me laisseras -tu repartir chez moi, retourner en Italie ?

Paul Jeanret resta silencieux . Cette vérité il la voulait pour lui . Sa conscience de policier passerait après .Il avait consacré des années à la police , à la vie des autres sans penser à la sienne .

 La jeune Coraline avait éveillé son moi intérieur  : elle  lui avait ouvert les yeux, et l'invitait  à regarder dans une autre direction  . Il n'y avait pas que le devoir professionnel qui pouvait compter .Le premier devoir n'est t-il pas de rechercher le bonheur  ,d'être heureux  de construire une famille  ? D’être en paix avec sa conscience ?

Jeanret en avait assez de ce  métier de policier et envisageait  une autre vie  avec  Coraline. 

-Eh bien ! Que dis -tu ? Insista l'italien 

-C'est d'accord , si tu me dis tout , je te sortirai de la prison et tu pourras repartir pour l'Italie.Je te donne ma parole .

-Tu trahirais la police ?

-Ça c'est mon problème .Notre mère te baptisa Ange , cette cicatrice t'as laissé bien des séquelles physiques certes mais aussi  psychiques .Je regrette de ne pas t'avoir connu plus tôt avant tout ça !

-Avant quoi ?

-Avant ces drames, ces meurtres ! Tes meurtres ! Je t'aurai aidé , je t'aurai sauvé.Je suis ton ainé je me sens responsable de toi !

-Et pourquoi ne l'as - tu pas fait ?

-J'ignorais ton existence ! Ta souffrance ! J'ignorais que notre père vivait , j'ignorait jusqu'à son nom ! ! Comment as -tu su que c'était notre père ?

-Guilietta ma mère adoptive se trouvait dans mon village natal, cette année là et travaillait à la manufacture. Elle écoutait les femmes parler d 'une certaine Marie une si belle fille , l'amoureuse du beau soldat Paul , de ses méchants parents ...et du bijoutier prêt à tout pour évincer ce concurrent.

Elle m'expliqua ma blessure les loups qui m'avaient donné la rage car j'étais un enfant difficile turbulent et insolent mais très bon élève. J'appris le français et l'italien en même temps .Giulietta disait :

-Tu vas retourner dans ton pays quand tu seras grand ! Il faut que tu parles parfaitement le français.

Elle parlait très bien le français …

De retour en Italie Giulietta se mit en ménage avec un homme d'affaire un escroc .Elle vécut un calvaire pendant cinq ans avec cet individu. Je fus placé en pension car il ne me supportait pas .Un soir de Noel j'avais quinze ans , je faisais le mur pour voir Giulietta dont j'étais sans nouvelle.J'arrivais à la maison et je l'entendis crier supplier pleurer et j'entendais l'autre la frapper . Je poussais la porte et me précipitais sur le fou qui avait un couteau à la main et allait tuer ma mère. adoptive. Je l'empoignais, on se battit et il tomba mort la gorge tranchée . Nous  l' enterrâmes avec Giulietta  dans le jardin.Je retournais aussitôt au pensionnat avant le réveil. Personne n'avait rien vu ni entendu . Personne ne se soucia de la disparition du fou.

-Et après ?

-Après ? Comme j'étais bon élève j'appris le droit mais j'aimais la nature , la terre.Aussi après avoir passé cinq ans comme commis de clerc ,je décidais de changer ..J'appris le métier du bois et je tenais la comptabilité d' une petite scierie.

J'épousais la fille du patron qui me donna deux beaux enfants .

-Tu as une épouse et deux enfants ?

-Oui !

-Je me rendais en France pour faire signer quelques contrats .

Je visitais les forets de Grenoble du massif Central où paraît- il ,il y a la plus belle foret de France . Là j'apprenais qu'à quelques kilomètres de là ,on avait assassiné un vieux soldat nommé Paul Ange Castellin.

- C'est toi qui a tué ce maudit Châtaigne ?

-Il me rappelait le bourreau de Guilietta ,un dépravé , un lâche ! Oui je l'ai fait parler  et je l'ai tué ! Il a tué notre père parce qu' il ne voulait pas témoigner contre un certain Simon Monteban.

-Et tu es allé au procès de Simon Monteban

-Oui j'ai pris le bras de cette fille au risque de me démasquer .

-la suite ?

-La suite vous la connaissez .Cette gourgandine d'épouse Dumont avec le détective m'avait découvert ..Je n'ai pas eu le choix et la femme fut prise de panique, mais je n'y suis pour rien dans sa mort  !

-Le fourreur ,c'était toi aussi ?

-Pour me rendre à Chalmazel il fallait que je dissimule mon visage trop remarquable et ma silhouette . Je commandais un manteau de peaux de loups . Plus tard l'artisan parla au détective et dessina un visage qui me ressemblait.Il fallait le faire taire .

-Et le policier ? C'était une méprise ?

-Oui c'était une méprise : c'est l'aubergiste que je visais car lui aussi avait vu mon visage et pouvait m'identifier tôt ou tard !

-Comme Marie Angeline ? Est ce toi qui l'as -tu tirée dans la rivière ?

-Je voulais en finir avec toute cette histoire : faire table rase pour retourner  auprès de ma famille en Italie. 

-Pourquoi avoir commis les trois meurtres à part Châtaigne. Pour lui personne ne t'aurait poursuivi car il n'a eu que ce qu'il méritait, mais les autres étaient des innocents !

-C'étaient un danger permanent  : l'épée de Damoclès sur ma tête. Je ne pouvais vivre ainsi , tremblant chaque jour.Je voulais définitivement tourner la page et pour cela il fallait effacer de ma route tous les risques  !

Tag(s) : #chapitre 18 secret de famille, #Roman les hautes chaumes
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